Les salons et rencontres autour des nouvelles technologies destinées au très grand âge se multiplient. On mesure aisément les potentialités économiques de ce secteur, mais aussi les perspectives d'accompagnement des personnes qu'elles proposent, pour leur permettre de conserver leur autonomie, compenser des déficiences, soulager les professionnels comme les aidants familiaux.
Quelle place pour les robots sociaux en gériatrie ?
Le champ d'intervention est gigantesque et touche tous les pans de l'écosystème : sécurité, bien-être, santé, lutte contre l'isolement, partage de données ou d'informations, lien social...
Les robots sociaux, des usages épars
Nombreux sont aujourd'hui les établissements à utiliser les robots sociaux, entités mécaniques dotées d'une intelligence artificielle, ayant la capacité de susciter de l'interaction avec les personnes âgées et pouvant présenter des traits humanoïdes (robot NAO) ou d'animanoïdes (phoque PARO).
Les usages sont divers et les possibilités vastes mais ces expérimentations menées sur des territoires ou de manière isolée, voire ponctuelle par des professionnels ou des institutionnels, manquent encore d'un cadre commun qui permettrait d'analyser avec précision l'impact de leur apport sur les personnes accueillies.
ROSIE, un projet pour analyser
Lancée en 2017, l'étude ROSIE (« Robots sociaux et expérimentations en gériatrie ») fut portée par le Gérontopôle d'Île-de-France (Gérond'if), en partenariat avec le living lab Lusage (hôpital Broca AP-HP), le CHU de Lille et la chaire Hospinnomics, et financée par la CNSA, le groupe Malakoff Humanis. Son objectif : concevoir des outils opérationnels pour éclairer les choix des professionnels engagés dans la conception, l'implémentation ou la gestion financière de ces interventions à médiation robotique. Comment ces robots peuvent-ils soutenir les soignants ? Quel impact émotionnel les robots sociaux ont-ils sur les personnes âgées ? Comprennent-elles avec certitude qu'il s'agit d'un robot ?
Un groupe pluridisciplinaire (mêlant les dimensions éthique, clinique, sociale, économique et organisationnelle) a commencé par établir un état des lieux des pratiques utilisant les robots sociaux, en France comme à l'international, dans le secteur gériatrique. « Il apparaît que les robots sont principalement utilisés pour les soins (stimulation cognitive ou remédiation physique), l'animation socioculturelle (activités de loisirs) ou l'assistance quotidienne (pour aider des personnes à manger ou les accompagner lors de séances de rééducation physique) », explique le Pr Anne-Sophie Rigaud, chef du pôle gériatrie de l'hôpital Broca, directrice scientifique du projet ROSIE lors de la restitution des résultats.
Des recommandations pour accompagner les professionnels
Les acteurs du projet ROSIE ont ensuite émis des recommandations pour soutenir les équipes dans l'usage des robots sociaux. Ils invitent d'abord à bien connaître les troubles ciblés par les interventions robotiques (symptômes psycho-comportementaux comme l'anxiété, la dépression ou l'agitation, sentiment de solitude et d'isolement, déficit de sociabilisation...) et les objectifs de la médiation robotique. Les robots peuvent agir comme distracteur ou socialisateur pour lutter contre l'isolement.
Mais ils proposent aussi d'instaurer des procédures collégiales pour concevoir et évaluer les interventions psychosociales et thérapeutiques. Consulter et partager la décision d'utiliser un robot avec l'ensemble des équipes est un moyen d'obtenir l'adhésion et de pérenniser leur emploi en Ehpad.
Les experts invitent enfin à « porter une attention aux effets induits par la mise en scène du robot sur les participants âgés », et particulièrement ceux ayant des troubles cognitifs. « Il arrive en effet que les bénéficiaires confondent le robot avec un être vivant, souligne Étienne Berger, chercheur au Broca Living Lab. Cette mauvaise interprétation peut être favorisée par les choix de mise en scène du robot (manière de le présenter, de lui parler, de personnaliser son apparence), autant d'éléments qui doivent donc être pensés en amont pour éviter toute confusion. »
Pour Benoît Charlieux, psychologue chercheur au Broca Living Lab, « il est fondamental de commencer par présenter le robot aux patients, montrer ses caractéristiques physiques, leur dire à quoi s'attendre. Il faut ensuite observer les réactions des personnes et attendre qu'elles manifestent des intentions vers le robot. C'est seulement lorsqu'on les voit à l'aise, qu'on éteint le robot avec eux et qu'on le range ».