05/11/2014  -  Table ronde  4338

Prévention des Accidents d'Exposition au Sang chez les soignants

Avec 1 million de blessures par piqûres d'aiguilles chaque année en Europe, et 30 000 déclarations d'AES dans les établissements de santé en France, les accidents exposant au sang (AES) représentent un risque important de transmission de maladies infectieuses.

Premières victimes des AES, les infirmiers sont impliqués dans près de la moitié des accidents. Ils sont à l'origine d'un peu plus de la moitié des 30 0001 déclarations d'AES effectuées chaque année dans les établissements de santé français. Ce qui n'est pas surprenant, puisque les infirmiers représentent la première profession de santé en France avec près de 616 796 personnes2, au 1er janvier 2014.

Les AES peuvent être responsables de la transmission de maladies infectieuses chez le personnel soignant, notamment le VIH, le VHB et le VHC. Le risque moyen de transmission après exposition percutanée au sang d'un patient infecté est de 0,3 % pour le VIH, entre 0,5 et 3 % pour le VHC et entre 2 et 40 % pour le VHB en l'absence de vaccination ou d'immunisation antérieure. En France, au 30 juin 2012, 14 séroconversions VIH documentées et 35 infections VIH présumées depuis 1991 ont été recensés par l'InVS ainsi que 70 séroconversions VHC documentées depuis 1997. En revanche, aucune séroconversion VHB n'a été rapportée depuis 2005, année de mise en place de cette surveillance3. Des chiffres peu élevés mais qui ne reflètent peut être pas toute la réalité puisque 70% des AES ne seraient pas déclarés4.

En 2012, 18 829 AES ont été recensés dans 1019 établissements (72% des lits d'hospitalisation) participants aux études du réseau français RAISIN5, le Réseau d'Alerte, d'Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales. En extrapolant au nombre de lits total, ce seraient 26 151 AES qui auraient été déclarés en 2012 aux médecins du travail de l'ensemble des établissements de santé français.

Pour l'ensemble des établissements de santé participants et dans la cohorte stable des 342 hôpitaux qui ont participé chaque année de 2008 à 2012, les taux d'incidence AES pour 100 lits ont diminué de 14,9 % et 13,9 % respectivement.


L'accident percutané a été la cause la plus fréquente d'AES rapportée, et a représenté 14 885 AES en 2012 soit 79 % de la totalité, principalement dans le cadre de blessures par piqûre (n=12 842), la moitié d'entre elles étant liée à la manipulation des aiguilles (48,8 %) qui reste le principal type d'exposition signalée. La part croissante des matériels de sécurité commandés par les établissements, quel que soit le dispositif médical considéré, tend à sécuriser davantage de gestes au fur et à mesure des années.

 

Protéger la santé des soignants et par là-même celle des patients, c'est aussi leur donner les moyens de se former et d'utiliser des dispositifs médicaux sécurisés. L'utilisation de ces dispositifs de sécurité est un des éléments essentiels à la prévention des blessures par piqûre d'aiguille. Ces équipements doivent répondre à certains critères, notamment :

- Le mécanisme de sécurité est automatique ou peut être activé d'une seule main

- Dans la continuité du geste, idéalement lorsque l'aiguille est encore sous la peau,

- La sécurité doit être irréversible, et le mécanisme doit être intégré au dispositif...

- Les mains du personnel soignant sont toujours situées à l'arrière de la partie coupante


L'adoption de ces dispositifs reste aujourd'hui très inégale selon les établissements avec un écart significatif entre le privé et le public. Entre 2006 et 2009, pour les établissements privés participant au réseau français RAISIN, la part de matériel de sécurité sur l'ensemble des achats est passée de 0,1% à 10,6% en 20096. Mais cette part reste très en deçà de celle des établissements publics, qui se monte à 56,7%. Le secteur privé accuse ici un retard conséquent.

Un article publié en novembre 20127 basé sur les résultats du réseau RAISIN/GERES a étudié spécifiquement l'utilisation des matériels de sécurité, il met en avant une commande croissante de dispositifs médicaux sécurisés parmi les 4 ciblés dans la surveillance (cathéters, seringues à gaz du sang, aiguilles pour CIP, aiguilles à ailette), ainsi qu'une tendance à sécuriser davantage de dispositifs médicaux : en 2010, seulement 7,9% des établissements ne sécurisaient aucun des 4 dispositifs alors que ce chiffre se montait à 18% en 2006. En 2010, 30% des établissements de santé commandaient les 4 dispositifs médicaux ciblés sécurisés contre seulement 17% en 2006. Une tendance confirmée en 2011 et 2012.

