Dans le n° 16-janvier 2012  601

Prévention des infections, la nouvelle révolution culturelle

La circulaire interministérielle du 30 septembre 2011 (1) invite les EHPAD à mettre en oeuvre le programme national de prévention des infections associées aux soins. Pour Pierre Parneix, responsable du CCLIN Sud Ouest, c'est une évolution culturelle, que les EHPAD intégreront facilement. Leurs atouts ? Adaptabilité et motivation.

Peut-on faire un état des lieux du risque infectieux en EHPAD ?

La connaissance épidémiologique en est à ses débuts mais nous disposons de quelques éléments. La France a participé en 2010 à l'enquête européenne HALE (2). 65 EHPAD ont été inclus dans le champ de l'enquête. Si les résultats globaux ne sont pas encore disponibles, nous avons ceux de la France : 4 % des résidents étaient porteurs d'infection.

Sur le type d'infections, il n'y a pas de surprise : les infections cutanées, respiratoires et urinaires représentent 90 % des infections. La prévalence est plus faible que dans l'enquête réalisée en 2006-2007 par l'ORIG (Observatoire du Risque Infectieux en Gériatrie), laquelle annonçait 11,2 %. L'enquête HALE a été réalisée en juin, à une époque où les risques d'épidémie de gastro-entérite ou de grippe sont faibles. Le chiffre moyen national le plus réaliste est à mon avis de 7 %, avec des pointes saisonnières. En effet, depuis 2006, les antennes régionales des CCLIN (Centre de Coordination de la Lutte contre les Infections Nosocomiales) ont fait un gros travail. De leur côté, les médecins-coordonnateurs des EHPAD sont très impliqués dans la prévention des infections. En conclusion, le niveau de risque infectieux en EHPAD n'est pas vraiment différent que celui des établissements sanitaires et il n'est pas impressionnant. On note toutefois une grande hétérogénéité des établissements : certains démarrent une démarche sur le risque infectieux, d'autres ont commencé depuis plusieurs années. Le programme national de prévention des infections va permettre de lancer tous les établissements et ce de façon pragmatique.

Pour des EHPAD déjà engagés dans l'évaluation interne/externe, la certification pour certains... ce programme national de prévention des infections n'est-il pas un surcroît de travail ?

Le programme est facile à mettre en oeuvre et il s'appuie sur une démarche d'analyse de risque. La première étape est donc une simple auto-évaluation, c'est-à-dire un constat des types d'infection présents dans l'établissement. Les EHPAD peuvent s'aider du manuel national d'auto-évaluation de la maîtrise du risque infectieux en EHPAD réalisé par le GREPHH (groupe d'évaluation des pratiques en hygiène hospitalière, constitué des cinq CCLIN).

La deuxième étape consiste pour l'EHPAD de déterminer, avec l'appui du guide réalisé par les CCLIN, son niveau de maîtrise du risque infectieux : prévention, gestion des alertes... Ensuite l'EHPAD doit réfléchir aux pistes d'amélioration avec des outils simples. Ainsi les CCLIN finalisent un guide de fiches techniques proposant des protocoles, par exemple sur la conduite à tenir devant la gale ou la gastro-entérite. Il ne s'agit pas de tout réinventer. Si en milieu hospitalier, les équipes ont été invitées à écrire leurs propres protocoles, et ce afin de se les approprier, les EHPAD disposent eux d'outils clés en main. De plus, comme les établissements connaissent les règles, il s'agit de les rationnaliser.

Pour l'hygiène des mains par exemple, beaucoup d'établissements utilisent déjà les SHA (Solution Hydro-Alcoolique) plus efficaces et plus rapides pour le lavage des mains que l'eau et le savon. Le protocole va permettre de garder la bonne pratique active. Avec le temps et le turn-over des équipes, elle peut disparaît vite. Aujourd'hui, il s'agit simplement d'engager la réflexion, de se comparer à un référentiel. Quand le système sera mature, on pourra envisager de créer des indicateurs de performance.

