Dans les deux EHPAD de la Maison de santé Protestante de Nîmes (Gard), la " trottinothérapie " n'a pas de droit de cité. Et pour cause : la kiné est salariée et à ce titre elle travaille en collaboration étroite avec l'équipe soignante.
Rare et cher
" Les démences font peur aux kinés... "
Carole Ciobotaru, en poste depuis un an, intervient donc quatre matinées par semaine dans La Maison de Santé du quai de la Fontaine et deux après-midis aux Jardins.
Les motivations
J'ai travaillé en libéral, en hôpital et dans d'autres structures. J'avais envie d'ajouter une corde à mon arc. La structure, l'équipe, la façon de travailler m'ont convaincue. Le poste est très intéressant, plus humain, il couvre plus que l'aspect mécanique. La rééducation est moins complexe qu'en centre de rééducation. Les attentes ne sont pas les mêmes.
Quand je dis à d'autres kinés que j'exerce en Ehpad, ils trouvent cela bizarre. Les Ehpad, les démences font peur aux kinés... J'ai l'habitude des contextes un peu lourds, j'ai travaillé en immuno-hépato et en hôpital, j'ai travaillé avec des personnes âgées, vu des personnes en fin de vie... Quand on évolue avec des personnes désorientées, certains jours sont difficiles et il faut sans cesse s'adapter à la situation.
Le poste
En plus d'intervenir suite à des prescriptions médicales, j'assiste aux réunions hebdomadaires. Nous cherchons comment avancer dans le même sens pour le bien-être du résident. Je réponds aussi aux demandes des soignants, qui me sollicitent sur les transferts, sur les mises debout. Je leur explique comment appréhender la personne, les aident à acquérir les bons gestes. Les équipes ont appris petit à petit à me faire confiance et à travailler vraiment en équipe. Aujourd'hui, je suis bien intégrée.
Le salaire
Le salaire est plus élevé qu'à l'hôpital, mais plus faible qu'en libéral.
L'attrait du libéral
Bruno Champion, directeur de l'École Danhier de Masso-kinésithérapie (Paris XVIIe) le reconnaît : les salaires en institution ne peuvent pas rivaliser avec les revenus du secteur libéral.
Leur diplôme de masseur-kinésithérapeute en poche, 90 % des étudiants vont exercer en libéral. " Comment les étudiants kinés pourraient-ils être intéressés par le travail salarié en Ehpad ? Les niveaux de revenus sont trop bas par rapport à ce qu'on peut gagner en libéral, explique Bruno Champion, directeur de l'école Danhier de Masso-kinésithérapie. Certains étudiants se sont endettés pour financer leurs études : ils doivent rembourser 30 000 € de frais d'études (scolarité, hébergement...), et ce sans compter les années de classes préparatoires, de plus en plus fréquentes. " Pourtant les écoles de kiné et le programme officiel du Diplôme d'État de Masseur Kinésithérapeute font leur travail et donnent à la gériatrie la même place qu'à la pédiatrie. Le module 8 de la formation, intitulé "Kinésithérapie en médecine, gériatrie et chirurgie" aborde les troubles de l'équilibre, la prévention des chutes etc. et comprend un stage obligatoire en milieu gériatrique. " Les étudiants rêvent tous de travailler dans le sport de haut niveau, aussi ils partent en stage à contrecoeur !, confie Bruno Champion. Pourtant ils reviennent ravis de leur stage : les personnes âgées ont des pathologies multiples et cela rend le travail très riche. " Pourtant l'expérience du terrain ne suffit pas à drainer vers les structures d'accueil les kinés fraîchement diplômés. Le libéral et son niveau de revenus restent attractifs... et pas un diplômé ne reste sans emploi. Mieux, les jeunes kinés ont l'embarras du choix. Ainsi chaque année, l'école reçoit entre 10 à 15 propositions de kinés qui partent à la retraite et laissent leur clientèle et même, à titre gracieux, le matériel du cabinet. " La situation est désastreuse pour les Ehpad, pour les hôpitaux ou le SSR..., ajoute Bruno Champion, et compte tenu du vieillissement démographique, la demande de kinés va continuer à augmenter. Pourtant, il existe des solutions. Des stratégies de pré-recrutements se mettent en place. Certains établissements de la fonction publique hospitalière, partenaires de notre Institut pour les stages, offrent un financement de leurs études à nos étudiants, ceci sous forme de contrats d'allocation d'études (entre 500 et 900?€ mensuel). Il existe également des Contrats d'Apprentissage par les Centres de Formation d'Apprentis (CFA) qui permettent un financement total des frais de scolarité par les établissements, cela en échange d'un engagement de servir de même durée pour les premiers, de périodes de travail et de stages durant les études agrémentés d'un engagement de servir pour les seconds.?"
Reste à donner à la gérontologie l'attractivité qui lui manque.