La Haute Autorité de santé a publié le 10 mars le premier référentiel national d'évaluation commun à tous les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Pour son application, rendez-vous au prochain quinquennat... après une phase d'appropriation.
Réforme de l'évaluation : la HAS publie enfin le référentiel
Après plus de deux ans de concertation approfondie avec l'ensemble des acteurs du secteur social et médico-social, professionnels et usagers, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié le 10 mars le premier référentiel national d'évaluation, socle de la réforme engagée par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Ce référentiel s'applique aux 40 000 établissements et services sociaux et médico-sociaux (Essms) qui accompagnent les personnes âgées, en situation de handicap, les enfants protégés et les personnes confrontées à des situations de grande précarité ou concernées par des addictions.
L'objectif affiché du référentiel et du manuel de 200 pages qui l'accompagne est de valoriser les démarches mises en oeuvre par les Essms pour améliorer leur qualité d'accompagnement, dans le cadre d'une approche centrée sur la personne et le respect de ses droits.
Il a vocation à être utilisé par les établissements et services, pour réaliser des autoévaluations de manière autonome, et par les organismes évaluateurs, comme outil de référence dans la conduite de la visite d'évaluation.
Trois méthodes
Le référentiel est structuré en trois chapitres, avec chacun neuf thématiques déclinant 42 objectifs et 157 critères d'évaluation. Et chacun une méthode d'évaluation.
Pour le premier chapitre, consacré à la personne accompagnée, la méthode de « l'accompagné traceur » est appliquée. Elle consiste en un échange avec une ou des personnes accompagnées, puis avec les professionnels qui les accompagnent afin de recueillir leurs points de vue sur les pratiques mises en oeuvre.
Le deuxième, relatif aux professionnels, met en oeuvre la méthode du « traceur ciblé ». L'évaluateur va organiser des entretiens avec différents professionnels de la structure pour investiguer les différentes thématiques explorées par le référentiel.
Le troisième, concernant la gouvernance, voit s'appliquer la méthode de « l'audit système » pour évaluer l'organisation mise en place et s'assurer de sa maîtrise par les professionnels sur le terrain.
Les neuf thématiques explorées sont : la bientraitance et l'éthique ; les droits de la personne accompagnée ; l'expression et la participation de la personne ; la co-construction et la personnalisation de son projet d'accompagnement ; l'accompagnement à l'autonomie ; l'accompagnement à la santé ; la continuité et la fluidité des parcours des personnes ; la politique ressources humaines ; la démarche qualité et gestion des risques.
Réalisée tous les cinq ans, contre sept ans auparavant, chaque évaluation fait l'objet d'un rapport d'évaluation identique (de structure prédéfinie), diffusé en interne, à l'autorité de tarification et de contrôle, à la HAS et publiquement dans des conditions à définir par décret.
Vide juridique
Ce référentiel était attendu avec impatience, après une mise sur pause de la réforme en raison de la crise sanitaire. Mais sa parution intervient dans un contexte de vide juridique. La raison ? La censure par le Conseil constitutionnel de l'article 52 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 . Ce « cavalier législatif » modifiait l'article L. 312-8 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) en remplaçant l'habilitation des organismes évaluateurs par la HAS par une accréditation du Cofrac (Comité français d'accréditation) et en prorogeant jusqu'au 1er janvier 2025 l'autorisation des Essms qui n'ont pu réaliser leurs évaluations entre le 12 mars 2020 et le 31 décembre 2021.
Ainsi, le quinquennat va se terminer sans support législatif de rechange, ce qui, depuis le début de l'année, a suscité les inquiétudes des fédérations du secteur et de l'Association des professionnels de l'évaluation sociale et médico-sociale (voir « 3 questions à... »).
Alors ? Le flou demeure. Et ce d'autant qu'il est question maintenant d'un simple décret ! Un tour de passe-passe ?
Pour Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, néanmoins, « l'essentiel est acquis » avec la publication du référentiel et du manuel d'évaluation qui « ouvre la possibilité pour les Essms de s'autoévaluer » et permet « à tous de s'approprier les exigences posées et d'y travailler au regard de leurs propres pratiques ».
Du côté du gouvernement, il avait été indiqué quelques jours auparavant que « ce référentiel, commun à tous les Ehpad, quel que soit leur statut, servirait de base aux organismes évaluateurs, à partir de septembre 2022, le temps pour le secteur de se l'approprier » et que « les établissements seraient par ailleurs incités à se faire évaluer dès 2022 par des organismes évaluateurs accrédités par le Cofrac, afin de renforcer l'indépendance du processus ». En ajoutant que cette accréditation deviendrait ensuite « une obligation prévue par la loi dans le cadre de la prochaine législature ».
Par ailleurs, dans le contexte du scandale Orpea, la question s'est posée d'une éventuelle articulation avec les contrôles annoncés le 8 mars par le gouvernement.
« Il n'y en a aucune » a répondu Christian Saout, président de la Commission sociale et médico-sociale (CSMS) de la HAS qui a été à la manoeuvre pour la rédaction du référentiel. Mais, il est à noter que la CSMS a pris la précaution d'adopter une motion[1] qui alerte « sur le grand risque qu'il y aurait à confondre évaluation de la qualité et contrôle ». Le même texte demande aussi que deux conditions soient réunies : la publication d'un cadre juridique permettant l'accréditation des organismes en charge de ces évaluations ainsi qu'une phase d'appropriation raisonnable pour les établissements et les services.