Infirmière coordinatrice au sein de l'équipe mobile gériatrique extra-hospitalière de l'hôpital Ambroise-Paré, Aurélie Todeschi intervient en binôme avec un médecin gériatre dans une dizaine d'Ehpad à la demande de l'infirmière coordinatrice ou du médecin coordonnateur de l'établissement. Entretien.
Prévenir les mauvaises postures, les chutes, les douleurs et les difficultés à la marche
Pourquoi est-il important de porter une grande attention aux pieds vieillissants ?
Les pieds supportent tout le poids du corps. Ils permettent la marche et participent à l'équilibre. Un simple souci peut donc rapidement entraîner une mauvaise posture, des risques de chute, des douleurs ou encore des difficultés à la marche, autant de manifestations qui se révéleront vite handicapantes chez des personnes âgées.
Quels sont les soins d'hygiène à réaliser au quotidien ?
Il faut se laver les pieds tous les jours et surtout bien les essuyer car un mauvais séchage peut favoriser l'apparition de mycoses qui généreront à leur tour un inconfort, des lésions cutanées voire des douleurs que les résidents qui souffrent de pathologies cognitives ne seront pas toujours en mesure de verbaliser. Il est par ailleurs extrêmement important de s'assurer de l'absence de plaie - un début d'escarre si la personne est alitée par exemple -, mais aussi de points de compression dans le chaussage. Cette surveillance doit être pluriquotidienne. L'entretien des ongles fait aussi partie de l'hygiène des pieds.
Conseillez-vous l'usage de crèmes hydratantes ?
Une peau bien hydratée, qu'il s'agisse des pieds ou d'autres parties du corps, améliore le confort et contribue à une bonne hygiène. Par ailleurs, la desquamation peut entraîner des petites lésions ou encore des cors. J'ajoute que l'hydratation qui s'apparente à un massage est souvent vécue comme un soin agréable et un moment privilégié pour le résident.
Que faire en cas de cors, de durillons ou de callosités ?
Les soignants doivent être en capacité de repérer très vite ces anomalies afin d'alerter le médecin et d'évaluer la nécessité de faire intervenir un pédicure ou un podologue. En l'absence de gêne, il est possible de protéger le cor ou le cal et de surveiller l'évolution dans l'attente de l'avis d'un expert.
Quelle attitude faut-il observer face à une personne qui est diabétique ?
Cette maladie oblige à redoubler de vigilance car un diabète non suivi ou mal équilibré peut rapidement générer de nombreuses complications. Les soignants doivent donc s'assurer de l'absence de macération et veiller à ce que les résidents ne marchent jamais pieds nus afin d'éviter tout risque de blessure. Ensuite, les chaussures et les chaussons ne doivent être ni trop serrés - car un taux de sucre déséquilibré entraîne des problèmes circulatoires -, ni trop larges car le frottement favorise l'apparition de phlyctènes. Or si elles sont bénignes pour la plupart d'entre nous, elles sont graves chez les personnes diabétiques car elles peuvent rapidement dégénérer en ulcères. Si malgré toutes ces précautions une plaie apparaît, elle doit être immédiatement traitée. Le diabète peut aussi favoriser l'apparition de neuropathies périphériques : les résidents ressentiront moins la douleur et ne pourront donc pas l'exprimer. S'ils font leur toilette seuls et s'ils ont l'habitude de se laver les pieds un jour sur deux par exemple, ils ne remarqueront peut-être pas suffisamment vite un mal perforant plantaire, lequel pourra rapidement dégénérer en infection, voire en amputation si la prise en soins est trop tardive.
Quand faut-il faire appel à un pédicure ou un podologue ?
Il convient tout d'abord de préciser que le pédicure intervient sur le côté esthétique - coupe des ongles, hydratation... - alors que le podologue se situe davantage sur le versant du soin - cors, ongles incarnés... Si un résident présente des antécédents médicaux - un problème circulatoire veineux ou artériel, du diabète, etc. - il est préférable de s'adresser directement à un podologue. S'agissant de couper les ongles, les pratiques sont diverses : les soignants manquent parfois de temps pour ce type de soins et certaines familles préfèrent s'en charger. Il est également possible de demander le passage d'un pédicure sachant que le coût de cette prestation extérieure sera à la charge du résident.
Les soignants doivent-ils également s'intéresser au chaussage de la personne âgée ?
Là encore, il convient de respecter quelques règles simples : éviter les sandalettes ou les chaussures non fermées à l'arrière qui ne maintiennent ni le talon, ni la cheville ; s'assurer de la stabilité au niveau de la semelle et veiller à ce que la pointure soit correcte. Parfois, les résidents récupèrent des chaussons trop grands ou trop petits. Dans les deux cas, la situation est génératrice de problèmes. Il convient ensuite de s'adapter au mode de vie antérieur du résident. J'ai récemment rencontré une femme qui a toujours eu l'habitude de marcher avec des chaussures à talon et qui continue parce qu'elle n'est pas à l'aise dans des chaussures plates. Au-delà du respect de quelques règles simples, la priorité est donc d'adapter les consignes en fonction de chacun, de ses habitudes et de sa motricité. Si un résident choisit de rester en chaussons toute la journée, cela ne me choque pas !