En 2023, ouvrir des bars en Ehpad est devenu tendance. C'est d'ailleurs exactement ce que propose le Bistrot Bertha.
Quel regard portons-nous sur les vieux ?
En quelques mois, nous avons déjà commencé à accompagner une dizaine d'Ehpad dans la construction et l'exploitation de leur tiers-lieu. Bistrot Bertha conçoit de vrais bars, ouverts à tous, indépendants de l'Ehpad, et disposant d'une licence de débit de boissons. Ces bistrots assument donc de proposer de l'alcool en Ehpad.
La question n'est pas de savoir aujourd'hui si c'est une bonne chose ou non de rendre l'alcool accessible. La vraie question est plutôt de savoir quel regard nous portons sur les plus âgés, et quel libre arbitre, quelle liberté nous acceptons de leur laisser ?
Droit au risque
Nous proposons un large choix de boissons sans alcool pour compléter la gamme classique. Certains directeurs voudraient qu'on ne propose que cette offre sans alcool, non par convictions personnelles, raisons culturelles ou parce que cela ne correspond pas au projet défini, mais au motif que l'alcool est dangereux. Il va sans dire en effet que c'est un risque supplémentaire, mais nous savons le gérer. La réflexion et l'attention doivent donc se porter sur d'autres bénéfices comme le plaisir, la convivialité, l'autonomie. C'est bien le regard qui doit évoluer.
Le vieux que nous accompagnons est-il un être incapable de prendre une décision ? Devons-nous l'empêcher de marcher pour lui éviter de chuter, ou mixer sa nourriture pour limiter le risque d'étouffement ? Ou reste-t-il un adulte qui peut être soutenu dans son autonomie, jusqu'au bout, malgré la dépendance et les troubles cognitifs ?
Le choix de la sécurité
Cette question est inconfortable parce que nous sommes les seuls à pouvoir y répondre, en notre « âme et conscience ». Ce sujet nous soumet à des injonctions paradoxales. La loi 2002-2, par son esprit comme par les outils qu'elle offre, nous incite à respecter les droits et libertés de la personne accueillie, à soutenir son autonomie, à faire de l'Ehpad un lieu de vie plutôt qu'un lieu de soin. Mais les exigences des familles, comme des autorités régulatrices (les secondes suivant peut-être la dynamique des premières) nous enjoignent de passer la sécurité physique avant toute chose. Au détriment de l'autonomie, au détriment de la santé mentale, au détriment de la vie.
Créer des bistrots, au-delà des bénéfices directs que représentent l'ouverture des Ehpad et l'amélioration de la qualité de vie, participent à changer l'Ehpad. Parce qu'avant de demander une loi Grand âge, avant de discuter du taux d'encadrement, avant de débattre de la taille des chambres, interrogeons plutôt le modèle d'Ehpad que nous souhaitons, et la manière dont on considère ces adultes, en perte d'autonomie certes, mais des adultes d'abord.
Chez Bistrot Bertha, nous avons choisi.