Le dispositif de prévention de la pénibilité au travail se renforce avec la création du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) le 1er janvier 2015. Quelles seront les incidences pour les Ehpad ? Explications.
Quand la pénibilité se compte en points
Manutention, port de charge, contraintes posturales et articulaires: autant de situations professionnelles présentes dans les EHPAD et entraînant à moyen terme chez les salariés des douleurs articulaires, des lombalgies voire des troubles musculo-squelettiques. Avec l'augmentation croissante du niveau de dépendance des résidents, la prévention de la pénibilité au travail n'est pas un sujet nouveau pour les structures.
Si depuis 2001, les directeurs d'EHPAD recensent les risques professionnels présents dans leur établissement dans le document unique, ce n'est qu'à partir du 1er janvier 2012, qu'ils ont eu l'obligation légale de se pencher davantage sur la problématique de la pénibilité. La raison ? La loi du 9 novembre 2010 portant sur la réforme des retraites qui a introduit la pénibilité au travail dans le Code du travail. Depuis, les établissements d'au moins 50 salariés et ceux employant plus de 50% de salariés exposés à des facteurs de pénibilité doivent négocier un accord collectif ou mettre en place un plan d'action relatif à la prévention de la pénibilité au travail. A défaut, ils peuvent être soumis à une contribution de 1% du montant de leur masse salariale. En revanche, quelque soit l'effectif, tout directeur d'EHPAD est tenu d'établir une fiche individuelle de suivi pour chacun de ses salariés exposés à au moins un facteur de pénibilité. Ce document, qui complète le dossier médical des salariés, consigne les conditions de pénibilité, la période durant laquelle cette exposition est survenue ainsi que les mesures de prévention mises en oeuvre pour faire disparaître ou réduire cette pénibilité.
Contrats de droit privé uniquement
A partir du 1er janvier 2015, une nouvelle obligation instaurée par la loi du 20 janvier 2014, garantissant l'avenir et la justice du système de retraite, vient étoffer le dispositif de prévention de la pénibilité déjà existant. Il s'agit de la mise en place d'un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P)*, ouvert à tous les salariés employés sur des contrats de droit privé (CDI, CDD, intérim, temps partiels, apprentissage, contrats aidés) qui travaillent dans des conditions physiques pénibles. Concrètement, un salarié de l'EHPAD soumis à des facteurs de pénibilité se verra attribuer, selon son degré d'exposition à ces risques, des points comptabilisés dans son C3P. En fonction de leur nombre, et du choix du salarié, les points totalisés ouvrent droit à des formations en vue d'un reclassement vers un métier moins « pénible », des aménagements de temps de travail ou une possibilité de départ anticipé à la retraite. La gestion de ce compte sera assurée par la CARSAT et la Caisse nationale de l'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS). Et son financement par une nouvelle contribution de l'employeur.
Diagnostic préalable
Si dans certains secteurs d'activités notamment industriels, le calendrier prévu par le gouvernement pour l'entrée en vigueur du C3P est jugé contraignant par les entreprises, les EHPAD auront vraisemblablement plus de temps pour s'y familiariser. En effet, la première année, seuls 4 des 10 facteurs de pénibilité seront retenus pour l'attribution aux salariés de points pénibilité. Parmi ces quatre facteurs, seul le travail de nuit - les horaires comprenant au moins 1 heure de travail entre minuit et 5h00 du matin. Au moins 120 jours par an - concerne la réalité professionnelle des structures pour personnes âgées dépendantes. Mais la donne changera au 1er janvier 2016, date à laquelle le compte pénibilité devrait entrer pleinement en vigueur. Dès lors, postures pénibles, manutentions manuelles de charges, agents chimiques et bruit, ces autres facteurs de pénibilité seront à leur tour prise en compte. Autant dire que les EHPAD n'entreront de plain-pied dans ce nouveau dispositif qu'à l'approche de 2016. Un délai toutefois utile pour impulser en amont du C3P un diagnostic de la pénibilité dans l'établissement.
Selon le gouvernement, la phase la plus difficile sera celle du bon diagnostic. A savoir, évaluer l'exposition des postes ou des situations de travail. «Ensuite, l'employeur n'aura qu'à procéder à une simple actualisation d'une année sur l'autre, notamment dans le cadre de la mise à jour du document unique d'évaluation des risques (DUER)», considère le ministère des Affaires sociales. Une déclaration qui vise surtout à rassurer ceux qui voient déjà dans ce dispositif, une nouvelle «usine à gaz».
L'analyse du cabinet 360 RH
L'amélioration des conditions de travail et la qualité de vie au travail constituent un enjeu essentiel de la modernisation de la gestion des ressources dans les Ehpad.
Chercher les solutions pour réduire et prévenir l'exposition des salariés aux facteurs de pénibilité s'inscrit dans cette logique. «La mise en oeuvre du compte personnel pour la prévention de la pénibilité ne doit pas être perçue par les directeurs d'Ehpad comme une contrainte réglementaire supplémentaire. C'est une occasion de réinterroger l'organisation du travail et le mode de fonctionnement dans la structure», estime, Valérie Loric, consultante spécialisée dans le domaine de la santé au travail au sein du cabinet de ressources humaines 360RH à Vannes (Morbihan).
«Le diagnostic de la pénibilité doit être élaboré en cohérence avec le document unique de prévention des risques professionnels (DURP) mais également avec les plans d'action et accords seniors et la démarches GPEC», ajoute Armelle Jouanno, consultante ressources humaines du cabinet 360 RH. Un décret du 9 octobre 2014 précise d'ailleurs que le DURP devra désormais intégrer les dispositions des accords en faveur de la prévention de la pénibilité.