En pleine crise sanitaire, le décret n°2020-360 du 28 mars 2020 a autorisé la dispensation du Rivotril® (clonazépam) sous forme injectable par les pharmacies d'officine jusqu'au 15 avril 2020. Dans le cadre d'une prise en charge palliative de la détresse respiratoire, le texte invitait le médecin à se conformer aux protocoles exceptionnels et transitoires établis par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).
Que penser de la polémique liée au Rivotril® ?
Dès la publication du décret « Rivotril® », les militants anti-euthanasie sont montés au créneau : « Sortez vos aînés des Ehpad et hôpitaux en urgence », pouvait-on lire sur certains sites et quelques réseaux sociaux. Une réaction que le Dr Bernard Devalois, médecin en soins palliatifs et directeur du Centre de recherche et d'enseignement Bientraitance et Fin de vie1, dénonce : « Une euthanasie avec du Rivotril® est impossible. C'est un très mauvais procès fait à ce médicament par des sites complotistes spécialisés dans le lancement de rumeurs ».
Il est vrai qu'en soins palliatifs, c'est le plus souvent le midazolam (Hypnovel®) qui est utilisé mais en pleine épidémie de Covid-19, il avait été décidé de réserver ce produit en priorité aux réanimateurs. Une situation de tension, voire de pénurie, s'est alors produite conduisant à trouver une alternative à son usage. Et le choix s'est porté sur le clonazepam.
« Les deux produits -Hypnovel® et Rivotril®- sont des benzodiazépines et ils sont en réserve hospitalière. Ce qui signifie que seules les pharmacies à usage intérieur agréées peuvent les délivrer, y compris pour des patients ambulatoires en Ehpad, selon une procédure particulière. Le décret a permis aux pharmacies d'officine de dispenser le clonazépam, en le sortant de la réserve hospitalière. Il avait d'ailleurs été annoncé début 2020 que le midazolam sortirait de la réserve hospitalière en juin 2020. Un encadrement précis avait été prévu et cette mesure était très attendue par les acteurs du domicile confrontés aux fins de vie. Malheureusement à ce jour, il n'en est toujours rien. Mais, dans l'urgence de la crise sanitaire et pour pallier toute pénurie, c'est donc le clonazépam, présenté comme une alternative au midazolam, qui a été sorti de la réserve hospitalière », explique le Dr Bernard Devalois qui juge ce choix « discutable, le Rivotril® étant plus particulièrement préconisé en cas de convulsions ».
Selon lui, en cas d'indisponibilité du midazolam, d'autres molécules mériteraient d'être préférées au clonazépam comme l'hydroxyzine pour l'anxiolyse ou la sédation légère (Atarax®) ou des benzodiazépines qui ont une durée d'action longue (Valium® ou Tranxène®) pour des sédations profondes et continues. « L'effet sédatif est par exemple plus rapide et plus sûr avec le clorazépate (Tranxène®) mais ce qu'il importe de retenir, c'est que le bon produit reste le midazolam car il répond à toutes les pratiques sédatives, réversibles et irréversibles », poursuit-il.
Dès 2005, face à la menace sanitaire qui avait alors pour nom H5N1, le Dr Bernard Devalois a alerté les autorités sur le risque de pénurie d'Hypnovel®. « La seule préoccupation portait à l'époque sur la constitution de stocks d'antiviraux. J'avais alors demandé que l'on prenne aussi en considération la fin de vie des personnes. La question est une nouvelle fois posée. Des personnes âgées sont mortes en Ehpad en situation de détresse respiratoire sans avoir pu être soulagées. Nous devons réussir à constituer des stocks stratégiques de midazolam tout en débattant collectivement des alternatives thérapeutiques qui ne peuvent être identifiées qu'au terme d'un consensus d'experts », conclut-il.