Les résidents des Maisons de retraite publiques Frontignan-la-Peyrade, dans l'Hérault (34), ont participé à la création d'un café solidaire. Ce « tiers-lieu coconstruit » permet aux enfants des agents, des associations, aux familles et Frontignanais de se retrouver. Il vise à redonner de l'indépendance aux résidents et à créer du lien social.
Quand jeunes et vieux jouent ensemble au baby-foot
C'est lors d'un conseil de la vie sociale que les résidents de La Gardiole, unité pour personnes handicapées vieillissantes, située dans l'Hérault, ont formulé une demande pour le moins insolite : un baby-foot. « Ils avaient envie de sortir de l'Ehpad », se rappelle Lionel Wilzius, directeur adjoint des Maisons de retraite publiques Frontignan-la-Peyrade qui comptent l'établissement expérimental de La Gardiole, trois Ehpad publics et un Ehpad hors-les-murs. De cette requête originale est né un « café solidaire », financé dans le cadre d'un appel à projet de la CNSA un tiers-lieu dans mon Ehpad. 25 établissements sur 385 répondants ont été retenus, parmi lesquels celui de Frontignan-la-Peyrade. Le financement obtenu a permis de reconfigurer et d'aménager un ancien garage situé juste en face de l'établissement et au carrefour des écoles, un lieu stratégique.
Favoriser la rencontre des publics
Après un an de travaux, le café solidaire a ouvert ses portes début 2023. Ce qu'on y fait ? On joue au baby-foot, on partage un café, on déguste une collation. Les résidents réalisent la pâte à crêpes et assurent le service : « Je fais les crêpes, les gaufres et le café », confirme Claude Dugas, résidente à l'unité de vie La Gardiole. Les 204 résidents des trois Ehpad publics, de l'unité pour personnes handicapées vieillissantes et de l'Ehpad hors-les-murs ont tous accès à ce café solidaire, qui est aussi ouvert aux Frontignanais, jeunes et moins jeunes. L'objectif est de favoriser la rencontre de publics peu amenés à se croiser.
Sortir de la peur de l'Ehpad
Encore en lancement, le café solidaire attire pour l'heure surtout des enfants d'agents ou des bénévoles des associations partenaires qui y viennent en semaine ou le mercredi. Des partenariats ont été créés avec les Petits Frères des Pauvres, l'association solidaire intergénérationnelle de la commune et son service jeunesse. « Nous devons aussi nous faire connaître pour attirer d'autres jeunes. On ne va pas se leurrer, les Ehpad font peur », admet Vanessa Ferre, cadre socio-éducative en charge du projet. Contrer ce sentiment de crainte et ouvrir les lieux requiert de l'imagination. Bientôt, une nouvelle terrasse sera disponible. « Nous développons un partenariat avec le lycée voisin pour y organiser des ateliers de décoration et d'up-cycling entre les résidents et les classes de seconde. À partir de septembre prochain, une rencontre par mois pourrait s'y tenir », souligne Vanessa Ferre.
Retrouver de la liberté et se sentir utiles
Les résidents eux-mêmes ne manquent pas d'idées pour envisager le déploiement et l'animation de « leur » café solidaire. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de ce projet « coconstruit ». « Dès le début, nous avons organisé des ateliers dans nos résidences, confirme Lionel Wilzius. Chacun a participé à la conception de ce projet. Il a aussi fallu trouver un nom, choisir le mobilier... Le café solidaire a profondément transformé les conseils de la vie sociale », ajoute-t-il. « D'habitude à 15h30, tous regardent leur montre en attendant le goûter de 16 heures. Aujourd'hui, à 17 heures, on n'arrive plus à se quitter ». Les nouvelles idées fusent, comme celle de participer à la Fête des voisins, d'installer un terrain de pétanque ouvert et accessible ou d'inviter un groupe de chanteurs latinos.
Méthode Montessori
L'animation du café et la perspective des projets associés donnent du rythme à la vie des résidents, estiment ces professionnels qui s'inspirent de la méthode Montessori. Elles offrent une projection intéressante et redonnent de l'indépendance aux personnes âgées, en sollicitant leurs capacités individuelles. « C'est un lieu à l'extérieur de l'Ehpad qui leur permet d'être acteurs, de retrouver de la liberté et de se sentir utiles », résume Lionel Wilzius.
Sortir de la chambre : haut lieu de la culpabilité
L'objectif est aussi d'associer les familles. « Mon frère et ma soeur y sont venus », témoigne Claude Dugas. Le café solidaire doit permettre aux familles de retrouver leurs parents âgés, dans un endroit tiers. « Il y a une forme de culpabilité autour de la chambre d'Ehpad. Aller manger une crêpe ensemble dans un lieu calme, avec un peu de musique, est plus agréable », souligne Lionel Wilzius.
Sortir du poncif de « l'Ehpad hôpital », telle est l'ambition de ce tiers-lieu qui doit faire éclore un lieu de vie, d'activités et recréer du lien social. « On s'aperçoit que c'est aussi important que le soin. Ce type d'hybridation trouve notamment sa place dans le virage domiciliaire », poursuit le dirigeant. Mais les représentations doivent évoluer, pense Lionel Wilzius : « Quand les résidents sont dans l'Ehpad hors-les-murs, les familles s'inquiètent de savoir si leur père ou leur mère a participé aux activités. Quand ils entrent en Ehpad, leurs questions portent sur les horaires de toilette, mais plus sur les loisirs. »
Groupe de parole
Ce tiers-lieu a aussi vocation à accueillir des groupes de parole sur la plateforme de répit des aidants. Le café solidaire pourra être utilisé par les psychologues. « 100 % des aidants sont à saturation. Ils ont besoin de moments de répit, de pouvoir discuter de leur culpabilité avec un psychologue, pour dédramatiser », ajoute Lionel Wilzius.
Projet intergénérationnel et qualité de vie au travail
Le café solidaire a ainsi une vocation multiple, à laquelle un nouveau projet intergénérationnel et de qualité de vie au travail pourrait bientôt se greffer : l'accueil à proximité d'une micro-crèche à horaires décalés, pour les enfants des agents de ces Ehpad de la fonction publique hospitalière.