Résidents en résidence... d'été
Pour emmener des résidents d'EHPAD en vacances, il faut le sens de l'anticipation, beaucoup des talents d'organisateur, des réserves d'énergie et de bonne humeur...
De retour de six jours en juin en Charente-Maritime, Annie Perez coordinatrice de l'animation et de la vie sociale de la Résidence Monthéard au Mans (Sarthe) fait le bilan. Les six résidents sont ravis de leur séjour. Les trois accompagnants aussi, même s'ils sont fatigués : pendant six jours, l'animatrice accompagnée d'une aide-soignante et de la responsable d'hébergement ont été disponibles 24h/24h.
Chaque année depuis cinq ans, l'animatrice monte un séjour d'une semaine, dans lequel, désorientés ou non, tous les résidents sont les bienvenus, pour autant que leur santé leur permette. L'histoire démarre en février. " Le plus important, fait observer l'animatrice, c'est d'avoir un projet. Les vacances c'est aussi " l'avant " ! Ainsi dès le mois de février, nous commençons à préparer. Nous réfléchissons à la destination avec les résidents, puis définissons ensemble l'emploi du temps jour après jour. " Alors, pays Basque comme en 2010 ou Bretagne comme en 2009 ? Non, pour 2011 le choix s'est porté les Mathes de la Palmyre, à quelques kilomètres de Royan, et sur un hôtel-club, en demi-pension. " Dans les clubs, nous bénéficions de structures bien rôdées : logements adaptés, accessibilité pour les fauteuils roulants,... et animation en soirée, résume Annie Perez. Nous demandons à avoir les mêmes tables à chaque repas, cela donne des repères et c'est souvent l'occasion de faire connaissance avec des voisins de table. " Une fois le lieu choisi, les résidents planchent sur leurs activités. L'occasion pour eux de retrouver un comportement de consommateur, de faire valoir leurs goûts, de prendre des décisions collectives aussi. Après le premier jour réservé à l'installation sur place, le programme n'a rien à envier à celui des autres vacanciers : farniente sur la plage ou au bord de la piscine, promenade en petit train touristique, visite ou journée en bateau. L'incontournable est le restaurant du déjeuner. " C'est une génération qui a bien vécu, le restaurant lui manque, remarque Annie Perez. De plus, pendant cette semaine, nous cherchons à multiplier les petits plaisirs : nous prenons l'apéritif et à goûter, si un résident veut une gaufre ou une glace, je suis toujours d'accord. " Le choix du restaurant donne de la souplesse à l'emploi du temps mais demande de la préparation : il faut réserver les restaurants, vérifier la possibilité de repas mixés,...
550 euros, restaurants et extras compris
Il faut aussi organiser le transport. Un sujet que maîtrise la résidence Monthéard. Elle loue * un minibus de neuf places... et a l'habitude de s'en servir : croisière sur la Sarthe, excursion à Paris pour voir les illuminations de Noël... avec l'aide le soutien d'un généreux donateur. Pour ces vacances toutefois, pas de donateur, aussi le financement du séjour est un sujet sérieux. Pour les six jours en Vendée, la participation était fixée à 550 euros, restaurants et extras compris. " Les résidents paient avec leurs économies, soit avec l'aide de leur familles, explique Annie Perez. Certains résidents refusent de demander à leurs enfants car ceux-ci financent déjà le séjour à l'EHPAD. "
Au-delà du groupe, il faut aussi penser à l'assurance rapatriement, prévoir le remplacement de l'encadrement qui bouscule le rythme de la résidence : hors-structure, il faut une personne pour deux résidents.
Si l'organisation demande un gros travail, le jeu en vaut la chandelle. En amont, on l'a vu, la préparation des vacances motive les résidents. Sur place, le groupe se soude, la complicité naît, les relations entre les résidents, entre les soignants et les résidents, sont autres de ce qu'elles sont en établissement. Il y a aussi tous ces moments de plaisir, qui s'expriment par un sourire ou un regard quand les mots ne sont plus là. L'équipe est gagnante elle aussi. Pour cette aide-soignante qui n'était jamais partie en vacances avec des résidents, c'est l'occasion de porter un nouveau regard sur la personne âgée... Tout n'est pourtant pas gagné d'avance et le cru 2011 aura posé quelques difficultés. " D'année en année, le profil des résidents change et les pathologies de type maladie d'Alzheimer s'aggravent, confie l'animatrice. Cette année, les deux premiers jours ont été délicats : une des résidentes refusait systématiquement de sortir du bus, du petit train... Cela a créé des tensions, j'ai cru que nous allions rentrer !" Heureusement les choses se sont arrangées. Les familles sont en confiance. Si l'animatrice donne son numéro de portable, rares sont les familles qui l'utilisent. Les bénéfices des vacances perdurent après le séjour. Les photos sont affichées, et le récit du séjour est publié dans Le petit Monthéard, le journal trimestriel de la résidence. Sans compter la minute de gloire, quand, c'est arrivé, les équipes de télévision viennent filmer les résidents pendant leur séjour. Plus sérieusement, les vacances débouchent parfois sur des changements radicaux de comportement. " Cette année, raconte Annie Perez, nous avons emmené une résidente qui jusqu'alors ne sortait de sa chambre que pour les repas. La résidente ne voulait pas venir en vacances, de peur de réveiller trop de souvenirs. Sa belle-fille nous a aidés à la convaincre. Nous avons bien fait : depuis son retour, cette dame participe à toutes les activités ! " Les vacances des résidents ? A essayer absolument.
Marie-Suzel Inzé
* la résidence disposera de son propre minibus en septembre