Fondation d'entreprise de Restalliance, l'Institut nutrition, créé en janvier 2020, a pour ambition de produire des connaissances sur le comportement alimentaire des personnes fragiles « pour innover et préserver le plaisir de manger ».
Remettre le plaisir du résident au coeur de l'assiette
« Notre mission en tant que fondation d'une société de restauration collective spécialisée dans la santé est de développer des projets de recherches-actions et de favoriser l'émergence de connaissances nouvelles afin d'inviter les les professionnels à améliorer leurs pratiques en matière d'alimentation », exprime Anne Moreau, Déléguée Générale de l'Institut Nutrition. Et malgré les contraintes sanitaires liées à la Covid-19 qui ont freiné plusieurs projets en collaboration avec les Ehpad, le programme de travail reste ambitieux.
L'institut lancera par exemple en avril son deuxième prix de recherche - doté de 10 000 euros - dédié au soutien de la recherche sur le comportement alimentaire des personnes fragiles. En novembre 2020, c'est l'hôpital de Fumel qui avait été primé pour son projet de recherche G.L.A.C.E. « Baptiste Pellicer, animateur de l'Ehpad et Christelle Charton, diététicienne ont expérimenté un chariot de glaces l'été, de boissons chaudes et de soupes l'hiver afin de stimuler le réflexe d'hydratation des seniors pendant un moment récréatif », souligne Anne Moreau. L'équipe pourra, grâce à l'obtention du prix de recherche de l'institut, mesurer l'impact d'un tel dispositif sur l'hydratation et le bien-être des résidents âgés.
En matière de prospective, un livre blanc sera également publié au printemps prochain en collaboration avec le Credoc (1). Intitulé « Ce que mangeront nos ainés en 2030 », il détaillera différents scénarios en fonction de facteurs invariants - comme les données démographiques - et de variants - comme la politique gouvernementale en faveur de l'autonomie. « De nombreux facteurs influencent la manière dont vont manger les personnes âgées - leur lieu de vie, leur volonté d'autonomie ou encore le fait de vouloir choisir ce qu'elles mangent. La pandémie Covid-19 marque une vraie volonté réaffirmée des français de revenir à l'essentiel. Les seniors n'échappent pas à cette tendance et souhaitent favoriser les produits locaux et de saison. Autant de défis à relever pour la profession afin de préserver à tout prix le plaisir de manger, au sens large du terme », poursuit la Déléguée Générale de l'institut.
Sortir de la bien-pensance
Parmi les autres projets figure aussi l'enregistrement de podcasts intitulés « Dans l'assiette de... » qui permettra aux ainés d'évoquer leurs souvenirs et leurs envies en matière d'alimentation. « J'ai remarqué que les professionnels des Ehpad agissent soit en faveur d'une approche conditionnée par la conformité à la réglementation, soit une approche conditionnée par le "risque", ou encore en fonction de leurs propres envies en tant que mangeurs. Or ces demandes ne correspondent pas toujours à "ce qui est bon" pour les résidents. Par exemple, à chaque canicule, on nous demande des salades et des gaspachos dans les Ehpad... auxquels personne ne touche. Il est temps de sortir de la bien-pensance et de redonner de l'autonomie de décision aux mangeurs. Leur envie doit primer sur le contenu technique ou théorique de l'assiette », poursuit Anne Moreau.
Une approche résolument enthousiaste qui la conduit à conseiller aux professionnels des Ehpad d'accorder davantage d'importance à chaque histoire de vie. « L'une des clés de la réussite est de faire en sorte que le résident reste acteur de son alimentation, par exemple en l'autorisant à éplucher des légumes pour la soupe du soir, ce qui stimulera à la fois son autonomie et son envie de manger. De la même manière, on peut questionner le rythme des repas dans les institutions : après un goûter pris à 16 h, qui a réellement envie de dîner à 18h15 ? Raisonner de façon collective peut mettre en difficulté certains individus en les obligeant à adopter un rythme qui n'est pas le leur. Si nous comparons ce que mangent les personnes âgées qui vivent seules chez elles et ce qui est proposé en institution, le décalage est évident ». L'Observatoire Covid-19 des comportements alimentaires des personnes âgées (2) vient d'ailleurs de confirmer qu'en plein confinement, certains résidents ont apprécié de manger seuls dans leur chambre. Comme une liberté retrouvée ?