Quid de la coexistence de filières différentes ?
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la coexistence de filières différentes qui se créent en matière de parcours des personnes âgées, ne concourent pas à la cohérence du système. En effet, les secteurs publics, privés non lucratifs, et privés lucratifs, n'ont pas la même vision de leurs intérêts. D'ailleurs, KPMG dans son étude de décembre 2015 "Ehpad: vers de nouveaux modèles ?" constate la mise en place de "stratégies de filière hétérogènes, divergentes et parfois mixtes".
Cela a de conséquences dommageables pour la cohérence d'ensemble sur les territoires, le secteur public faisant l'objet de toutes les critiques mais accueillant les personnes les plus lourdement dépendantes et les plus démunies (1). Lui demander d'intervenir partout et en tous lieux, rompant ainsi le fonctionnement en tuyaux d'orgue du sanitaire pour intervenir sur le médico-social, est justifié mais coûteux(2).
Le secteur associatif est plus hétérogène, souvent non spécialisé sur les seuls EHPAD. Leur stratégie est dictée par leur origine associative et le public visé. Il existe une forte tension entre les besoins et les possibilités financières des groupes ou des réseaux.
A côté de cela, les EHPAD privés commerciaux ont des stratégies de filière gériatrique (EHPAD-services à domicile) ou filière parcours résidentiel (résidences services, EHPA, EHPAD), dont le but est clairement commercial, afin d'attirer les personnes âgées ayant des revenus élevés dans leurs établissements, gage d'un bonne rentabilité de l'exploitation, ce qui permet de financer le développement.
En optant pour le tout domicile, le gouvernement fait l'impasse sur le sujet de l'hébergement des personnes dépendantes. Or les personnes lourdement dépendantes, qui seront à l'avenir de plus en plus nombreuses, n'auront pas de revenus suffisants pour payer leur hébergement en EHPAD (4). Qui les prendra en charge ? Où et à quel coût ?
Certainement pas les départements dont on apprend que nombre d'entre eux ne sont plus en mesure de payer le RSA et l'APA ?
(1) Le privé commercial accueille aussi, comme le secteur public hospitalier, la part la plus élevée des personnes âgées très dépendantes. Mais celles-ci ont des revenus élevés.
(2) Selon la DREES, les personnes très dépendantes (GIR 1 et 2) représentaient 55% des résidents en EHPAD en 2014 contre 51% en 2007.
(3) Selon le Conseil d'Orientation des Retraites de juin 2015 "le niveau de vie moyen des retraités et celui de l'ensemble de la population tendent à stagner en euros constants depuis 2008, voire même à baisser légèrement entre 2010 et 2012". A long terme le niveau de vie moyen des retraités diminuerait du fait de la baisse projetée de la pension nette moyenne. Il s'établirait entre 82 et 94% en 2040 et entre 73 et 92% en 2060 (par rapport au niveau vie de 2012).
(4) La pauvreté a fortement progressé à partir de 2008 selon l'Observatoire des inégalités. Entre 2012 et 2014, le nombre de titulaires du RSA a augmenté de 12,9%.