Dans les deux précédentes contributions autour de la valorisation des métiers de l'accompagnement des aînés les plus fragiles, nous évoquions les questions de management et d'évolution sociologique des manières d'aborder la vie professionnelle. Mais l'enjeu est aussi de repenser le fonctionnement administratif.
Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care
Car, améliorer l'organisation des soins et le partage des informations seraient gages de gains de temps, d'argent et de qualité de la prise en compte des soignés. Il importerait aussi de renforcer, comme cela se pratique en Espagne ou au Québec, la délégation vers les professions infirmières de tâches traditionnellement dévolues aux médecins. Le mouvement vers des formations complémentaires pour élever les compétences des infirmières et leur permettre d'effectuer des actes médicaux va dans ce sens. Comme la création de la formation d'infirmier en pratique avancée (IPA).
Estime du soin, estime de soi
Mais il faut aller plus loin dans la valorisation des professionnels du soin, et pour favoriser l'évolution au sein des métiers. L'estime du soin par une société va de pair avec l'estime de soi de celles et ceux qui pratiquent ces métiers ou qui, de façon bénévole, y contribuent en tant qu'aidants. L'âme a besoin de reconnaissance, rappelait Simone Veil[1]. Cette attention, ce respect, serait aussi un moyen de réduire le taux d'abandon de la profession qui nuit largement à l'efficacité des soins, à la couverture santé des territoires et à l'équilibre économique du secteur. Cependant, l'enjeu majeur reste bien celui de la qualité du management humain, de la capacité à entraîner le collectif[2]. Avec des effets directs en termes de qualité du service rendu. La valorisation, la qualification et l'accompagnement des professionnels du soin, et d'abord de celles (ultra majoritaires) et de ceux qui se situent aux échelons les plus modestes, devrait être une priorité. Un coup de chapeau à Maxime Aiach, fondateur de Shiva, spécialisé dans les services à domicile, qui depuis 2020 a créé un partenariat avec le mythique studio photo Harcourt pour photographier en noir & blanc des salariées. Ces dernières se retrouvent fièrement et élégamment à poser dans le métro et sur les bus de nos villes.
Il importe aussi de cimenter le lien avec le « pays » où interviennent les professionnels du prendre soin, en rapprochant lieux d'habitation et lieux d'exercice, en aidant à l'accès à un parc automobile « propre » et moins coûteux, en facilitant le quotidien des personnels, en particulier les femmes vivant seules avec des enfants.
Prendre soin de ceux qui prennent soin
Une autre piste féconde consiste à marquer de l'attention et de l'affection par des actes simples favorisant la qualité de vie des professionnels de l'accompagnement des personnes fragiles : les « petites bontés » évoquées par le philosophe Emmanuel Levinas. On peut penser pour soutenir et remercier les personnels, par exemple, à la mobilisation des médecines complémentaires adaptées sur le lieu de travail, au soutien à l'activité physique, aux conseils en nutrition, à l'offre gratuite de produits alimentaires de qualité et cultivés en proximité ou un accès à des pratiques culturelles...
Mais au-delà de ces attentions, c'est aussi la question du logement et des transports qui est posée. En Île-de-France, l'AP-HP s'est lancée dans une politique d'aide à l'accès à des logements peu onéreux et situés à proximité des lieux d'exercice d'infirmiers ou d'aides-soignants. Les bailleurs sociaux, qui accueillent nombre de personnes âgées fragilisées ou touchées par le handicap et aussi une grande partie des professionnels du domicile et du soin, développent des politiques spécifiques. Il faut prendre soin de ceux qui prennent soin.