Didier Girard, ingénieur hospitalier chargé de la restauration au CH Le Mans, a conçu un guide pour un service hôtelier adapté aux patients en fin de vie dans les établissements de santé. Le titre "cuisiner le plaisir" est éloquent sur ses intentions.
Remettre le plaisir au coeur du repas
Comment redonner de l'appétit à des personnes en fin de vie ?
"Il est possible à l'hôpital et dans les établissements de santé, de susciter l'envie de manger a chez un résident âgé, qui parfois a perdu l'envie de se nourrir, voire éprouve du dégoût pour la nourriture dans le cadre de son traitement (nausées, douleurs buccales, problèmes de transit, difficultés à mastiquer ou à déglutir, etc.). Il faut pour ce faire, réintroduire la notion de plaisir au moment du repas.
Il s'agit dans un premier temps de prendre en compte les effets et les conséquences induits par le traitement, les médicaments, (sensibilité à la chaleur, aux odeurs, etc.), et lui proposer un menu adapté et présenté de manière attrayante : présentation des mets, couleurs des aliments, décorations, esthétique du service de table, etc.), en plus d'être conforme aux apports nutritionnels recommandés."
"Pour les patients en fin de vie, les objectifs et les démarches sont les mêmes, avec un soin particulier apporté aux volumes des aliments, présentés en petites quantités. Il faut néanmoins privilégier une alimentation plaisir plutôt qu'une recherche vaine d'apports nutritionnels. C'est l'aspect "plaisir et émotion" qui doit primer, en faisant du repas un moment de partage. La possibilité pour les proches de partager les instants de repas avec les patients peut notamment s'inscrire dans cette démarche."
Beaucoup de personnes âgées ont perdu le goût. La restauration collective peut-elle répondre a des besoins aussi particuliers ?
"Oui, en remettant le plaisir au coeur de la prise des repas... Pour redonner l'envie de manger, on peut par exemple décliner le menu sur une carte au choix, jouer sur des textures modifiées selon la pathologie du convive (coupé, haché, mixé), optimiser la présentation des plats, etc. Tout ce qui fait la plus value professionnels du cuisinier et qui peut souligner l'attention et la considération portée au convive. Pour les patients, le repas comme "moment de soin" peut dès lors se conjuguer avec un "moment de plaisir".
"Dans le cadre de l'hôtellerie, le savoir-faire et le savoir-être des soignants est primordial. Ils doivent par exemple apporter une attention toute particulière à la remise en température des plats à l'office, à la disposition et la présentation sur le plateau et à l'accompagnement du résident (échanges, valorisation des mets lors du service, etc.). Leur rôle est essentiel pour restituer à l'alimentation sa valeur de plaisir.
Le temps accordé à la prise des repas doit être satisfaisant et la fréquence des horaires respectée (petit-déjeuner, déjeuner, dîner). Par ailleurs, le jeûne nocturne doit être évité. L'environnement de la prise des repas est aussi un facteur primordial dans la redécouverte du goût, de l'appétit et du plaisir chez les patients. Un cadre chaleureux (agencement, mobilier et décorations des salles à manger et des chambres) y contribuera grandement."
Le mode de distribution des repas n'est-il pas souvent un facteur engendrant de mauvaises conditions de dégustation?
Lorsque la salle à manger est proche de la cuisine, le repas subit moins d'étapes entre la fabrication et son service hôtelier. Cependant, dans les grands établissements, le système de liaison froide est priorisé pour la maîtrise de sécurité alimentaire . S'il est mal organisé dans le dernier maillon de l'hôtellerie à l'office (remise en température), le repas sera mal perçu et non consommé .
Dans les établissements de santé les CLAN (Comité de Liaison Alimentation Nutrition) sont nécessaires afin que médecin, diététicien, soignants et personnel de restauration travaillent ensemble sur des objectifs communs, ensemble c'est prendre soin.