Pivot du financement de la perte d'autonomie, le Conseil de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) publie dans son rapport 2010 ses recommandations annuelles. Le sujet ? Une politique de prévention au service de l'autonomie. Le Conseil veut faire de la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées et handicapées un objectif à part entière, ciblé sur les populations vulnérables et piloté aux niveaux national et régional. Questions à Francis Idrac, président du Conseil de la CNSA
Pour une politique de prévention de l'autonomie
CNSA Budget 2011 : 19,8 milliards d'euros Ressources :
- crédits de l'Assurance maladie : 15 milliards Cette somme finance le fonctionnement établissements et services accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées.
- solidarité nationale - 100% de la Contribution de solidarité pour l'autonomie (Journée nationale de solidarité) et Contribution sociale généralisée (CSG) : 3,4 milliards. Cette somme finance entre autres l'APA et la PCH.
- contributions des caisses d'assurance vieillesse.
La CNSA vient de publier une recommandation " Pour une politique de prévention au service de l'autonomie ". Pourquoi ?
Le Conseil de la CNSA a entre autres missions, celle de formuler des recommandations au gouvernement et au Parlement. En 2007, nous avions préconisé des conditions pour la création d'un nouveau champ de protection sociale, cette année, nous présentons un rapport pour une politique de prévention au service de l'autonomie.
Pourquoi avoir choisi ce thème ?
Ces réflexions partagées par les membres du Conseil viennent alimenter les travaux engagés par le gouvernement dans le cadre de la réforme de la perte d'autonomie. Grâce à la prévention, la société obtiendra une meilleure évolution de l'espérance de vie sans incapacité. D'ailleurs il a été question l'année passée de remettre en cause l'attribution de l'APA aux personnes âgées en GIR 4 et je note que l'on n'entend plus parler de cette idée. Pour résumer, le Conseil souhaite que le rôle que doivent jouer la prévention et les politiques de santé au regard de la perte d'autonomie soit mieux défini.
Quels sont les enjeux de la prévention ?
Les enjeux sont humains et financiers. Plus que l'espérance de vie, c'est l'espérance de vie sans incapacité qui est en jeu. Rappelons-nous que la perte d'autonomie n'est pas un destin inéluctable lié au vieillissement : au-delà de 80 ans, six personnes sur dix sont encore autonomes.
L'espérance de vie sans incapacité a progressé au rythme de l'accroissement de l'espérance de vie. En 1995, une femme âgée de 65 ans pouvait espérer vivre 21 ans, dont 8,5 sans incapacité. En 2007, elle peut espérer vivre 23 ans, dont dix sans incapacité. Reste à savoir si les progrès à venir seront sans incapacité. Il y a aussi un enjeu financier. Selon l'OCDE, si la moitié des gains d'espérance de vie se réalisait en bonne santé, la pression sur les finances publiques baisserait d'un demi-point.
Quels axes faut-il privilégier pour une meilleure prévention ?
Il faut cibler la prévention de la perte d'autonomie sur les populations fragiles et vulnérables. Les inégalités d'espérance de vie en bonne santé reflètent les inégalités de santé : les incapacités les plus sévères occupent 16% de l'espérance de vie des ouvriers à 60 ans, mais 9% de celle des cadres.
Une consultation généralisée à un âge donné ne serait pas pertinente. Il y a des manifestations de fragilité précoces. Il faut toucher les personnes fragiles et, au-delà du diagnostic, pouvoir accompagner un changement du mode de vie : habitudes alimentaires, activité physique,... Parallèlement, il faut prévenir l'épuisement des aidants, lesquels disparaissent parfois avant la personne aidée.
Comment piloter cette politique ?
Le Conseil de la CNSA souhaite que les leviers de l'action fassent l'objet d'un pilotage stratégique et régional renforcé. D'abord, les axes stratégiques nationaux d'une politique de prévention doivent être mieux affirmés. Il faut aussi que la prévention de la perte d'autonomie irrigue les différentes politiques publiques : la politique de santé bien sûr mais pas seulement. Il y a la question de l'isolement, spécialement en milieu urbain, de la sortie d'hôpital, l'adaptation du logement qui peut faire diminuer le nombre d'accidents domestiques. Les chutes à domicile sont un événement majeur dans la perte d'autonomie. Du fait de la diversité des politiques concernées, la pluralité des acteurs est légitime. Leurs missions, dont celle de la CNSA, doivent être précisées. Enfin une déclinaison régionale et territoriale est nécessaire. Les priorités et les modes opératoires diffèrent selon les régions et la proximité est essentielle à l'efficacité.
A-t-on des données sur l'efficacité d'une politique de prévention ?
On a pu mesurer l'efficacité d'une politique de prévention des chutes. Le nombre des chutes baisse, leur gravité aussi. Une autre étude, réalisée en Bourgogne-Franche Comté sur la politique d'accompagnement de sortie d'hospitalisation, montre une baisse du taux de réhospitalisation. De plus, le coût d'accompagnement est deux fois moindre que celui de la réhospitalisation.
La CNSA est au coeur du système de financement de la perte d'autonomie. Ses réserves qui étaient convoitées par les professionnels ont disparu. Pourquoi ?
Plusieurs faits expliquent la fin des excédents de la CNSA. Les excédents étaient majoritairement dus aux délais (trois ans environ) entre l'autorisation et l'ouverture des établissements. De plus, en 2010, la CNSA a rendu 100 millions d'euros à la Caisse Nationale d'Assurance Maladie et participe au financement du fonds d'urgence aux départements en difficultés à hauteur de 75 millions. Les comptes de 2010 accusent, dans ces conditions, un déficit de 291 millions, qui est pris en charge par les réserves restantes. A présent, elles ne sont plus que d'environ 100 millions d'euros.
L'adoption du budget rectificatif 2011 a été assortie d'un voeu : la restitution par la CNAM des 100 millions d'euros. Quelle chance les professionnels ont-ils de voir ce voeu se réaliser ?
Comme je l'ai indiqué aux membres du Conseil, j'ai transmis leur voeu de façon officielle à la ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale. Il lui revient à présent de décider quelles suites lui donner.
Entre augmentation de la population dépendante et baisse des droits de mutation, les Conseils généraux ont des difficultés financières. Que faire ?
L'APA (Allocation Personnalisée d'Autonomie) est financée actuellement à 28% par la CNSA. C'est vrai qu'au début il était question d'un partage à 50-50 avec l'Etat. Cet accord n'a jamais été écrit.
Le total des dépenses d'APA représente 5 milliards d'euros, la CNSA n'en fournit que 2,2 mais sa contribution augmente légèrement. L'Assemblée des Département de France (ADF) réclame que l'Etat prenne à sa charge la totalité des dépenses sociales (APA et prestation de compensation du handicap-PCH). Je doute que ce souhait soit suivi et il peut être contesté. La CNSA ne peut donner que ce qu'elle a, à savoir les fonds liés à la journée de solidarité. Faut-il alors une autre journée de solidarité, une augmentation de la CSG, ou un alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs... ? Compte tenu des disparités locales, le Conseil de la CNSA avait voté, en juin 2010, une nouvelle pondération des critères de péréquation des attributions de financement de la CNSA aux départements. L'ADF l'a finalement refusée. Enfin, autre interrogation, augmenter la contribution de la CNSA, est-ce augmenter l'APA et la PCH ou bien baisser la pression budgétaire sur les conseils généraux ? Ces fonds ne peuvent aller aux collèges ou à la voirie. Peut-être faut-il un taux stable et des modalités de contrôle sur l'utilisation des fonds qui puissent assurer une meilleure égalité sur le territoire