En moyenne, ce sont 3 267 professionnelles ETP qui exercent à moins de 60 minutes de 100 000 personnes âgées, selon une étude de la Drees que complète un rapport de l'Institut des politiques publiques sur des indicateurs de besoins territoriaux.
Quand l'offre médico-sociale se mesure par le prisme des professionnelles
La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a publié une étude[1] sur l'accessibilité géographique à l'offre médico-sociale et sanitaire pour les personnes âgées. Son originalité ? L'étalonner en nombre de professionnelles à moins de 60 minutes pour 100 000 habitants de 60 ans et plus, qu'elles exercent en établissement ou à domicile.
En 2019, 515 000 professionnelles en équivalent temps plein (ETP) interviennent dans la prise en charge de la perte d'autonomie. Un peu plus de la moitié (262 000 ETP) exercent en établissement : Ehpad, Ehpa, USLD, centres d'accueil de jour, SSR ou encore résidences autonomie. Ce sont 253 000 ETP qui exercent à domicile dont 40 % de professionnelles sanitaires, infirmières libérales ou infirmières et aides-soignantes de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
La Drees explique l'importante distorsion avec les 830 000 ETP du rapport Libault par l'exclusion, en établissement, du personnel administratif et des professionnels de santé, et à domicile de tout ce qui n'est pas de l'aide à l'autonomie.
En moyenne, 3 267 ETP exercent à moins de 60 minutes du domicile pour 100 000 personnes âgées de 60 ans ou plus.
L'accessibilité géographique est plus faible dans les régions autour de l'Île-de-France (Oise, Seine-Maritime, Eure, Orne, Eure-et-Loir, Sarthe, Loir-et-Cher), de même que les régions montagneuses (Alpes, Pyrénées, Vosges, Jura) et le Grand Est. Ailleurs, les zones de faible accessibilité sont dispersées et de taille réduite.
La double spécialisation des territoires
Derrière une relative uniformité, l'étude fait ressortir :
- une spécialisation des territoires vers le domicile ou l'établissement. Les communes de la moitié sud et celles proches des frontières du Nord sont fortement accessibles à l'offre à domicile, tandis que les communes de Bretagne, des Pays de la Loire et celles se situant à l'intérieur des terres le sont à l'offre en établissement ;
- une spécialisation public-privé. Selon le lieu, l'offre peut être quasi exclusivement privée ou quasi exclusivement publique. Dans de grandes zones, l'accessibilité est essentiellement liée à de l'offre privée lucrative, comme la zone du pourtour méditerranéen, en Île-de-France, en Corse, dans les régions des Alpes et des Pyrénées ou dans le Nord-Est ; dans d'autres, elle est essentiellement publique comme en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Normandie ou dans le centre de la France. Mais certains départements se distinguent de leurs voisins. C'est le cas par exemple des Landes, du Haut-Rhin, de la Somme, où l'offre est majoritairement publique, et de la Loire-Atlantique, du Calvados, de la Vienne, de l'Indre-et-Loire, où elle est majoritairement privée.
Modélisation de la perte d'autonomie
L'étude s'entrecroise et se prolonge avec un rapport de l'Institut des politiques publiques (IPP)[2[. Issu d'un contrat de recherche financé par la Drees, il avait pour objet d'estimer les besoins de prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées. Il est signé d'Anne Carrère, économiste, autrice d'un doctorat sur la « Prise en charge de la dépendance des personnes âgées : une analyse des déterminants de l'institutionnalisation ou du maintien à domicile ».
Pour le présent ? Le rapport souligne un manque de main-d'oeuvre qui s'élève à plusieurs centaines de milliers d'ETP dans le secteur, « visible aussi à domicile alors même qu'un "virage domiciliaire" est souhaité par les politiques publiques ». Or, ce virage domiciliaire, s'il est enclenché, augmentera mécaniquement les besoins à domicile, par un effet volume (plus de personnes en perte d'autonomie à domicile) et par un effet sévérité (les besoins en établissement sont plus importants).
Pour l'avenir ? Élaborer des indicateurs qui aideront les projections. « Nous tentons de prédire, dans chaque commune, le besoin de prise en charge des personnes âgées de 60 ans ou plus », explique Anne Carrère. Avec comme première étape de modéliser la perte d'autonomie selon trois niveaux : perte d'autonomie sévère (GIR estimé définition large 1-2), perte d'autonomie modérée (GIR 3-4) et autonome (GIR 5-6) avec des prédicteurs renseignés grâce aux volets seniors des enquêtes Care-ménages et Care-institutions. Mission remplie.
Plus tard, la méthode proposée consistera à prédire les trois niveaux de perte d'autonomie en France métropolitaine et, dans une troisième étape, à l'échelle de chaque commune. Ce qui permettra de « mieux rendre compte des zones potentielles de tension de l'offre sur le territoire », écrit l'autrice. En continuant de mettre le curseur sur les professionnelles et non sur les structures.