Dans la lutte contre le changement climatique, les Ehpad innovent en repensant radicalement leurs pratiques alimentaires pour réduire significativement leur empreinte carbone.
Revoir la composition des assiettes
Avec 1,1 milliard de repas servis chaque année, occasionnant 2,3 millions de tonnes de CO2, des changements dans les menus commencent à s'opérer : les protéines animales cèdent du terrain au profit des alternatives végétales. Lentilles, pois chiches et autres légumineuses sont désormais à l'honneur, composant la moitié des apports protéiniques des repas servis. Cette transition, soutenue par des formations pour les cuisiniers et des campagnes de sensibilisation pour les résidents, vise à diminuer drastiquement les émissions de GES tout en préservant la qualité nutritive essentielle à la santé des personnes âgées. Promouvoir les circuits courts est aussi un levier pour réduire l'empreinte carbone, sachant que le secteur doit se mettre en conformité avec les dispositions de la Loi Egalim qui impose 50 % de produits durables et de qualité, dont au moins 20 % de produits bio. À Nancy, l'Ehpad Simon Benichou développe des partenariats avec des producteurs locaux pour bénéficier d'aliments issus de circuits courts et de saison. Tous les quinze jours, un petit marché prend place sur le parking de l'établissement. D'autres structures se mobilisent autour de la réduction et la valorisation des déchets alimentaires. Au Havre, l'Ehpad du Blois de Bléville a décidé de faire appel à BinHappy. Une fois par semaine, l'entreprise de collecte se charge de récupérer les biodéchets des cuisines qu'elle achemine vers son usine de méthanisation agricole pour les transformer en biogaz, électricité et fertilisants naturels. Avec en moyenne six mille repas servis annuellement, le volume des déchets a été divisé par trois, se réjouit la direction. Adapter les quantités servies aux besoins réels des résidents, travailler sur le goût et la présentation des repas, installer un composteur ou un poulailler, donner les restes à des associations, les bonnes pratiques sont légion pour lutter contre le gaspillage alimentaire. En 2019, la Fnaqpa (Fédération Nationale Avenir et Qualité de vie des Personnes Âgées) et Adef Résidences lançait la démarche « Maison gourmande et responsable ». À la suite de cette initiative, les cinq cents Ehpad accompagnés diminuaient de 10 % le gaspillage alimentaire, doublé d'une meilleure satisfaction des résidents au regard des quantités servies et de la présentation des assiettes.
Encourager la mobilité verte
Avec l'énergie et l'alimentation, les transports figurent parmi les autres leviers de décarbonation prioritaires. Diminuer les émissions liées aux déplacements domicile-travail des soignants (c'est-à-dire le nombre de kilomètres parcourus) implique d'encourager le covoiturage, les mobilités douces comme les transports en commun, le vélo ou la marche lorsque les distances le permettent. De même, l'interdiction à la vente de véhicules thermiques neufs dès 2035 et la généralisation des ZFE (Zones à Faible Émissions) doivent permettre la généralisation des véhicules électriques. C'est dans cette optique que les conseils départementaux de la Creuse et de la Gironde ont mis à disposition, à titre expérimental, une flotte mutualisée de véhicules hybrides pour près de cent cinquante salariés de services d'aide à domicile. Preuve de son succès, la démarche a été étendue à d'autres départements avec une flotte qui atteint actuellement les 850 véhicules. Optimiser les déplacements des auxiliaires de vie est un autre levier à actionner. Dans le Nord, la Fondation Partage et Vie expérimente une nouvelle organisation de ses équipes de soin à domicile sur la base du modèle Burtzorg né au Pays-Bas. Le principe de ces équipes locales et autonomes ? Les auxiliaires habitent à proximité les unes des autres et des personnes âgées dont elles s'occupent, ce qui réduit de moitié les distances parcourues relève la Fondation Partage et Vie.
Formation et financement : des freins à lever
Mises bout à bout, toutes ces actions de décarbonation ambitieuses seraient susceptibles de réduire de 25 % les émissions de GES d'ici 2030 et jusqu'à 70 % d'ici 2050, estime le rapport du Shift. Toutefois, elles seraient insuffisantes pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris, qui vise une réduction de 34 % des émissions annuelles en 2030 et de 80 % d'ici 2050. Le premier obstacle à la transition écologique du secteur est la question du financement. Pour répondre aux interrogations des professionnels de santé, l'Anap organise le 11 octobre une journée entièrement dédiée aux solutions de financement. Former l'ensemble des acteurs est un autre défi à relever, ajoute Jérémy Guihennec, chercheur à l'université de Poitiers sur cette thématique du changement climatique dans la santé : « Pharmaciens, hygiénistes, médecins, aides-soignants, infirmiers, administratifs, logisticiens, patients... Tous sont concernés par le sujet. C'est dans cette optique que nous avons développé Plan Health Faire, un atelier collaboratif proposant des outils pédagogiques pour comprendre l'essentiel des enjeux du développement appliqués à la santé, et agir collectivement. » Face au dérèglement climatique, il y a urgence vitale !