Pour finir ce dossier avec un contre-exemple, qui raconte avec des bulles un parachutage de salarié... sans parachute.
Résidence autonomie, une BD pas si bête et méchante
Salch, qui collabore régulièrement à Charlie Hebdo, change de registre dans son nouvel album Résidenceautonomie où il croque le quotidien de son ami Marc, embauché comme agent social[1] dans une résidence autonomie. Le dessinateur revendique un humour bête et méchant - grinçant ici - mais ajoute beaucoup de tendresse à ce témoignage criant de vérité. Les professionnels y trouveront immanquablement un écho de leur vécu.
Envoyé par Pôle emploi sans aucune idée de ce qui l'attend, Marc pense à un « job cool, deux nuits par semaine à être payé pour dormir ». Dès son arrivée, Hamad, sa doublette pendant trois jours, lui donne un premier conseil : « déjà, t'as pas les bonnes chaussures, il te faut une bonne paire de running car on va beaucoup marcher ». Le top départ est donné d'un job pas cool du tout, derrière un chariot à distribuer les plateaux-repas mais aussi les médicaments, en particulier les « trèfles » ou les « bonbons » (anxiolytiques), sans une once de formation au soin. Avec un bipeur strident qui déchire les jours et hache les nuits.
Les valises sous les yeux s'alourdissent au fil des pages...
Trait à la Reiser, Salch dessine crûment les corps usés des vieux et vieilles mais édente aussi Marc ou Hamad, et n'épargne pas non plus l'animatrice des ateliers créatifs ou la dame du réfectoire - par solidarité sans doute... Mais l'humanité déjoue la cruauté. Et la tristesse est partagée quand un résident doit être transféré vers l'Ehpad contigu, présenté comme « un enfer » après « le purgatoire ».
Comique de situation
Le dessinateur sait aussi talentueusement tirer le tragi- vers le comique... de situation. Comment ne pas rire (même jaune) aux insultes de l'ancien curé ; à l'embouteillage de déambulateurs à la porte du réfectoire (« sans marche arrière ») ; à la catastrophe évitée d'une panne générale d'électricité lors d'une nuit de canicule : Marc comprend qu'il doit courir dans les étages retirer en un temps record les masques respiratoires portés par de nombreux résidents sinon « le résident respire son propre air, il vomit, s'étouffe et meurt » !
Et l'attendrissement pointe souvent devant les magnifiques mises en plis que l'attachant Hamad fait à ces dames ou le rire de Mme Miller, la chouchoute de Marc, quand il met le turbo à son fauteuil roulant...
Résidence autonomie, de Salch, éditions Dargaud, 24,50 euros.