En EHPAD, les troubles de la déglutition sont fréquents (30 à 60 % des résidents) et peuvent avoir des conséquences importantes : étouffement, pneumopathie d'inhalation, dénutrition, déshydratation (cf notre article n°76-Janvier 2017). Ils peuvent aussi impacter le plaisir de s'alimenter.
Résultat d'étude sur l'impact d'un plan de prévention pluridisciplinaire
Les personnes ayant des difficultés pour mâcher et/ou déglutir les aliments normaux ou les liquides se voient trop souvent proposer une alimentation mixée. Cette alimentation simplifiée induit une privation sensorielle qui peut mener à une perte d'autonomie à table et à une dénutrition, en raison d'un désintérêt croissant pour les repas.
Prévenir les troubles de la déglutition, c'est réunir dans un plan tous les facteurs qui préservent les personnes âgées fragiles des complications, ou en retardent au moins l'apparition, tout en favorisant le plaisir de manger. Ces facteurs sont articulés autour de 3 axes : l'autonomie pour s'alimenter et pour l'hygiène buccale ; l'hygiène buccale pour éviter les infections à l'origine d'encombrements pulmonaires et préserver les capacités de mastication ; la cuisine et la fabrication d'une alimentation stimulante, belle et appétissante, mais préservant la sécurité, selon les critères publiés par l'IDDSI*.
Cette démarche, visant à allier plaisir, santé et autonomie a fait l'objet d'une étude scientifique, promue par Sodexo et menée en collaboration avec l'APPD**.
Elle s'est organisée autour d':
une formation des équipes soignantes sur le dépistage des résidents à risque de basculer dans la pathologie et sur l'importance de l'hygiène buccale.
une formation des cuisiniers sur des nouvelles recettes bannissant hachoirs et mixeurs. Les aliments sont travaillés de façon à stimuler la déglutition sans déstructurer les produits, pour stimuler les capacités de mastication du résident et favoriser le maintien de son autonomie.
une formation du personnel de service sur une gestuelle adaptée permettant la préservation de l'autonomie et du plaisir à table.
Des sites pilotes1 ont été comparés, pendant 1 an, à deux établissements "témoins"2 dans lesquels aucune pratique n'a été modifiée. L'objectif étant de mesurer l'impact de ce plan sur la satisfaction des résidents, sur la satisfaction des soignants à servir ces nouvelles recettes et sur des indicateurs de santé, afin de s'assurer de l'innocuité de ces nouvelles pratiques.
Des résultats très encourageants
Dans les établissements pilotes, la satisfaction globale des résidents a augmenté de 12,05%, signe d'un plaisir accru à table. La satisfaction globale du personnel soignant a augmenté de 9,5%, ce qui témoigne d'une mobilisation de l'ensemble des équipes autour du projet.
Désormais, seuls 8,7% des résidents ont une alimentation mixée dans les pilotes, soit 76% de moins que dans les sites témoins. Un des établissements pilotes ne sert actuellement plus aucun repas mixé, contre plus de 30 avant le lancement du programme.
Dans ces conditions, 18,7% seulement de personnes sont dénutries, alors que le taux est de 46,4 % en l'absence de ce plan de prévention. L'utilisation de compléments nutritionnels est 2,5 fois moindre dans les établissements pilotes que dans les témoins, et la consommation alimentaire est plus importante dans les pilotes (92,2%) que dans les témoins (87,3%).
Cette cuisine repensée, accompagnée de pratiques soignantes adaptées, constitue une chance d'améliorer la déglutition des aînés et a un impact positif sur la qualité de vie de l'ensemble des acteurs en EHPAD, résidents comme soignants.
Yann Tannou, orthophoniste