En 2012, 45,9% des établissements de santé commandaient les 4 dispositifs médicaux ciblés sécurisés, et seulement 5,9% n'en sécurisaient aucun.


Les infirmiers libéraux en première ligne

L'enquête réalisée par la FNI et le GERES d'octobre à novembre 20138, auprès de 1870 infirmiers libéraux, montre que 62 % des infirmiers ou infirmières libéraux ont déjà été victimes d'un AES par piqûre d'aiguille au cours de leur carrière.

Sur un an, 53% des infirmiers libéraux se blessent 1 à 2 fois avec du matériel piquant/coupant (AES percutané). Ces accidents impliquent à 97% une aiguille.

Les soins en cours lors de l'AES concernent en particulier les injections sous-cutanées (43%), les prélèvements de sang capillaire (21%), et les prélèvements de sang veineux (17%). Dans le secteur libéral, 40% des infirmiers n'utilisent pas de matériel sécurisé. Souvent parce que le matériel est fourni par des tiers, et l'infirmier doit s'adapter à ce matériel pas toujours sécurisé :

- Kits fournis directement par le laboratoire d'analyse médicale

- Matériel fourni par le patient : stylos à insuline, vaccins avec recapuchonnage

Après un AES, seuls 19% des infirmiers ont consulté dans les 48h un médecin des urgences ou un référent médical hospitalier pour évaluer le risque infectieux lié à cet accident, la majorité parce qu'ils jugeaient le risque minime ou nul. Et 86% ne déclarent pas cet accident du travail.

Le manque d'information et l'éloignement d'un centre hospitalier référent compliquent la démarche pour les infirmiers libéraux. De plus, ils ne bénéficient pas comme les infirmiers salariés de la couverture souscrite par l'employeur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. La démarche - souvent non effectuée - de souscription d'une assurance complémentaire relève de leur propre initiative. Il faut tenir compte de ces différences et adapter ce qui a pu être déployé à l'hôpital, dans un environnement qui favorise la prévention, l'organisation des soins.


CONDUITE A TENIR EN CAS D'AES

- Soins locaux immédiats (lavage, désinfection).

- Obtention rapide du statut du patient source (accord, confidentialité) pour savoir s'il est porteur d'un pathogène.

- Consultation d'un médecin (au mieux référent) dans les heures qui suivent, pour évaluer les risques de transmission virale en fonction de la nature et de la gravité de l'accident, d'une part, et du statut du patient source, d'autre part. Prescription éventuelle d'un traitement.

- Déclaration d'accident de travail dans les 48h envoyée à la Caisse d'Assurance Maladie.

- Surveillance sérologique et clinique ultérieure adaptée au risque, incluant les aspects médico-légaux.

- Analyse des causes de l'accident, permettant de faire progresser la prévention.

- Usage de préservatifs pendant la période de suivi. Pas de don de sang pendant la période de suivi.


Le cas particulier des EHPAD

Dr Jean-Antoine Rosati, vice-président de la FFAMCO (Fédération française des associations de médecins coordonnateurs en EHPAD) a évoqué le cas des EHPAD :

" Souvent dans les EHPAD, la prévention des AES incombe au médecin coordonnateur, seul médecin de l'EHPAD. Les boîtes de recueil des coupants existent aujourd'hui dans toutes les structures, et le personnel est sensibilisé. Et nous adaptons le matériel dès que c'est possible pour diminuer le risque d'AES. Par exemple, pour l'héparine, un fabricant la proposait avec un dispositif sécurisé, nous commandions donc exclusivement cette marque. Ensuite, ce dispositif a été adopté par tous les fabricants d'héparine. Les risques sont moins grands que dans les hôpitaux, les patients traités étant moins infectés par le VHC ou le VIH. Pour un EHPAD comme le nôtre de 110 lits, le nombre d'AES par an est de 3 ou 4, et à chaque fois, le contrôle est négatif sur ces virus. "

L'EHPAD Sainte Bernadette à Troyes s'est vu décerner le Prix BD 2014 pour avoir pris la décision d'utiliser des seringues rétractables permettant une protection de son personnel contre les AES.


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