La dépression est une maladie mentale mal connue. Le Docteur Olivier Drunat, chef du service gériatrie de l'hôpital Bretonneau (AP-HP), pointe quelques idées reçues. Il propose aussi une stratégie en trois points : détecter, diagnostiquer, prescrire.
Repérage des troubles : le premier pas vers le soin
La dépression des personnes âgées en établissement n'est pas une fatalité. Si on pense souvent que les structures déclenchent des réactions dépressives, les études montrent que c'est au contraire au début de la prise en charge qu'on dénombre le plus de cas dépressifs. La dépression pourrait donc être une cause d'entrée en maison de retraite. En effet, les syndromes dépressifs génèrent de mauvaises relations avec l'environnement : incompréhensions, refus d'aide, refus de soins. En conséquence, pour protéger la personne, on imagine un hébergement sécurisé comme la maison de retraite.
Toutefois certains résidents vont développer des dépressions en maison de retraite. Pour les repérer, les structures doivent faire un double travail. D'une part, il faut sensibiliser les équipes au repérage des symptômes. Les soignants qui interviennent dans le soin relationnel (aides-soignants, AMP...) peuvent débusquer les troubles et ensuite alerter les professionnels aptes à faire un diagnostic, c'est-à-dire les médecins. Il faut donc aussi sensibiliser les médecins : les convaincre d'établir le diagnostic de dépression et les convaincre que, quand on traite la dépression, c'est efficace.
Le repérage des troubles est délicat, du fait de la routine propre à la vie et au travail en établissement. Il faut lutter contre cette idée qui voudrait qu'être vieux, c'est triste, avoir de l'arthrose, mal marcher et de se retirer dans son coin... Si la personne a toujours eu ce comportement, c'est normal. Dans le cas contraire, tout changement de comportement doit alerter, en particulier les troubles de l'humeur. Ce peut être un repli sur soi, symptôme classique, et ce peut être aussi un comportement d'agitation. La fatigue est un autre symptôme très fréquent et qui contrarie le médecin car il faut tout explorer : carences, cancer... Attention, en EHPAD, les résidents sont polypathologiques, avec des maladies psychologiques et somatiques. Pourtant le médecin est souvent enclin à explorer le somatique d'abord, parce qu'il dispose d'examens... et peut ainsi objectiver les troubles. C'est seulement quand il ne trouve rien sur le plan somatique, qu'il cherche sur le plan psychologique.
Masques démentiels et masques dépressifs
Une autre difficulté est de distinguer la dépression d'une démence. Les problèmes de dépression provoquent des troubles de l'attention et de la concentration, lesquels peuvent se manifester par des problèmes de mémoire. La plainte de la personne peut alors dire ne pas se souvenir d'une conversation, ne pas pouvoir suivre un film, chercher ses mots... Autant de symptômes qu'on observe aussi au début de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée. Comment alors discerner l'origine des troubles de comportement (agressivité, agitation...) au début d'une maladie d'Alzheimer ? Les spécialistes de la mémoire et des outils (consultation mémoire, tests...) aideront à différencier les deux pathologies.
Le diagnostic peut être compliqué par la cohabitation des deux pathologies. La personne peut être dépressive et aussi atteinte de la maladie d'Alzheimer, elle peut entrer dans la dépression parce qu'on a la maladie d'Alzheimer. De plus, la dépression peut être présente tout au long de la maladie d'Alzheimer même dans sa phase la plus avancée. Les soignants pensent souvent que, compte tenu de la dégradation des capacités, la personne n'est plus capable de développer une dépression. Il n'en est rien. Il ne faut jamais se contenter d'une pathologie et rejeter l'autre, même s'il existe des masques démentiels et des masques dépressifs. Penser à la dépression permettra d'apporter du confort à la personne.
Ne pas réagir aux symptômes
Les traitements antidépresseurs sont efficaces. Hélas on assiste à un glissement : les médicaments sont beaucoup décriés, pour des raisons économiques. Il est vrai que les traitements antidépresseurs ont été beaucoup administrés à mauvais escient : baisse de moral, fatigue... Ce n'est pas pathologique d'être triste à 90 ans quand on a des douleurs, quand on vient de perdre son fils... Une tristesse ou une fatigue isolée ne fait pas le diagnostic d'une dépression et ne doit pas être traitée en lieu et place d'une dépression. Il faut donc faire un effort majeur de rigueur dans le diagnostic et ne pas réagir aux symptômes. Il faut à la fois des soignants qui débusquent les symptômes et un médecin qui sache élaborer le bon diagnostic. Et le cas échéant, prescrire un traitement approprié : les études montrent qu'en cas de dépression avérée, les traitements aident vraiment la personne. Il ne faut donc pas renoncer aux médicaments mais les utiliser à bon escient. Toutefois le médicament ne saurait être le seul et unique outil : la qualité de l'environnement compte aussi beaucoup. Il faut de la présence, de l'écoute. Les soignants peuvent être désarmés d'être face à une personne dépressive. Ils voudraient la soutenir et ils se heurtent à un discours toujours négatif et qui ferme la communication. La présence et l'écoute sont déjà une aide majeure. L'écoute n'est pas uniquement dévolue aux psychologues, c'est le rôle de chacun dans l'établissement... Il faut donc écouter puis reparler de la situation en équipe, afin d'évaluer si le comportement est pathologique ou non.
La mallette Dépression incluse dans MobiQual peut apporter une aide aux équipes
Contenu :
une plaquette de présentation de la dépression : définitions et description clinique, repérage, éléments de diagnostic et de prise en charge ;
un arbre décisionnel ;
des outils : Mini GDS, Inventaire Neuropsychiatrique (NPI-ES), Inventaire Apathie, MMSE...
un CD de fichiers imprimables : PDF des documents inclus, fiches de suivi patients.
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