Dans le n° 157-mars 2024  - Partie II  16478

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Le vieillissement de la population implique de valoriser, d'accompagner et mieux rétribuer les professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles. Une grande partie des métiers que l'on disait de vocation et qui relèvent aujourd'hui plutôt de l'engagement, pour éviter la notion religieuse et de sacrifice, ne trouvent plus preneurs.

La valorisation des professionnels du care - et des aidants de proche - ne peut se faire sans impliquer la société tout entière et considérer l'évolution de la sociologie et des modes de vie des soignants comme des soignés. On évoque, par exemple, le manque de médecins, généralistes et spécialistes. Or ce n'est pas le nombre qu'il faudrait évoquer mais plutôt le temps dédié au soin. En 1968, le taux de médecins pour 100 000 habitants était de 119 contre 339 en 20201 . Et oui. Certes, la population est plus fragile et plus âgée qu'à la fin des années 1960, mais tout de même... La sociologie des populations vivant en France a fortement évolué, les attentes, imaginaires et besoin de confort des habitants comme des acteurs de la santé au sens large sont très différentes d'il y a 50 ans.

Une médecine en libre service

Comme pour une grande partie de la société, les jeunes médecins -et l'ensemble des soignants- recherchent plus de qualité de vie, et souhaitent passer moins de temps dans leur activité professionnelle. La féminisation du corps médical (pratiquement 80 % des étudiants en médecine sont des femmes), joue aussi dans le déclin de la disponibilité. Le temps du médecin de famille disponible 24 h sur 24 et se déplaçant à domicile n'est plus qu'un souvenir dans la majorité des cas. Il est amusant d'entendre des jeunes couples se féliciter de pouvoir bénéficier d'un vieux médecin encore ultra présent et disponible. Les jeunes médecins privilégient l'exercice partagé et un modèle inspiré du salariat au nom de leur qualité de vie. Comme leurs patients. Par ailleurs, sur leur temps de travail, ils doivent alimenter la machine administrative au détriment de la pratique de leur art. Les patients s'inscrivent, pour leur part, dans une logique de consommation et multiplient les visites d'autant que, le plus souvent, ils n'ont pas à payer, ni à avancer d'argent pour voir le médecin, contrairement à ce qui se pratiquaient encore dans les années 1990 où il fallait renvoyer à sa caisse de sécu la fiche de consultation pour être remboursé. Une sorte de mentalité de libre-service s'est développée. Ces transformations sociologiques ont des effets majeurs sur l'ensemble de la chaîne du prendre soin, sur la disponibilité et l'implication des acteurs, sur le sens des métiers du cure et du care.

Inventer de nouveaux modèles

Face à ces réalités polymorphes, mutations sociologiques, bouleversements d'imaginaires, et bureaucratie croissante, les réponses à apporter sont multiples. L'enjeu touche à la rétribution des personnes mais aussi à inventer d'autres formes d'organisation et de valorisation pour rendre le métier plus intéressant, plus responsabilisant et offrir aux personnels une plus forte autonomie et une meilleure capacité à gérer leur emploi du temps. Si en France, nous en sommes encore qu'aux balbutiements, dans les pays nordiques ou au Pays-Bas, des structures innovent. Par exemple, le modèle de soin de la société néerlandaise Buurtzorg qui permet, en responsabilisant les infirmières et en territorialisant leur action, d'enrichir et faciliter leur activité, réduire les temps de déplacement, améliorer la continuité des soins et faire chuter absentéisme et turn-over.


01/11/2024  - Partie III

Société de la longévité : démographie et sociologie sont dans le même bateau

Dans les deux chroniques précédentes, nous avons posé comme hypothèse qu'après l'émergence d'une culture spécifique des jeunes, qui a influencé le pays à partir du milieu des années 1960, le phénomène se reproduit depuis les années 2015 avec les seniors...
01/11/2024  - Billet

Je suis une personne à risque

C'est fait ! Je sais désormais grâce aux médias qui annoncent la campagne de vaccination en prévention de la grippe (et je m'en réjouis car notre pays avait un retard à combler) que cela me concerne car je fais largement partie des « personnes à risque de plus de 65 ans » selon la formule utilisée. Oui, j'ai plus de 65 ans... et même bien au-delà. ...
01/11/2024

Mon domicile, mon chez moi

Vieillir chez moi, vivre à mon rythme, me lever à l'heure qui me plait, rester en pyjama toute la journée si je le souhaite... Comment imposer et faire respecter mes désirs ? interrogent les vieux retraités actifs. S'agit-il d'une vaine utopie lorsque la vie en collectivité s'imposera à moi ? Peut-être pas... ...
01/11/2024  - En réunion d'équipe...

Qui dort dîne

C'est une préoccupation qui revient régulièrement dans les Ehpad : comment prendre soin du sommeil des résidents tout en préservant leur confort ? Entre les équipes de jour et celles de nuit, le sujet ne cesse de faire débat, et peut être source de tensions. Horaires de coucher et de lever, soins d'hygiène et accompagnements nocturnes... Qui fait quoi, quand, comment ?
01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/10/2024  - Marie-Sophie Ferreira, directrice stratégie et pôle performance médico-sociale à l'Agence nationale de performance sanitaire et médico-sociale (Anap)

« Nous ne prônons pas la création de mastodontes ni la suppression des antennes locales, mais plutôt la mutualisation des fonctions et la création de dynamiques de groupe »

Forte de sa double responsabilité, Marie-Sophie Ferreira détaille pour Géroscopie l'action de l'Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) au service du médico-social. Entretien.
30/09/2024  - Privé lucratif

Groupe Bridge : des précisions de Charles Memoune

Charles Memoune, fondateur et ancien associé de référence du réseau Bridge, souhaite répondre à un article de geroscopie.fr du 4 septembre, suscité par une pétition (toujours) en ligne de directeurs d'Ehpad de son ex-groupe.
01/09/2024  - Partie I

Société de la longévité : démographie et sociologie sont dans le même bateau

La société de la longévité a commencé. On va avoir des surprises ! En ouvrant les yeux, en sortant des ornières idéologiques, en rajeunissant le regard, une petite promenade sociologique permet de saisir combien les nouveaux seniors inventent la culture des temps présents.