Comme chaque automne, les parlementaires français (députés et sénateurs) examinent le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Pour les fédérations représentant les gestionnaires d'EHPAD, c'est l'occasion d'essayer de "faire bouger les lignes" avec des propositions d'amendements. Le point sur qui défend quoi.
PLF et PLFSS 2018 : le cahier des doléances du secteur
Rehausser le taux de CITS de 4 à 6% pour 2018
Selon le projet de loi de finances (PLF) pour 2018, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) - pendant du CICE destiné au secteur non lucratif - , disparaîtront en 2019 et seront remplacés par une exonération de charges patronales "de 6 points sur les salaires inférieurs à 2,5 fois le Smic, complété par un allègement renforcé de 3,9 points au niveau du Smic (soit un total de 9,9 points)". Cet allégement sera instauré dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018.
Le remplacement du CITS par une réduction de cotisations patronales permettra au secteur non lucratif "d'économiser 1,4 milliard d'euros chaque année à partir de 2019" et "supprimera la différence de traitement induite par le CICE entre structures lucratives et non lucratives".
"Ce dispositif ne suffit pas à combler l'écart de traitement entre entreprises privées à but lucratif et entreprises associatives qui s'est creusé ces dernières années. Les entreprises commerciales bénéficient du CICE à un taux de 6% depuis 2014, ainsi que d'une quarantaine d'autres crédits d'impôt, alors que les associations profitent du CITS depuis 2017 et à un taux moindre de 4% », considère l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES). De fait, conjointement avec la FEHAP, l'UDES demande donc de "rehausser le taux de CITS de 4 à 6% pour 2018". "Cette hausse aura pour effet d'achever la restauration de la compétitivité du secteur non-lucratif à l'égard du secteur lucratif", considère l'Union.
Supprimer le transfert d'affectation de la CASA
L'affectation de la Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) au financement de l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la conférence des financeurs a été décidée à la suite de l'entrée en vigueur de la loi d'adaptation de la société au vieillissement (ASV). L'article 18 du PLFSS 2018 prévoit d'abaisser la part de la CASA affectée au financement de l'APA de 70,5 % à 61,4 % de son montant total. Ce qui représente une diminution de 64 millions d'euros. De même, l'affectation de la CASA à la section V qui finance notamment les dotations de la Caisse nationale de solidarité (CNSA) pour la conférence des financeurs passerait de 28% à 23,9% soit une baisse de 4,1% (ce qui représente environ 29 millions d'euros). "Ce transfert d'affectation de la CASA est "un signe très inquiétant pour l'avenir du financement de la prévention et la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie ", soulignent sept représentants du secteur associatif ADESSADOMICILE, l'ADMR, la FEHAP, la FNAAPF/CSF, la FNAR, UNA et l'UNIOPSS qui demandent la suppression de cette mesure.
Un juste financement des missions de service public
La Fédération hospitalière de France (FHF) revient à la charge et souhaite l'adoption de mesures dans le cadre du PLFSS 2018 pour compenser les effets de la réforme de la tarification des EHPAD qui "pénalise de manière sans précédent le secteur public". "Bien que le PLFSS prévoit l'attribution de 100 millions d'euros pour « améliorer le taux d'encadrement, la qualité des accompagnements et les conditions de travail des personnels », la poursuite de cette réforme de tarification est un coup dur porté aux établissements publics et à leurs résidents."
Afin de compenser l'écart entre la perte de ressources sur la dépendance et la valorisation du forfait soins, la FHF propose d'asseoir "une majoration de service public sur l'habilitation à l'aide sociale des EHPAD."
"Les établissements habilités à l'aide sociale effectuent non seulement une mission d'accessibilité aux plus vulnérables mais également au plus grand nombre. Ces missions doivent être défendues et valorisées financièrement. Cette particularité implique des moyens de fonctionnement nettement plus contraints que dans le secteur à tarification libre et ne doit pas être pénalisé financièrement, au risque de voir les déshabilitations se multiplier", estime la FHF.
Supprimer le point GIR départemental
La FHF propose la suppression du renvoi, par l'article 58 de la loi d'adaptation de la société au vieillissement, au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'application du forfait global dépendance. Ces dispositions réglementaires ont mis en place un point GIR départemental qui, selon la FHF, va conduire à une perte de 200 millions d'euros pour les EHPAD publics. "La suppression de la référence au pouvoir réglementaire permet de conserver l'esprit de la loi d'adaptation de la société au vieillissement qui ne prévoyait pas l'instauration d'un point GIR unique", souligne la FHF.
Exonérer les EHPAD privés non lucratifs de la taxe d'habitation
L'Assemblée a voté, le 21 octobre, en première lecture du PLF 2018, la suppression sur trois ans de la taxe d'habitation pour 80?% des ménages d'ici 2020. Les députés ont adopté également un amendement du gouvernement pour répercuter le dégrèvement de la taxe d'habitation sur leurs factures pour les résidents en EHPAD qui ne la paient pas directement. En rendant ce dégrèvement visible, l'objectif du gouvernement est d'inciter les EHPAD à répercuter la baisse sur leurs tarifs.
LA FEHAP - au même titre que la Croix-Rouge Française et la Mutualité Française - soutiennent une proposition d'amendement pour demander l'exonération du secteur privé non lucratif sanitaire, social et médico-social à la taxe d'habitation, alors que cette même taxe ne concerne ni les EHPAD publics (fonction publique hospitalière et territoriale) ni les établissements du secteur commercial soumis à la cotisation foncière des entreprises (CFE).
"Le seul moyen simple, lisible et équitable pour assurer des contreparties aux retraités vivant dans les EHPAD de l'augmentation de la CSG - avec une diminution corrélative du tarif hébergement lié au nouveau régime de la taxe d'habitation - serait d'exonérer les quelques EHPAD privés non lucratifs assujettis. Le mécanisme de tarification à l'aide sociale fera bénéficier de cette baisse des charges fiscales de l'EHPAD l'ensemble des résidents."