Penser autrement l'Etat
Au regard des contraintes financières qui pèsent sur l'État (endettements multiples), mais aussi au nom de la recherche d'efficacité, la question se pose de déterminer les meilleurs leviers d'action ; est-ce de déverser de l'argent de façon uniforme, est-ce de conditionner d'une manière ou d'une autre l'aide, est-ce de favoriser les politiques d'accompagnement des personnes ? La première position se rapproche de l'assistanat, la deuxième remet en cause la notion d'universalité des aides et produit finalement plus d'équité, la troisième rend chacun auteur de sa vie. A son niveau et progressivement. On notera aussi que le politique tend à favoriser toujours l'investissement dans le " dur ", (ce qui se voit, ce qui est télégénique) plutôt que dans le service, le lien, le flux (bref ce qui est difficile à saisir en image, ce qui produit peu de symbole). L'évolution de la structure démographique est marquée par le vieillissement de la population, l'amélioration de l'espérance de vie de personnes souffrant de maladie chronique, la hausse des formes d'exclusion, le défi de l'intégration de populations venues d'aires culturelles éloignées ; marquée aussi par l'inclusion sociale de populations situées toujours plus en périphérie (culturelle, géographique, professionnelle, informationnelle). C'est dans cette perspective que la société de l'accompagnement propose une dynamique solidaire permettant de dépasser les fonctions et les contradictions de l'État Providence pour assurer le vivre ensemble dans une période de déstructuration des liens et des statuts. Il s'agit d'inverser le processus profondément inégalitaire qui frappe les salariés et les autres actifs, dont la protection sociale n'est pas liée à leurs talents, leurs utilités à la collectivité ou à leur travail, mais vient le plus souvent de leur statut et de leur place dans le système de production. Il faudra penser en termes de portabilités des droits afin qu'ils suivent le parcours biographique de la personne et l'accompagne dans ses évolutions, qui peuvent aller de mener une formation pour évoluer professionnellement à répondre à l'appel à la solidarité d'un proche. Dans cette perspective, le déploiement des outils au service de l'équité s'impose. Les solidaristes défendaient déjà le lien essentiel entre égalité des chances, justice sociale et solidarité. La solidarité comme expression de notre dette à la collectivité, de notre dette aux autres. La solidarité implique des contreparties, une réciprocité. Si la solidarité se traduit par l'instauration de mécanismes qui viennent en soutien des plus faibles et qui assurent le vivre ensemble (retraite par répartition, sécurité sociale...), elle doit aussi contribuer à faire évoluer les comportements sociaux, notre prise en compte de l'Autre, du différent. La solidarité conforte et approfondit la démocratie à travers ces deux approches. Il s'agit bien d'inventer une utopie de la réciprocité à travers différentes formes de pratiques solidaires, comme par exemple les réseaux d'échanges réciproques de savoirs et autres systèmes de partages et d'échanges. La solidarité est à la fois une politique de l'action et une dynamique de construction sociale. La traduction politique du concept de care passe plus par un approfondissement que par une redéfinition de l'État et de ses solidarités institutionnelles. Autrement dit, l'État providence ne doit pas être jeté avec l'eau du bain. La protection sociale est d'abord source de dignité et d'autonomie sociale des personnes. Mais il importe que l'État change son approche : il ne s'agit plus de faire pour et à la place des personnes mais de faire avec. A chacun de choisir son chemin, de construire son projet, d'être dans la mesure du possible auteur de sa vie, mais en étant soutenu par d'autres. Il importe sans doute que l'État se recentre plus sur des domaines d'action spécifique dont le soin et l'accompagnement, mais aussi la formation, l'école, la santé, la communication et l'accès aux biens sociaux.... Il importe surtout que l'État passe d'une culture de l'amende, de la coercition et de la réparation pour privilégier une culture de la prévention et de l'accompagnement. En définitive s'inscrire dans la notion d'un "État accompagnant" en lieu et place de l'État providence, conduit à passer de la notion d'assistance et de passivité à celle d'accompagnement et de mouvement. Ce n'est pas la fin de l'État providence mais son dépassement.