L'effort, 47 euros de leur poche, est supportable pour les 779 000 bénéficiaires de l'APA à domicile. En revanche, en Ehpad, le reste à charge de 1 957 euros dépasse la retraite de quatre résidents sur cinq.
Reste à charge : 47 euros à domicile et 1 957 euros en Ehpad
Développé par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) depuis plus de dix ans (à l'occasion du débat national sur la dépendance de 2011...), le modèle de microsimulation Autonomix permet d'estimer la participation des personnes âgées aux dépenses liées à la perte d'autonomie. Une étude publiée le 20 juillet, portant sur l'année 2019, simule ainsi leur reste à charge et leur taux d'effort par rapport à leurs ressources. Elle concerne 779 000 bénéficiaires de l'APA à domicile et 611 000 de l'APA en établissement (Ehpa, Ehpad et USLD).
Les deux autrices, Stéphanie Boneschi et Albane Miron de l'Espinay, utilisent le conditionnel parce qu'il s'agit de simulation, mais c'est de l'ordre de la précaution oratoire, tant l'outil produit des indicateurs statistiques fins et fiables...
Domicile : 47 euros mensuels
En 2019, la dépense d'aide et accompagnement à domicile est, en moyenne, de 483 euros mensuels, dont 389 euros pris en charge par le conseil départemental au titre de l'APA. Le reste à charge est donc de 94 euros, mais l'emploi d'une aide à domicile donnant lieu à 50 % de crédit d'impôt, il faut le ramener à 47 euros de leur poche - il est à noter que depuis cette année, le crédit d'impôt est versé en temps réel[1]. Ajoutons que toutes les personnes éligibles ne demandent pas ce crédit d'impôt. Faute d'information ?
Ces 47 euros sont une moyenne car selon le niveau de dépendance, la participation mensuelle moyenne après APA et crédit d'impôt varie de 33 euros (GIR 4) à 89 euros par mois (GIR 1). Par ailleurs, la participation financière demandée augmente en même temps que le revenu dans les barèmes, et les taux d'effort des bénéficiaires de l'APA domicile varient de 0 % pour les moins aisés à 7 % pour ceux qui disposent des ressources les plus élevées - si le crédit d'impôt n'existait pas, ce dernier taux serait de 14 %.
Les taux d'effort augmentent également avec le niveau de dépendance, mais les écarts se sont resserrés grâce à la réforme de l'APA à domicile portée par la loi d'adaptation de la société au vieillissement du 28 décembre 2015. Ainsi, les personnes en GIR 1, bien qu'ayant des participations plus élevées, ont une participation rapportée au plan consommé plus faible que celles des autres GIR : elle est de 8 % pour le GIR 1 et de 10 % pour le GIR 4.
Établissements : un taux d'effort moyen de 147 %
Les frais de séjour s'élèvent en moyenne à 2 385 euros par mois en 2019 : 1 875 euros pour l'hébergement et 510 euros pour la dépendance. Toutes aides confondues, mais avant prise en compte de l'aide sociale à l'hébergement (ASH), les personnes âgées touchent en moyenne 428 euros par mois : 338 euros d'APA, 44 euros d'aide au logement et 46 euros de réduction d'impôt pour leurs frais de séjour. Leur reste à charge moyen est donc de 1 957 euros par mois. Parmi l'ensemble des résidents, 183 000 bénéficient d'une aide au logement et 254 000 d'une réduction d'impôt.
Le montant moyen de l'ASH pour les bénéficiaires est de 895 euros, ce qui ramène leur reste à charge à 921 euros. Pour ceux qui ne bénéficient pas de l'ASH, le reste à charge s'élève à 1 988 euros.
Le taux d'effort (hors ASH) est de 147 % en moyenne ! Il cesse de dépasser les revenus seulement à partir de 2 000 euros environ... La barre est haute !
Avant prise en compte de l'ASH, quatre résidents sur cinq sont dans l'impossibilité de financer leurs frais de séjour à partir de leurs seules ressources « courantes ». Une partie de ces résidents bénéficient de l'ASH, mais ils sont relativement peu nombreux, 18 % seulement, alors que 79 % ont un reste à charge supérieur à leurs ressources mensuelles. On connaît le pourquoi de ce non recours : la sollicitation financière des obligés alimentaires et/ou la récupération sur succession parfois jusqu'aux petits-enfants... Une réforme est demandée par l'ensemble du secteur, a minima pour harmoniser les politiques départementales.
Le taux d'effort des bénéficiaires de l'ASH avoisine 90 %
Une fois décomptés les bénéficiaires de l'ASH, il reste six résidents sur dix (61 %) dont le reste à charge est supérieur à leurs ressources. Les principales options pour financer ce reste à charge deviennent alors la mobilisation de l'épargne ou du patrimoine ou le financement par la famille ou des proches.
Clignotants au rouge
Pensions de retraite décrochant de l'inflation, virage domiciliaire laissant inévitablement de côté les plus dépendants et démographie galopante, la question du reste à charge en Ehpad sera inévitablement reposée aux politiques. À l'initiative du député LR Jean-Pierre Vigier, l'article 32 de la loi du 16 août de finances rectificative pour 2022 prévoit que le gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 31 décembre 2022, un rapport « évaluant les possibilités d'évolution du financement des Ehpad, de sorte de réduire le coût de la prise en charge pour les résidents ».
Pour rappel, en 2019, le rapport Libault issu de la concertation Grand âge et autonomie a lancé la piste d'une nouvelle prestation de 300 euros par mois pour des ressources inférieures à 1 600 euros, dégressive jusqu'à 50 euros par mois au-delà de 3 200. Pour les personnes âgées résidant depuis plus de quatre ans en Ehpad - plus aucune économie et des familles essorées -, il a aussi proposé un « bouclier autonomie » permettant à 90 000 personnes de bénéficier en moyenne d'une aide financière de 740 euros par mois...
Le nouveau ministre Jean-Christophe Combe a reçu les fédérations du secteur en août. Elles le pressent de mettre en route cette loi devenue Arlésienne depuis plus de dix ans. Il a promis « des réponses structurelles pour le grand âge et l'autonomie ». Tant d'autres clignotants sont au rouge : le reste à charge en fera-t-il partie ?