Entretien avec Richard Capmartin, dirigeant de RC Human Recruitment, spécialisé dans le recrutement de professionnels du médico-social.
Qu'attend-on des cadres aujourd'hui ?
Comment évoluent les métiers du grand âge ?
La charge de travail des managers s'est globalement intensifiée. Ils disent manquer de temps et de moyens, ce qui leur donne le sentiment de ne pas remplir convenablement leurs missions. Cela génère de l'insatisfaction, de la frustration et de l'écartèlement pour satisfaire tout le monde (familles et résidents, institutions, groupes, salariés...) et toujours un sentiment d'impuissance à agir. On exerce aujourd'hui dans un contexte de gestion de conflit, d'émotion, d'interprétation et de ressentis. En tant que cabinet de recrutement, on ne m'attend plus sur la compétence technique mais bien sur les appréciations cognitives et émotionnelles. Le recruteur quel qu'il soit doit être formé en neurosciences. Je m'appuie pour cela sur des outils d'analyse comportementale, et c'est l'échange qui permet d'identifier ces compétences cognitives.
Les groupes sont aujourd'hui très bien structurés et proposent des évolutions internes. Ils sont très pertinents sur la notion de marque employeur, les entretiens de fin d'année, les contrats d'apprentissage...
Mais on peut regretter que les centres de formation et les universités n'insistent pas suffisamment dans leur programme pédagogique sur ces compétences cognitives que sont la confiance en soi et l'estime de soi, la communication ou les qualités relationnelles des futurs managers. Ils doivent apprendre à utiliser la médiation comme outil de management.
Aujourd'hui, un directeur d'Ehpad a besoin d'être équipé pour répondre aux diverses et nombreuses injonctions qu'il rencontre au quotidien.
Quelles sont les qualités requises ?
Des qualités de communication, d'observation, d'écoute active, pleine et présente, de régulation aussi, de médiateur. Il doit savoir créer une atmosphère favorable à la réduction du stress et à la résolution de conflits. Sa capacité à créer un environnement paisible et sympathique est très importante, sans oublier qu'il doit maîtriser ses émotions. Or, on ne trouve jamais ces éléments dans une fiche de poste.
Le rôle du cabinet de recrutement est-il aussi d'aiguiller les candidats ?
Nous pouvons parfois orienter un candidat vers un accompagnement sur une posture managériale, ou de gestion du stress, mais cela reste très délicat à proposer. Le coaching que nous proposons relève davantage de l'initiative du candidat lui-même. Des entreprises peuvent nous solliciter pour accompagner l'un de ses salariés mais cette demande ne s'inscrit jamais dans le cadre d'un recrutement.
Existe-t-il des passerelles entre Ehpad et domicile ?
Oui naturellement, mais j'aurais tendance à penser qu'elles existent davantage entre le domicile et l'Ehpad. On évolue plus du domicile à l'Ehpad que le contraire. C'est rare qu'un directeur d'Ehpad ait envie de faire du domicile. On travaille davantage aujourd'hui sur des notions de plateforme qui permet à un Ehpad de gérer des interventions à domicile. La difficulté pour le manager, qui intervient à distance, reste de favoriser un sentiment d'appartenance à une structure. Comment créer du lien avec les équipes qu'on ne croise pas durant la semaine ? Comment contrôler et sécuriser sans être autoritaire ?
Des métiers vont-ils être amenés à disparaître ou à émerger ?
Il faut créer de nouveaux métiers, c'est certain. On se plaint de manquer de médecin coordonnateur par exemple. L'infirmière en pratique avancée doit maintenant pallier certaines fonctions du médecin coordonateur. Pour soulager le temps infirmier, on confie certaines tâches administratives à des secrétaires médicales. Pourquoi ne pas créer un poste de secrétaire médicale pour gérer les rendez-vous, l'organisation de consultations externes ? Cela permettrait aux infirmières de se consacrer pleinement aux actes infirmiers et de déléguer l'administratif.
Comment fidéliser les cadres et les maintenir en emploi ?
Le manager doit être une personne inspirante qui favorise l'apprentissage et donne le goût de se former et de progresser. Il doit proposer un cadre invitant à la liberté et à la créativité. Une enquête menée en 2022 par le think tank Vulnérabilité & Société révèle que les facteurs de créativité sont surtout d'ordre relationnel et social. 51 % des personnes interrogées souhaitent des relations de qualité avec les personnes accompagnées, 47 % souhaitent un métier reconnu par sa valeur ajoutée humaine et sociétale, 43 % veulent prendre soin et aider des personnes en situation de souffrance, dépendance ou isolement, 42 % veulent une rémunération satisfaisante et 30 % des perspectives d'évolution de carrière. L'enjeu est clairement d'ordre relationnel.
Quelles sont vos recommandations ?
Les établissements et les entreprises sont nos tribus modernes. Comme pour toutes tribus, nous avons besoin de traditions, de symboles, du langage pour créer un sentiment d'appartenance, de cohésion d'équipe et fidéliser. Pour inspirer l'action, il faut développer l'empathie. Il ne suffit pas de donner des directives, le cadre doit s'impliquer personnellement dans la relation, être sur le terrain, auprès des équipes. Quelle que soit la taille de l'établissement, sa présence est essentielle. Il faut passer du temps avec les collaborateurs, répondre à leurs interrogations organisationnelles, les écouter. Cela permet de sentir et maîtriser le climat social. La détermination est également importante. Il faut communiquer des directives claires dans une attitude positive. Pour cela, le sourire est fondamental. Il crée de l'assurance et de la chaleur. Un cadre désengagé risque de provoquer un effet miroir négatif.