67 000 résidents ont moins de 75 ans en Ehpad, dont 14 000 moins de 65 ans avec une forte proportion en situation de handicap. La Cour des Comptes note que les Ehpad sont « insuffisamment financés et outillés pour ce public spécifique ».
Personnes handicapées vieillissantes : le défi de l'accompagnement
Un résident sur dix en Ehpad a moins de 75 ans. Dans une étude publiée en mai[1], la Drees dessine le profil de ces 67 000 résidents dont 14 000 de moins de 65 ans, avec un constat majeur : la forte proportion de personnes handicapées vieillissantes.
La moitié des jeunes résidents ont eu une reconnaissance administrative de handicap avant 60 ans. 18 % ne sont pas dépendants au sens de l'aide personnalisée à l'autonomie. Quand ils sont plus âgés, ils sont également moins souvent en dépendance sévère : 44 % en GIR1 ou 2 contre 54 % pour les 75 ans ou plus.
Des difficultés psychiques ou mentales
Les résidents les plus jeunes en Ehpad souffrent un peu moins souvent de maladies neurodégénératives (38 % des moins de 65 ans contre 53 % des 75 ans ou plus). À l'inverse, leur plus importante fragilité psychique ou mentale est révélée par les lieux de vie qui précèdent l'entrée en Ehpad : 14 % viennent d'un établissement ou service psychiatrique et 15 % d'un établissement pour adultes handicapés. Parallèlement, les jeunes résidents font bien plus souvent l'objet d'une protection juridique : 60 % des moins de 65 ans sont sous tutelle, soit 43 points de plus que les résidents de 75 ans ou plus. Les jeunes résidents sont aussi dans des situations économiques nettement plus fragiles que les populations entrées en Ehpad à des âges plus tardifs. Un marqueur : deux tiers reçoivent l'aide sociale à l'hébergement contre la moitié des résidents de 70 à 74 ans et seulement un sixième des résidents de 75 ans ou plus.
Peu d'Ehpad spécialisés
En 2022, un quart des Ehpad accueille moins de 5 % de résidents de moins de 75 ans et un quart en accueille plus de 14 %.
Les Ehpad spécialisés dans l'accueil des jeunes résidents sont rares : ils sont seulement 40 sur 7 450 Ehpad à compter au moins 60 % des résidents âgés de moins de 75 ans, ce qui représente 2 100 jeunes résidents pris en charge. Le handicap mental est le plus représenté. 280 Ehpad ont une unité pour personnes handicapées vieillissantes (UPHV) mais seulement 10 % des jeunes résidents de moins de 65 ans sont pris en charge dans ces services spécialisés ; 6 % des 65-69 ans et 3 % des 70-74 ans sont également dans ce cas.
Ces Ehpad spécialisés disposent en moyenne d'un nombre d'équivalents temps plein (ETP) assez proche des autres Ehpad, mais la structure des emplois diffère sur deux catégories professionnelles : plus de personnels socio-éducatifs (4,3 contre 2 ETP en moyenne pour 100 résidents), moins d'agents de services hospitaliers. En revanche, les Ehpad qui bénéficient d'une UPHV disposent de plus d'ETP, là encore de personnel socio-éducatif, mais aussi de services généraux (cuisiniers, agents de buanderie, jardiniers, etc.) et de personnel paramédical.
Les recommandations de la Cour des Comptes
La Cour des Comptes a publié le 13 septembre dernier un rapport thématique sur l'accompagnement des personnes en situation de handicap vieillissantes. Il déplore « un défaut d'anticipation des pouvoirs publics » face à un double enjeu démographique : avancée en âge des générations nées après-guerre et progression rapide de l'espérance de vie des personnes en situation de handicap.
Les préconisations anciennes de rapports de 2006 et 2017 « n'ont pas été suivies d'effets » et « seules des initiatives locales, très inégales, ont cherché à relever le défi » - c'est le cas de l'Ehpad-Foyer de vie de Villefranche de Périgord (voir encadré).
La Cour note que les Ehpad sont « insuffisamment financés et outillés pour ce public spécifique », et ne peuvent devenir une solution acceptable d'hébergement « qu'à de strictes conditions d'adaptation de la prise en charge au handicap accueilli, de développement d'une offre d'activités particulière, et d'une évolution des conditions financières associées à l'accueil ».
Elle fait quatre recommandations :
- Inscrire des modalités d'accompagnement particulières dans le projet d'établissement et les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens et les évaluer au sein de la démarche qualité ;
- Assurer la continuité de l'accompagnement après la sortie de l'établissement du secteur du handicap, en garantissant un financement adapté et en conservant les moyens qui leur étaient consacrés dans l'établissement d'origine ;
- Élaborer une recommandation de bonnes pratiques professionnelles pour leur accueil ;
- Utiliser une grille d'évaluation tenant compte de leurs besoins spécifiques et permettant aux établissements de bénéficier de moyens financiers adaptés.
« Les besoins croissants de cette population sont rarement satisfaits en raison de tensions sur l'offre d'accompagnement avec des conséquences parfois dramatiques sur les parcours et donc sur les individus », déplore Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes.