Dans le n° 63-décembre 2015  -  Aidants, chronicisation de la maladie  5294

Pour une éthique concrète de la sollicitude

On compte entre 8 et 10 millions de personnes aidant directement un proche en perte d'autonomie (handicap physique ou mental, grand âge, cancer et autres maladies chroniques graves...). Plus de 68% des Français sont, ou se sont déjà occupés, d'un proche en perte d'autonomie (1).

On compte entre 8 et 10?millions de personnes aidant directement un proche en perte d'autonomie (handicap physique ou mental, grand âge, cancer et autres maladies chroniques graves...). Plus de 68?% des Français sont, ou se sont déjà occupés, d'un proche en perte d'autonomie.
La société Française est pour une bonne part une société d'aidants et de personnes gravement malades, en déficit ou en perte d'autonomie... Plus de la moitié de la population est directement concernée. Tout d'abord les 8,3?millions d'aidants et les 5,5?millions de personnes vivant à domicile et régulièrement aidés par un proche, mais aussi les 9,5?millions de personnes en ALD (affection longue durée), ou encore les deux millions de personnes à mobilité réduite et les 4,2?millions de personnes atteintes de déficience auditive... En fait plus de la moitié de la population française est concernée. Et les autres sont loin d'être assurés de ne jamais l'être... La hausse continue des maladies chroniques, associée à l'augmentation de l'espérance de vie des personnes touchées par le handicap, la maladie chronique ou le vieillissement fragilisé va encore renforcer cette réalité. Et jouer sur le nombre d'aidants d'un proche.
Devant la chronicisation de la maladie, ne peut-on pas repenser la notion de bonne santé?? Des millions de personnes vivent en étant soignées, sont-elles malades en bonne santé?? Des millions de vieux vivent en pleine forme, sont-ils en bonne santé?? Une grande part de ces personnes est autonome dès lors qu'elles bénéficient du bon traitement, des bonnes adaptations. Une des ruptures majeures reste celle de l'apparition des trithérapies pour contrecarrer les effets du Sida?: les malades qui avant devaient être hospitalisés sont suivis et accompagnés mais peuvent vivre d'une manière très proche du "normal". Restons sur le Sida. C'est aussi à travers la mobilisation des malades - et d'abord une part importante de la communauté homosexuelle disposant de relais notables dans les médias et le monde politique - que le monde de la médecine et de la recherche médicale a fini par prendre en considération les ravages épidémiques de la maladie. Cela aura été l'an I de la prise de pouvoir des malades et de leurs proches.
Finalement, devant la chronicisation de la maladie, la médecine est plus proche du care que de la cure... Elle a pour métier non pas de soigner définitivement, mais de composer, de trouver des compensations, d'accompagner et expliquer, de favoriser de nouveaux comportements... Le soignant est pédagogue et accompagnant. Il est largement aidé par l'aidant de l'aidé qu'il devrait aussi prendre en soin, accompagner et écouter.
À cette tendance majeure s'ajoute une transformation structurelle de l'économie de la santé?: le développement irrésistible de l'ambulatoire. L'Hospitalisation à domicile prend une place croissante. En clair, l'hôpital tend à externaliser le soin chez la personne. L'entourage s'en trouve encore plus sollicité, encore plus aidant.
Reste que cette reconnaissance, cette politique effective de la sollicitude et de l'accompagnement social peut aussi être une manière d'organiser ce qui semble inéluctable?: une restriction du rôle de l'État. Les aidants de proches apparaissant alors comme des supplétifs de la solidarité et de la santé publique qui, finalement, permettent au système de soin de se maintenir sans se remettre en question. Les politiques publiques et les soignants reproduisent à l'identique un modèle qui pourtant paraît chaque jour plus éloigné des attentes et plus coûteux.

La tentation existe. Elle vient à point nommé en ces temps de disette économique et d'endettement abyssal... Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.

(1) Sondage Ifop pour la Ligue contre le cancer, avril 2012.

01/10/2024  - Ce qui se voit...

Luxe, calme et propreté

S'il est bien une condition indispensable au bon fonctionnement des Ehpad, c'est à n'en pas douter l'hygiène des locaux. Nettoyage, bionettoyage, hygiène du linge... Les consignes et protocoles ne manquent pas pour assurer l'organisation et l'évaluation de ces tâches quotidiennes. Et pourtant, ce travail reste invisible. Ou plutôt, il n'est visible que quand il n'est pas fait. Paradoxe ?
01/10/2024  - Billet

Les vieux aussi !

Serge Guérin me pardonnera de paraphraser le titre de son dernier ouvrage en date* pour titrer mon billet. Vous l'avez lu ou en connaissez le thème : bousculer les idées reçues sur le désintérêt des « vieux » en matière de gestes écologiques et solidaires. Tribune pour répondre à ceux qui pensent que ces générations issues de la deuxième guerre mondiale et des années cinquante ont abusé des trente glorieuses et se moquent des incidences climatiques et générationnelles futures. Elles pourraient pourtant donner des leçons d'économies à beaucoup en matière d'eau, de déchets et de courage. Une anecdote a fini de me convaincre. Récemment par une belle journée je me dirigeais vers la déchetterie suite à des travaux de jardin et je vis sur le bord de la route une personne âgée, courbée et tirant deux chariots utilisés pour les courses. Je me fis la remarque du courage de cette personne sachant que le commerçant le plus proche était à bonne distance. Sur la route de mon retour, je la revis. Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'en fait cette dame âgée ramassait des deux bords de la route les déchets que les « clients » de la déchetterie laissaient tomber de leurs remorques en roulant. Je ralentis pour en avoir la certitude et raconter ce vécu à l'ami Serge. Plus encore, je décidais en ces temps riches d'à priori primaires d'en faire le thème de ce billet. Méfions-nous de ces raccourcis trop faciles. Oui, les vieux « aussi » sont sensibles à ces sujets qui mobilisent beaucoup de jeunes, à juste titre. Gardons-nous de ces clichés clivants. Demain ne pourra se construire qu'en faisant société, intelligemment, avec tolérance et respect. Et dès lors, même si mon propos est naïf, il fera bon vivre ensemble. ...
01/07/2024  - Billet

La victoire appartient au plus opiniâtre

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01/06/2024  - Toucher

Découvrir le corps

Toucher des corps qui ne sont ni les nôtres ni ceux des proches aimés. Les couvrir et les découvrir, au gré des soins et des besoins de chacun. Les toucher avec pudeur et respect, dans l'intimité d'une chambre. C'est notre quotidien de soignants, qui prenons soin de ceux qui ont besoin d'assistance pour les actes simples de la vie.
01/06/2024  - Partie I

Virage domiciliaire: Les risques du tête à queue...

Le « virage domiciliaire » est une formule qui sent bon la novlangue administrative et le poncif bureaucratique. Voici des années que ce virage est annoncé, que de nombreuses caravanes publicitaires stationnent sur les aires d'autoroute de la seniorisation... Pour autant, le bilan est maigre.
16/05/2024  - Billet

Éloge du temps

Le débat sur la fin de vie est en cours. Tel un marqueur politique nécessaire, il a été décidé d'en accélérer la réflexion. Il est vrai que le sujet est plus que sensible car on le constate déjà, la sémantique le dispute au fond. On évoque un « modèle français », qui de mon point de vue sera difficile non seulement à construire mais aussi à mettre en oeuvre. Il a été dit qu'il fallait donner du temps au temps. Et cette formule est reprise bien souvent et complaisamment. Sans vouloir procrastiner, car il est légitime qu'une société évolue, j'ai pour autant l'humilité de penser que notre pays est assez enclin à légiférer et « sur-légiférer » sans s'assurer de la réelle application des lois déjà votées. Un consensus se dégage ainsi pour affirmer qu'en matière de fin de vie, la douleur est le facteur essentiel. Et que le nombre de places en soins palliatifs est non seulement insuffisant mais géographiquement injuste. Le sujet presque tabou est difficilement évoqué. Triste constat. La loi Claeys-Leonetti est incomprise, souvent non mise en oeuvre. Elle correspond pourtant à un encadrement important et nécessaire de ces moments si difficiles. ...
01/05/2024  - Billet

Marqueurs de bienveillance

Les débats sur la loi « Bien vieillir » agitent les acteurs du secteur médico-social. Le grand public est plus préoccupé par d'autres sujets sociétaux, anxiogènes et médiatiquement plus à la « une ». Encore une fois, le grand âge est victime du syndrome de l'indifférence et d'un manque de volonté politique face au mur qui se rapproche de plus en plus. C'est un combat permanent, lassant, décourageant souvent, mais essentiel cependant selon le terme si employé lors de la récente pandémie. ...
01/05/2024  - Partie IV

Pas de société de la longévité sans volonté de valoriser les métiers du care

Pour poursuivre notre série sur la valorisation des métiers du care, évoquons les initiatives visant à améliorer très concrètement le quotidien des femmes et des hommes (surtout des femmes) qui travaillent auprès des plus fragiles.
01/05/2024  - Chronique

Et si on arrêtait de cacher les vieux?

La France des vieux, c'est la France du passé, la France d'hier. Place aux jeunes, à la modernité et à l'innovation digitale ! Bien entendu, je ne suis pas sérieux... Je vous imagine déjà sursauter...