L'EHPAD de demain sera digital ou ne sera pas ? Analyse croisée de Maryse Duval, directrice générale du Groupe SOS Seniors et de Marie-Laure Lévêque, directrice Pôle prospective stratégie et marketing du Groupe LNA Santé.
Pour le Groupe SOS et Le Noble Age, cap sur la digitalisation
Maryse Duval, directrice générale du Groupe SOS Seniors
« N'attendons pas l'arrivée des baby-boomers en EHPAD pour innover ! »
« La digitalisation est une valeur ajoutée pour l'amélioration du bien-être des résidents et des conditions de travail des soignants. Hélas, ça tarde à se mettre en place. Les acteurs de la Silver Économie ne prennent pas le temps de s'impliquer dans la vie des EHPAD. Ils foncent parfois tête baissée, dans le développement de solutions technologiques, sans bien comprendre la réalité de nos établissements. Qu'ils viennent s'immerger dans nos EHPAD !
Certes la médecine algorithmique, prédictive, la télémédecine, l'intelligence artificielle ouvrent de belles perspectives. Mais avant de parler d'EHPAD numérique, il faudrait mettre fin à la distorsion entre le rural, semi-rural et les villes. Il y a encore des "EHPAD des villes" et des "EHPAD des champs". La moitié du parc EHPAD en France n'est pas équipée du Wi-Fi ! L'autre frein est la formation des salariés qui ne sont pas familiarisés aux outils de la digitalisation. Le Groupe SOS vient d'ailleurs de lancer une enquête pour recueillir les usages de ses salariés en matière d'outils numériques, collecter les besoins d'accompagnement et identifier les formations pertinentes, notamment celles en faveur de l'inclusion numérique au sein du Groupe.
La digitalisation peut contribuer à revaloriser les métiers du grand âge sans les déshumaniser. Il y a encore une marge de progression conséquente de solutions technologiques à trouver pour soutenir les salariés en EHPAD. Nous attendons des start-up qu'elles travaillent sur des solutions technologiques, des robots d'assistance pour lutter contre les troubles musculo-squelettiques (TMS), faciliter les transferts du lit, le lever/coucher des résidents. Les logiciels de reconnaissance vocale seraient un plus au niveau administratif. Tous les actes, toilette, prise des médicaments, doivent être tracés par les équipes soignantes dans le dossier médical du résident. La saisie vocale offrirait un gain de temps considérable. Pourquoi ne pas penser à des systèmes pour vider les poubelles automatiquement comme cela se fait sur les camions bennes des éboueurs ? Rien n'existe pour les EHPAD alors que les sacs sont très lourds à soulever quand les produits d'incontinence sont souillés. Certains logiciels métiers méritent d'être optimisés. Nous bataillons parfois avec les éditeurs de logiciels pour avoir des solutions évolutives qui intègrent des modules qualité. N'attendons pas l'arrivée des baby-boomers en EHPAD pour innover ! Il faut se mettre en ordre de marche dès maintenant ! »
Marie-Laure Lévêque, directrice Pôle prospective stratégie et marketing du Groupe LNA Santé.
« 70 cerveaux pour tester les solutions technologiques »
« L'innovation est ancrée dans l'ADN du Groupe LNA Santé. La cellule innovation Groupe, le « Fab Lab LNA », créé il y a un an, est chargée d'animer la démarche de transformation digitale pour nos établissements du secteur sanitaire et médico-social. Nous testons, par exemple, actuellement les usages des robots émotionnels tels que Pepper. La stratégie du Groupe LNA Santé en matière de transformation digitale comporte quatre priorités. Tout d'abord, "soutenir l'expertise médicale". 31 projets de télémédecine sont installés entre nos EHPAD et des établissements de santé partenaires. Les applications sont très variées : gériatrie clinique, surveillance des plaies chroniques, hygiène bucco-dentaire, bilan cardiaque à l'entrée du résident, psychiatrie du sujet âgé... Tous nos établissements sont neufs et équipés de visioconférences, ce qui permet aux équipes de converser en direct, de se former, d'avoir un croisement des connaissances. Le deuxième axe est de "favoriser le retour à domicile". Pour le moment il est décliné dans nos services de soins de suite et de réadaptation (SSR) et le sera ensuite en EHPAD. Enfin, le troisième axe est d'"améliorer la vie du patient" et le quatrième de "réduire les durées de séjour".
Le groupe LNA Santé est très sollicité par les start-up pour mettre en place tel ou tel dispositif innovant. Avec nos 70 établissements en France et en Belgique, nous disposons de 70 cerveaux pour tester les solutions qui répondent aux besoins des patients/résidents et des équipes ! Nous avons un intranet siège/établissements "innovation". Le test des solutions se fait sur la base du volontariat des structures. En contrepartie, l'établissement remplit une fiche d'évaluation de la solution testée suivant des critères précis : maîtrise des risques, bonne adaptation aux usages "métiers", cohérence avec les axes stratégiques de LNA Santé, amélioration de l'organisation, bien-être des salariés et crédibilité économique. Si la solution testée obtient une note d'appréciation supérieure à 15, elle est déployée, si elle obtient une note entre 10 et 15, elle mérite une réflexion plus approfondie. Et pour une note inférieure à 10, la solution testée est rejetée. LNA Santé a choisi, par ailleurs, de s'entourer de partenaires tels que le Réseau des acheteurs hospitaliers (RESAH), Atlanpole et le Gérontopôle des Pays-de-Loire.
Le groupe a déployé certaines solutions : le réseau social privé Famileo, la solution de marque du linge d'Ubiquid qui avait été testée dans deux de nos établissements, la plateforme de jeux vidéos thérapeutiques Medimoov de NaturalPad. En revanche, nous avons rejeté une solution de détection des chutes qui ne répondait pas à nos attentes. »