Le mois dernier, dans notre chronique, nous écrivions que face à la pénurie de personnels, les seniors, avec leurs compétences et leur envie de travailler, sont une chance pour les entreprises. En particulier, dans le secteur de la santé.
Réforme des retraites ? Rajeunir l'âge et donner du sens !
Sauf que pour une grande partie des dirigeants et des responsables de ressources humaines, l'image des seniors est encore largement associée à une charge économique, un problème de cohésion interne, une nuisance pour la performance, un risque de productivité... Sans compter qu'ils peuvent estimer que la présence en nombre de seniors dans leur organisation peut avoir un effet repoussoir sur les candidats plus jeunes.
De la même façon que les entreprises continuent de vouloir rajeunir leur clientèle et leur image, alors que la consommation est tirée par les seniors, elles recherchent en priorité des jeunes, si possible hyper motivés, super disponibles et formidablement bien formés...
Elles oublient que la hausse attendue de la démographie en France se fera exclusivement par le haut, par les seniors.
Des pistes existent pour favoriser l'emploi des seniors. D'abord, pourquoi ne pas donner réellement sa chance à une approche plus souple du départ à la retraite ? Dès le début des années 1980, l'économiste Dominique Taddéi proposait une retraite à la carte où à partir d'un certain âge, le salarié pourrait progressivement réduire son volume horaire de travail.
Cette approche serait aussi singulièrement bénéfique en termes de santé publique, car le passage brutal à la retraite reste un choc difficile à vivre pour quantité de personnes.
La fin de la vie professionnelle pourrait être aussi un temps utilisé pour la transmission de savoir-faire entre l'expérimenté et un salarié découvrant le métier. Le contrat de génération proposé par François Hollande voulait aller dans ce sens mais ce fut un échec. Peut-être faut-il relancer l'idée en la rendant plus simple pour les entreprises ?
Une autre piste serait de construire des parcours professionnels plus longs mais comprenant des périodes de respiration. Tous les dix ans, pouvoir prendre un temps pour soi, pour se former, pour s'impliquer dans la vie collective...
Reconnaître les métiers du care
Les PME et TPE, qui souffrent encore plus du manque de richesse humaine, pourraient être aidées à recruter des seniors expérimentés, y compris en se groupant à plusieurs employeurs pour offrir des conditions satisfaisantes d'activité. Certaines entreprises n'ont pas nécessité d'employer un expert à plein temps mais peuvent le partager et lui donner ainsi un emploi stable.
Orienter l'emploi des seniors vers les métiers d'utilité sociale solidaire (accompagnement en formation des jeunes comme des seniors, soutien aux plus fragiles...), pas nécessairement rentables à court terme, forme une autre piste. Les dernières années de vie professionnelle pouvant ainsi s'orienter vers des métiers du care et du lien. Ces métiers du « coeur », pour reprendre Goodhart[1], où la notion de productivité n'a pas de sens. On pensera, bien sûr, aux métiers de la santé, du care, de l'accompagnement des aînés...
Ces métiers, qui aujourd'hui ont un énorme problème de recrutement, de fidélisation et d'absentéisme sont aussi attractifs auprès de seniors et de toutes personnes en quête de sens et d'utilité sociale.
Reste aux acteurs, dirigeants d'Ehpad et recruteurs dans les groupes de santé, à changer de regard et à rechercher de nouvelles formes de management qui donnent plus de place à l'autonomie, qui valorisent l'expérience, qui érigent l'attention bienveillante à l'autre comme une valeur cardinale du métier... Reste aussi à mieux valoriser et rétribuer ces métiers et rendre leur exercice moins difficile.
Non seulement l'âge a rajeuni, mais retrouver de l'estime de soi et du sens est source de jouvence !