C'est l'effervescence en ce lundi midi à l'EHPAD Lanmodez de Saint-Mandé (94). Le chef étoilé Jacky Ribault et sa brigade y cuisinent bénévolement un repas gastronomique pour les 112 résidents de l'établissement. La rédaction y était.
Quand la gastronomie s'invite à l'EHPAD...
A l'origine, un médecin...
L'idée est venue d'un médecin généraliste, le Docteur Alain Assouline, également maire adjoint de la ville de Saint Mandé (94), qui après avoir vécu une initiative très positive à l'Hopital Béjin, a souhaité proposé une expérience similaire au sein de l'EHPAD : offrir un repas gastronomique aux résidents et aux personnels soignants. Si le plaisir du repas est un enjeu essentiel pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées, accompagner les professionnels de la cuisine reste la clef pour inciter les équipes à améliorer la qualité des repas proposés. Pour Dominique Monneron, président du directoire de la Fondation Partage & Vie, propriétaire de l'EHPAD, « la cuisine est un enjeu de taille. Après les soins, l'innovation reposera dans l'amélioration de l'hôtellerie. Nous devons proposer un service de qualité pour moins de 70 euros par jour. »
... et la générosité d'un chef
Jacky Ribault, chef étoilé des restaurants Qui plume la Lune à Paris, et L'Ours à Vincennes, n'a pas hésité une seconde quand le Dr Assouline l'a sollicité. « En hommage à ma grand-mère, explique t-il spontanément. Parce que ma grand-mère était gourmande et qu'elle aurait aimé qu'on lui serve plus souvent de très bons plats, il m'a semblé indispensable de répondre favorablement à cette requête. Ma grand-mère, bretonne, adorait la cuisine. Quand j'allais la voir, je lui apportais une religieuse au chocolat », raconte t-il avec tendresse. « Elle la coupait en deux et glissait une moitié dans son sac, pour le lendemain. On imagine l'état du sac... », confie t-il avec humour. « Mais ce que je retiens, c'est surtout que la cuisine était son seul plaisir. Je me souviens aussi de ce Monsieur très âgé, qui s'est mis à pleurer en dégustant une barpe à papa. Il n'en avait pas mangé depuis 80 ans. La cuisine, c'est de la réminiscence. »
Alors Jacky s'engage. Et avec lui, sa brigade. Trois personnes en cuisine et quatre personnes en salle ont ainsi travaillé bénévolement, la veille pour préparer, mais aussi sur place pour réchauffer et servir. Un moment de grâce pour les résidents et personnels soignants, qui le qualifient « de Noël avant l'heure ». Au menu, shawamushi (flan de foie gras aux champignons), mousse de sèche et son fumet de poisson, compotée de rhubarbe, crumble et barpapapa. Le tout offert par l'équipe...
Des résidents comblés
Si une dame, un peu espiègle, glisse, qu'elle préfère le pâté et les crêpes bretonnes, le sourire est sur toutes les lèvres. « C'est délicieux, on n'a jamais mangé de plats aussi fins, et puis on a le temps aujourd'hui », indique une aide-soignante. « On oubliera notre pause cet après midi pour réaliser tous les soins, mais pour l'heure, on profite, c'est que du bonheur ». Pour la directrice de l'EHPAD, Cécile Delpech, « le bien-être est un soin à part entière. Pour nous la qualité de la restauration est essentielle. Elle offre plaisir et convivialité. Et cerise sur le gâteau, ce repas gastronomique est proposé en texture identique pour tout le monde. » Oui on peut se régaler en texture modifiée.
« Bien sûr on ne peut pas servir des repas gastronomiques tous les jours », ajoute Jacky Ribault, « mais je formule le voeu que tous les chefs étoilés offrent un repas une fois par an dans un EHPAD. Ca participerait à changer le regard sur le grand âge et à faire évoluer la qualité de la restauration en établissement. » A bon entendeur !