Pour compléter notre dossier de novembre, sur la préparation de dose de médicaments à administrer (PDA) dans les Ehpad, il nous semble important d'apporter des précisions sur les systèmes disponibles sur le marché.
Préparation des doses de médicaments à administrer manuelle ou automatisée ?
L'article " préparer les doses " (p18) envisageait le cas des établissements avec pharmacie à usage intérieur (PUI) caractérisés par un process et un circuit logistique différent de celui des établissements sans PUI. Les établissements avec PUI représentent 15% des Ehpad sur 6768 (d'après la dernière étude de la Drees), ce sont essentiellement des établissements de taille importante souvent rattachés à des hôpitaux.
Ces groupements peuvent en effet être amenés à investir dans des automates de dispensation qui produisent des doses nominatives de médicaments. Ces automates peuvent être mutualisés entre plusieurs Ehpad comme l'illustre notre témoignage (p22) sur la coopération exemplaire du territoire de Belfort.
Cas des établissements sans PUI
La plupart des Ehpad ne disposent cependant pas de PUI. Leur budget soins étant limité, ils cherchent minimiser le coût de la PDA et de la distribution des médicaments, tout en assurant un maximum de traçabilité. C'est pourquoi les piluliers traditionnels y ont toute leur place et sont d'ailleurs très largement utilisés.
D'un point de vue opérationnel, le conditionnement primaire unitaire du médicament assure un rôle de protection, fonctionnel, d'identification et d'information, c'est pourquoi le reconditionnement d'un médicament et la décision de le couper ou de l'écraser est un acte critique. Bien que les agences régionales de santé (ARS) déconseillent le déconditionnement, elles précisent toutefois la faisabilité de la pratique d'écrasement du médicament (1). A défaut de disposer d'alternative galénique (solution buvable, comprimé orodispersible...) ou thérapeutique (principe actif équivalent avec galénique adéquate), la faisabilité d'une telle opération doit être systématiquement évaluée en concertation avec le médecin (prescripteur ou coordonnateur) et le pharmacien. En effet il faut rappeler que l'autorisation de mise sur le marché par l'AFSSAPS interdit de déconditionner les médicaments pour des raisons de sécurité.
Plusieurs systèmes déconditionnant et reconditionnant les médicaments, ce point est source de débats contradictoires. Les professionnels attendent un décret qui trancherait ce problème.
Distribution manuelle ou automatisée ?
Le système de pilulier hebdomadaire est actuellement le système le plus utilisé en Ehpad. Dans ce système, le médicament reste dans son conditionnement primaire, sous forme de boîte individualisée ou sous forme de plateau inséré dans un chariot. Pratique, bon marché, sécurisé par des étiquettes comportant le nom et un code 3D ou code barres, leur utilisation permet un bon contrôle du traitement par l'infirmière et notamment une modification de traitement en cours de semaine. Enfin le pilulier peut être lavé et désinfecté facilement.
Une deuxième méthode consiste à préparer les doses pour une semaine sous la forme d'une alvéole comprenant l'ensemble des médicaments d'un temps de prise. Chaque temps de prise est détachable et scellé par une étiquette reprenant: - le libellé CIP des spécialités contenus " dans " et en " dehors " de l'alvéole; - les indications sur les conditions d'administration; - les informations sur le résident. Cette solution est assistée par ordinateur et permet de tracer et sécuriser l'ensemble du circuit, de la préparation à la validation de l'administration, sans modifier les habitudes de travail des infirmières puisque ces préparations s'intègrent parfaitement dans les piluliers traditionnels.
Une autre méthode utilise une carte blistérisée: les médicaments sont déconditionnés puis reconditionnés au sein d'une officine sous forme de carte à usage unique. De ce fait, en cas d'incident, le laboratoire pharmaceutique ne pourrait être tenu pour responsable. Les cartes peuvent être mises dans un classeur, un support ou un chariot dédié. Certaines cartes préparent les médicaments pour une semaine, ou des durées plus longues, en mono ou en multi-médicaments.
La PDA automatisée permet une prescription informatisée couplée à une dispensation individuelle nominative (DINA). Un automate prépare rapidement et de manière sécurisée les PDA pour un nombre important de résidents. L'investissement conséquent permet la production hebdomadaire de sachets mono spécialités dans l'ordre chronologique des prises pour chaque patient.
Quel que soit le système utilisé, il existe toujours des failles dans le circuit du médicament face à une population qui reçoit entre 6 et 7 médicaments par jour, de formes variées, et dont l'état de santé se modifie souvent en cours de traitement.
Ainsi une étude scientifique réalisée par le groupe Korian sur l'impact d'une modification de pilulier sur l'efficience du circuit du médicament en Ehpad souligne toutes les fragilités du circuit des médicaments, liées à la complexité des traitements, et notamment les problèmes complexes de déconditionnement ou de surconditionnement, et de modification des traitements chroniques (arrêt, diminution ou augmentation d'une posologie).
Face à cette complexité, il nous semble essentiel de conserver à chacun des acteurs sa liberté de choix d'une PDA adaptée à l'établissement.
(1) Sécurisation du circuit du médicament dans les Etablissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). ARS Rhône-Alpes. Mars 2012