L'Ehpad du Grand Pré, à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, expérimente un Pasa de nuit[1] pour les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Ce dispositif, financé par l'ARS, s'appuie sur des thérapies non-médicamenteuses pour détendre le corps et l'esprit et favoriser le sommeil. Les résultats sont encourageants.
Pasa de nuit : une bulle de sérénité pour les personnes atteintes de troubles cognitifs
La nuit réveille les peurs ancestrales. Les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs peuvent être sujettes à des angoisses nocturnes. Les plus anxieux déambulent inlassablement dès la fin du dîner et tournent en rond, éprouvent par exemple le besoin impérieux d'occuper leurs mains, entrent parfois dans la chambre des autres résidents, fouillent dans les placards, répètent des mots ou des phrases inlassablement, crient aussi... Ces manifestations de mal-être génèrent incompréhension et agacement de la part des autres résidents. Et puis ils s'interrogent : vais-je aussi devenir comme ça ? « Il y a un effet miroir », souligne Carole Matz, directrice de l'Ehpad du Grand Pré, groupe ACPPA, dont l'établissement de 95 résidents, situé entre Cavaillon et Salon-de-Provence, dans le village de Sénas, expérimente, depuis juillet dernier, un Pasa de nuit (Pôle d'activités et de soins adaptés).
Un espace « cocooning » pour les résidents
Ce Pasa vise à éviter le recours aux psychotropes et contentions physiques, pour aider les personnes à s'apaiser par des moyens non-médicamenteux. L'objectif est de favoriser le confort et la sécurité émotionnelle de tous. « Le Pasa est un endroit cocooning, plus petit que notre grande salle à manger. Un espace réduit est moins angoissant pour des personnes souffrant de troubles cognitifs », poursuit Carole Matz. L'Ehpad du Grand Pré, qui n'a pas d'unité de vie protégée, a aménagé un espace de 40 m2. Sa véranda donne directement sur le jardin ce qui permet aux personnes atteintes de troubles cognitifs d'y venir dans la journée pour participer aux activités du Pasa de jour. Dans cet endroit calme et accueillant, elles peuvent se relaxer et travailler leur mémoire à travers différentes activités : réalisation de gâteaux, dressage de la table... C'est aussi là qu'elles prennent leur repas en petit comité de 10 à 15 personnes, tout au plus.
Des activités adaptées aux troubles cognitifs
Les activités du Pasa de nuit commencent à 18h30 et s'achèvent à 4 heures du matin. Elles sont conçues pour apaiser les angoisses et favoriser l'endormissement. Les résidents peuvent participer à des temps d'accompagnement au sommeil, grâce à des techniques de relaxation. De la lecture à voix haute est proposée, ainsi que des variations de lumière et un travail sur les sens. L'Ehpad s'est en effet équipé d'un chariot Snoezelen de stimulations multisensorielles. Un assistant de soin en gérontologie (ASG) s'occupe individuellement des personnes angoissées ou désorientées.
Un ASG patient et empathique
Pour mettre en place ce Pasa de nuit, l'établissement a répondu à un appel à projet de l'ARS Paca et bénéficié d'un financement de 92 000 euros par an pendant trois ans. Deux assistants de soin en gérontologie (ASG) ont ainsi pu être recrutés, pour rejoindre les deux équipes de nuit de l'établissement. Les troubles du comportement nocturnes peuvent être impressionnants et particulièrement difficiles à gérer. « Il faut beaucoup de patience, d'empathie et des paroles adaptées. N'importe qui ne peut pas travailler dans un Pasa de nuit, ajoute Carole Matz. Trouver le bon profil d'ASG n'est pas toujours aisé. »
Équipe pluridisciplinaire
En interne, le projet nécessite une bonne coordination. Au sein de l'Ehpad du Grand Pré, il est piloté par un ergothérapeute et un cadre de santé, auxquels s'associe une équipe pluridisciplinaire (psychologue, soignants de jour et de nuit, responsable de la vie sociale...). L'équipe complète se réunit une fois par mois pour faire le point sur les activités proposées le jour et sur la liste d'attente du Pasa. Il n'offre que 14 places et privilégie les personnes aux troubles cognitifs débutants. Ces réunions permettent également d'analyser les impacts du Pasa, afin d'en rendre compte à l'Agence régionale de Santé.
Une diminution des troubles du comportement
« Sur le terrain, nous mesurons les effets positifs du Pasa de nuit : il favorise l'endormissement des personnes qui déambulent moins, dorment mieux et se sentent en meilleure forme, y compris le jour. Dès la création du Pasa de nuit, les équipes ont constaté une nette amélioration. Nous évaluons les troubles du comportement à l'aide de l'inventaire neuropsychiatrique équipe soignante, l'échelle NPI-ES », souligne Yolaine Maudoigt, ergothérapeute.
Peu à peu, l'organisation du pôle d'activités s'affine, comme l'explique Carole Matz. « Au départ, les activités démarraient à 19 heures, mais nous nous sommes aperçus que les personnes étaient perdues : il ne faut aucune latence entre le dîner et l'accueil dans le Pasa de nuit. »
S'armer de patience
Plusieurs ingrédients sont indispensables à la réussite d'un Pasa de nuit. Le projet suppose une bonne coordination d'équipe, un suivi régulier et une implication de la direction générale en amont et dans la durée. « La mise en place d'un Pasa nécessite une réflexion collégiale et une lisibilité pour l'ensemble des salariés, car personne ne travaille dans son coin », conseille Carole Matz, destinataire de tous les compte-rendus des réunions mensuelles du Pasa. Pour que le Pasa de nuit fonctionne, le projet d'établissement doit aussi être tourné vers les thérapies non-médicamenteuses, estime la dirigeante de l'Ehpad du Grand Pré.
Un tel projet implique également de s'armer de patience. L'Ehpad a ainsi candidaté trois ans de suite aux appels à manifestation d'intérêt de l'ARS, avant de voir son dossier accepté au printemps 2023. « Nous avons dû reprendre les éléments et les modifier, afin de nous adapter au cahier des charges de l'ARS. Notre établissement avait des atouts pour l'emporter, car nous avions déjà déployé un Pasa de jour », ajoute Carole Matz. La directrice a plusieurs autres projets dans les cartons : la création d'un accueil pour les personnes handicapées de plus de 60 ans et leurs parents et la mise à disposition d'une infirmière de nuit pour les habitants de Sénas.