Dans le n° 55-avril 2015  - Chronique  4668

Pour des territoires à géométrie variable

Réformer la politique de santé, modifier la structure des territoires et adapter la France à la société de la longévité. Le gouvernement mène ces trois chantiers depuis de longs mois.

Il a parfaitement raison de chercher à réformer dans ces domaines. Mais quel dommage d'avoir préparé ces réformes dans une logique de tranchée !

Une vision globale appuyant un réformisme structurant auraient conduit à penser ces transformations de manière globale, à mener le pays vers la transition démographique en s'appuyant sur les dynamiques territoriales. Ainsi, adapter la société au vieillissement passe par une approche du territoire, centrée sur là où vivent les gens, où ils font leurs courses et où ils ont besoin de services. De la même manière, faire basculer le monde de la santé dans le XXIème siècle impose d'agir prioritairement sur l'organisation d'un système de soin adapté au vieillissement et à la hausse des maladies chroniques en privilégiant la prévention, l'accompagnement et l'éducation thérapeutique. Et cela au plus près des personnes concernées, des aidants, de leur entourage et des professionnels du soin.

Dans une période de désagrégation sociale, culturelle et géographique, où les moyens publics régressent, il est vital de parier sur l'intégration des personnes avec leurs fragilités et de les accompagner à faire par elle-même plutôt que de les assujettir à l'assistance et à la dépendance. C'est la condition première de la dignité. Cela implique des politiques d'accompagnement de proximité, de soutenir le tissu économique et social local, de favoriser l'artisanat (70 000 emplois perdus chaque année), d'appuyer et densifier le réseau associatif... C'est à la fois une source d'amélioration du pouvoir d'achat des personnes, par la diminution des charges devenues inutiles ou prises en compte par le collectif, et la source d'une meilleure utilisation des moyens publics. Ce qui à terme peut aussi contribuer à réduire ou réorienter l'impôt.

Renforcer la cohésion sociale et assurer un socle de solidarité efficient impose de penser l'organisation des territoires en fonction autant des publics, que des conditions géographiques, économiques et culturelles. Pour inventer une société plus adaptée aux personnes et plus capable d'économiser les ressources, y compris les ressources publiques, on ne peut plus se contenter de discours, de lois incantatoires et normatives. Il s'agit de mobiliser les acteurs, de favoriser des approches coopératives, de mutualiser les services, de regrouper les forces et de favoriser l'implication des personnes. Cela ne pourra se faire qu'à l'échelle d'un territoire adapté. Le plus souvent la ville dense ou le Département. Ces Départements peu denses, où la ville s'allonge et où les espaces ruraux sont de moins en moins agricoles, restent la pierre angulaire, l'espace le plus efficient, des politiques de solidarité et de santé. C'est aussi dans ce cadre qu'il importe de penser la Silver économie comme une offre de solutions et services qui réponde aux besoins spécifiques de populations précises et comme un levier global de création d'activités s'appuyant sur les ressources humaines, géographiques et matérielles du territoire donné.

Il est nécessaire de penser en même temps le numérique et l'hyper proximité, D'un côté, les technologies numériques permettent de largement s'affranchir des contraintes physiques et de la distance. Elles ouvrent des possibilités formidables en particulier dans le domaine de la médecine et du suivi des personnes. De l'autre côté, la réalité quotidienne vécue par les personnes, et d'abord les plus fragiles, oblige à agir dans la proximité en prenant la marche humaine comme échelle de mesure. Ce n'est pas seulement sur le transport collectif ou les infrastructures routières qu'il faut jouer mais sur les réseaux de sociabilité et d'entraide, sur l'implication des personnes, sur la valorisation et la qualification des professionnels de l'accompagnement, sur de l'innovation sociale, comme les maisons de santé pluridisciplinaires, sur des acteurs comme La Poste et le monde associatif...

Il n'est pas trop tard pour initier la transition démographique.

@Guerin_Serge

Sociologue, Professeur à Paris School of Business

Vient de publier : Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors, Michalon

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...