Les pouvoirs publics et les familles de résidents s'inquiètent de l'apparition de nouveaux clusters en EHPAD. Face à cette situation, on peut s'interroger sur les conséquences juridiques en cas de contaminations et décès de résidents dus à la Covid-19.
Quelle responsabilité pour les EHPAD en cas de contamination par la COVID-19 ?
Une forte obligation de sécurité
Suite à une réclamation d'usager, un EHPAD privé doit répondre de ses actes devant le tribunal judiciaire. Sa responsabilité est liée au contrat de séjour signé avec le résident (ou son représentant légal). L'EHPAD public quant à lui relève du tribunal administratif, le résident étant un usager du service public.
Formalisées par le contrat de séjour et garanties par la charte de la personne accueillie[i] , la protection et la sécurité des résidents sont des obligations de moyens ou de résultat. Dans le cas d'une obligation de résultat, on attend que le résultat attendu soit obtenu. A défaut, la responsabilité de l'établissement est engagée du seul fait que le résultat n'est pas réalisé. Si l'obligation est de moyens, la direction de l'EHPAD s'engage à tout entreprendre pour assurer la sécurité du résident.
La responsabilité civile est engagée dans le cas d'un préjudice causé à un tiers. Il s'agit alors de réparer sur un plan pécuniaire le dommage causé. Pour cela, l'usager devra apporter la preuve d'une faute de la structure et d'un lien de causalité avec le dommage.
La responsabilité pénale est quant à elle engagée en cas d'infraction réprimée par le Code pénal. En l'espèce, les qualifications d'homicide involontaire, la mise en danger de la vie d'autrui, de non-assistance à personne en danger sont visées. Après examen du contexte de l'établissement et des moyens dont il dispose, le juge détermine si les conditions requises pour l'engagement de la responsabilité pénale sont réunies : une faute, un lien de causalité direct et l'absence d'une vigilance que l'on attendrait de ce type d'établissement. On peut cependant s'attendre à ce que les juges évoquent une obligation de moyens « renforcée » soulignant l'attente d'une vigilance toute particulière.
Une appréciation de la responsabilité au cas par cas
L'établissement doit prouver qu'il a mis en place des procédures conformes aux préconisations des autorités sanitaires et s'assurer de leur application par le personnel. Pour le déterminer, les juges s'appuient sur un faisceau d'indices comme la mise en place du plan bleu, des notes de service, le plan de continuité de l'activité[ii] , l'analyse du risque infectieux et son impact sur le soin, de protocoles, informations aux familles, modification du document unique d'évaluation des risques professionnels, ou encore traces des échanges avec les autorités sanitaires relatifs à des demandes de matériels ou de moyens supplémentaires.
L'indemnisation fait suite à la déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurance de l'établissement. La responsabilité personnelle du directeur peut être retenue en cas de faute « très grave », voire malveillante, exposant directement le résident à un risque de contamination.
Dans ce contexte épidémique, suspendre ou limiter les visites doit rester temporaire, si l'on veut éviter un syndrome de glissement. Trouver un équilibre entre exercice des libertés du résident et nécessité de le protéger n'est pas aisé. Il ne faut cependant pas que la protection des résidents conduise à une standardisation des restrictions de leurs droits et libertés individuelles.
Anne-Sophie Moutier
Juriste, Consultante - Enseignante universitaire - Conseil aux EHPAD Spécialisée en droit de la santé et médico-social