CBD, THC, cannabis thérapeutique, cannabis récréatif : la terminologie est vaste pour évoquer les composés et les usages de la plante de chanvre. Quels en sont les emplois possibles et à quelles fins ?
Plante de chanvre : des usages variés aux effets hétérogènes
La plante de chanvre (cannabis sativa) est constituée de plus d'une centaine de composants, dont plus de 80 cannabinoïdes appelés phytocannabinoïdes. Les cannabinoïdes sont un groupe de substances chimiques sécrétées par la plante de cannabis, dont les plus connus sont le CBD, composant non psychoactif, et le THC, composant psychoactif. Ils activent les récepteurs du système endocannabinoïde de l'organisme et agissent sur le cerveau et le système nerveux. Le corps humain produit des cannabinoïdes naturels, les endocannabinoïdes. Les cannabinoïdes de synthèse sont quant à eux issus d'une modification des molécules naturelles initiales, afin de créer de faux cannabinoïdes. Ils sont à l'origine de nombreuses intoxications chez leurs consommateurs.
Les différents types de consommations
Les cannabinoïdes issus de la plante de chanvre sont consommés pour différents types d'usage :
- la consommation récréative ;
- la consommation thérapeutique ;
- la consommation de produits CBD, mise à part, car considérée comme une alternative aux deux autres modes de consommation.
Néanmoins, la répartition entre ces différents modes de consommation est loin d'être aussi stricte que souhaité. « La frontière est mince entre la notion de bien-être et l'approche thérapeutique, souligne le Dr Nicolas Bonnet, pharmacien de santé publique et directeur du Réseau de prévention des addictions (Respadd). Nous observons que de plus en plus de quadragénaires actifs fument du cannabis pour ses effets anxiolytiques et apaisants. Pour eux, cette consommation peut être considérée comme thérapeutique. De même lorsqu'un patient fume du cannabis pour réduire les effets secondaires d'une chimiothérapie, notamment les nausées, doit-on la considérer comme une consommation bien-être ou thérapeutique ? Il est difficile de vouloir tout sectionner. »
La consommation récréative
Le cannabis récréatif a pour caractéristique sa forte teneur en THC. Cette molécule psychoactive est à l'origine du caractère addictif du cannabis et des sensations liées à sa consommation : un état d'euphorie, d'anxiété, un sentiment de panique ou encore une désinhibition. Les effets psychoactifs de cette molécule justifient, pour les pouvoirs publics, sa classification dans la catégorie des stupéfiants.
Les produits CBD
En France, un arrêté de décembre 2021 encadre la commercialisation des produits CBD. « Leur possible vente dans l'Hexagone fait suite à une décision de la Cour de justice de l'Union européenne, qui a contraint la France à retirer l'interdiction de sa commercialisation », explique le Dr Nicolas Bonnet. Pour être commercialisés, ces produits doivent détenir une quantité de THC inférieure à 0,3 %. « Cependant, pour que le CBD soit pleinement actif, il doit être associé à une plus grande quantité de THC, ce qui n'est légalement pas possible. Contrairement au CBD, le THC n'a pas de statut légal en France en raison de ses effets psychoactifs », précise le Dr Bonnet.
Quoi qu'il en soit, même sans effet psychotrope, les produits CBD peuvent être utilisés comme anxiolytiques, antalgiques ou myorelaxants. « Ils ne sont efficaces qu'à faible dose, rappelle le pharmacien. Plus l'utilisateur en consomme, moins le produit a d'effets actifs. Il va, au contraire, générer des effets indésirables. » Pour trouver le bon dosage et le bon équilibre, il faut compter entre dix et quinze jours, avec une consommation faible.
Le cannabis thérapeutique
En France, une expérimentation est en cours concernant le cannabis thérapeutique. Autorisée par décret, paru au Journal officiel du 9 octobre 2020, cette expérimentation de l'usage thérapeutique du cannabis se déroule pendant deux ans dans un cadre contrôlé et limité, auprès de patients souffrant de maladies graves. L'expérimentation porte sur 3 000 patients traités et suivis pendant au moins six mois. Tous peuvent bénéficier du traitement jusqu'à la fin de l'expérimentation s'il est efficace et bien toléré. Cinq indications thérapeutiques ont été retenues par le comité scientifique pour expérimenter l'usage de cannabis à des fins médicales : les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles (médicamenteuses ou non) ; certaines formes d'épilepsie sévères et pharmaco-résistantes ; certains symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou à ses traitements ; les situations palliatives ; les spasticités douloureuses de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central. « Cette expérimentation a recours au cannabis dit classique, explique le Dr Nicolas Bonnet. Néanmoins, les pharmaciens délivrent des produits à vaporiser, des huiles pour une consommation sublinguales ou encore des gélules ; l'objectif est d'éviter la combustion aux effets cancérigènes. » Le produit est distribué par un réseau de pharmaciens déterminé pour l'expérimentation, et il ne peut être prescrit que par des médecins formés, faisant partie de l'expérimentation. Les produits utilisés ne disposent pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d'autorisation temporaire d'utilisation (ATU). Ils détiennent un statut de stupéfiants, ce qui explique l'engagement des patients à, par exemple, ne pas conduire.
Les effets de la plante pour les personnes âgées
« Des représentants de la société civile estiment que l'association du THC au CBD pour les personnes âgées peut avoir un effet bénéfique notamment pour les apaiser ou favoriser le sommeil », fait savoir le Dr Bonnet. Et de soutenir : « L'usage de produits de CBD, correctement accompagné et équilibré, avec une consommation sans combustion, permettrait de remplacer les prescriptions de psychotropes. » Dans une tribune publiée dans L'Obs en avril 2020[1], il a d'ailleurs plaidé pour cet usage afin de réduire le recours aux médicaments. « Nous avons l'assurance d'avoir des personnes de meilleure humeur et avec un meilleur appétit », assure-t-il. Mais à l'heure actuelle, puisqu'il ne s'agit pas d'un médicament, sa consommation ne peut être accompagnée par les soignants, et ce d'autant qu'ils restent peu formés à cet accompagnement. Il existe toutefois des diplômes universitaires et des diplômes interuniversitaires sur le bon usage du cannabis médical, accessible aux professionnels de santé.