Les établissements doivent faire l'évaluation, à deux reprises. Dans un contexte de manque d'effectifs, qui va prendre en charge le dossier ?

En EHPAD, ce sont toujours les mêmes personnes qui portent les projets liés à la qualité. Contrairement à ce qui se passe dans les établissements sanitaires, il y a rarement des hygiénistes. Il faut avant tout une volonté managériale. Si la qualité de vie du résident est au coeur du projet d'établissement, la dynamique se mettra en place très vite.

Une autre question se pose, celle du financement : sur quelle section imputer les coûts de la mise en oeuvre du programme, l'hébergement : donc les résidents ou leur famille, le soin, la dépendance ?

Est-ce un pas supplémentaire dans une médicalisation des établissements ?

Nous proposons des règles pragmatiques, qui respectent le cadre de vie. Les mesures scientifiques d'hygiène ne concernent que les activités de soin. Il va s'agir par exemple d'éduquer les résidents, de leur apprendre à se laver les mains avant une activité commune. Nous voulons lutter pour la vie, surtout pas confiner les personnes. La circulaire le rappelle qui parle " d'un équilibre à trouver entre les impératifs de sécurité et la nécessaire convivialité attachée au lieu de vie que constituent ces établissements. " Il faut être pédagogique et impliquer tous les protagonistes : les résidents, les équipes mais aussi le Conseil de la Vie Sociale, les familles, les multiples intervenants. En EHPAD, la majorité des infections viennent de l'extérieur ! Là encore les outils existent : ainsi l'impression d'un poster personnalisé avec les résultats - et les commentairess - de l'établissement, on peut à la fois impliquer et communiquer avec les équipes, les résidents, les familles...

Comment gérer le risque infectieux dans les unités protégées, les accueils de jour et temporaires ?

En unité protégée, il est effectivement plus difficile de contrôler le risque infectieux, lié souvent aux matières fécales. L'accessibilité aux notions d'hygiène est délicate compte tenu de la dépendance. Il faut être encore plus vigilant sur l'application des protocoles. Pour les accueils de jour ou temporaire, il faut accueillir et communiquer. Les solutions existent, par exemple le port du masque ou la HAD (Hospitalisation à domicile) qui offre une option de prise en charge intéressante pour certaines pathologies en alternative à une hospitalisation conventionnelle. On ne va pas stopper la vie sociale d'une personne âgée.

Peut-on considérer la prévention du risque infectieux comme une évolution culturelle ?

Oui et les EHPAD ont tout ce qu'il faut pour l'absorber. Les EHPAD savent créer des dynamiques, ils l'ont montré par exemple pour la bientraitance. De plus, les EHPAD sont sensibilisés, ils font face à la grippe, voient la montée des BMR (Bactéries Multi Résistantes). Tout le monde sera gagnant à mieux gérer le risque infectieux. Les CCLIN sont là pour aider les EHPAD, les renseigner - tous les jours nous recevons des appels d'établissements qui nous expliquent un cas particulier -, pour former à l'hygiène les membres des équipes. Les structures sont réactives, bien organisées, cela ira plus vite qu'en établissement de santé.

De plus, ce programme se situe dans une démarche globale, qui concerne à la fois le secteur hospitalier et la médecine de ville. Il complète l'outil Mobiqual, qui va proposer bientôt un site très pragmatique lui aussi et la campagne sur le bon usage des antibiotiques auprès des médecins libéraux (un troisième plan est en cours d'élaboration). C'est une dynamique qui se crée et le médecin-coordonnateur, qui gère des intervenants multiples, en est le centre.

Propos recueillis par Marie-Suzel Inzé

(1) http://www.solidarite.gouv.fr Rubriques Personnes âgées - Informations pratiques - Etablissements et services sociaux et médico-sociaux

(2) HALT : Healthcare associated infections in long term care facilities (infections associées aux soins dans les structures de long terme). En France l'enquête a porté sur 6 255 résidents.

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