Évaluer régulièrement le profil de risque de chute de chaque résident d'Ehpad est indispensable pour adapter la prise en charge et réduire les complications potentiellement graves. Des recommandations et des formations à destination des professionnels soignants encouragent ce dépistage.
Risque de chute : évaluer les profils des résidents pour adapter la prise en charge
Des recommandations mondiales publiées fin 2022 définissent les critères à prendre en compte pour évaluer le risque de chute des personnes âgées et la stratégie à adopter en fonction de chaque situation.
Trois types de profils sont ainsi identifiés
Tout d'abord, le profil à haut risque de chute. Il concerne une personne âgée ayant déjà chuté dans l'année, et dont au moins l'une des chutes s'est révélée grave (chute avec blessure, avec incapacité de se relever seule du sol, dans un contexte de fragilité, chute sans raison particulière ou sans souvenir précis).
Les personnes à risque modéré de chute sont celles ayant fait une chute non grave dans la dernière année, exprimant une crainte de tomber ou une sensation d'instabilité en marchant/en se levant et chez lesquelles les tests confirment une faible vitesse de marche ou un trouble de l'équilibre authentifié.
Les autres personnes sont, enfin, considérées comme à faible risque de chute.
« De nombreux résidents d'Ehpad sont à haut risque de chute, alerte le Pr Hubert Blain, chef du Pôle Gérontologie au CHU de Montpellier. Ce risque est accru à l'arrivée en institution, en raison d'un changement d'environnement. » À chaque nouvelle admission, il est nécessaire pour les équipes de prendre le temps de faire visiter l'Ehpad au résident et d'identifier les dangers relatifs à son profil. Elles doivent également mettre en place des mesures personnalisées pour réduire le risque et le réévaluer régulièrement.
La prise en charge
En fonction des profils identifiés, un accompagnement spécifique doit être mis en place.
Pour les personnes avec un faible risque de chute, une activité de marche régulière est recommandée ainsi que des mesures d'éducation adaptée au niveau de compréhension des personnes. « Un suivi régulier par l'ophtalmologue pour vérifier sa vue, et par le pédicure-podologue pour éviter tout problème plantaire, est essentiel », indique le Pr Blain. Il est également nécessaire de veiller aux prescriptions médicamenteuses afin de s'assurer que le résident ne prenne pas de traitements à l'origine de chute.
En cas de risque intermédiaire, outre le suivi mentionné précédemment, l'objectif est d'intégrer le résident dans un programme d'Activité physique adaptée (APA) pour améliorer son équilibre et sa capacité à se relever du sol. « Un bilan clinique réalisé en parallèle par le médecin traitant permet d'éliminer des pathologies à risque de chute », précise le gériatre.
En cas de haut risque ou lorsque les premières mesures ne permettent pas d'améliorer la marche et l'équilibre, une évaluation approfondie permet de corriger l'ensemble des facteurs de risque. « Cette évaluation gériatrique globale commence par une analyse des traitements pris par le résident, les médicaments restant la première cause de chute chez les personnes âgées, surtout en Ehpad », rapporte le Pr Blain. L'objectif est de réduire au maximum les psychotropes, les anticholinergiques et les inducteurs d'hypotension orthostatique. La deuxième étape consiste à s'assurer que le patient n'est pas porteur d'une pathologie induisant un trouble de l'équilibre ou de la marche. À ce titre, l'examen des pieds, de la vision, du vestibule et l'examen neurologique (maladie de Parkinson) sont nécessaires, tout comme la recherche de causes de malaises et d'hypotension orthostatique. « Le troisième axe de l'évaluation s'attache à l'analyse de l'environnement du résident, souligne le Pr Blain. Des ergothérapeutes peuvent être sollicités notamment pour conseiller sur la bonne qualité de l'éclairage, l'organisation des espaces et des lieux de vie de la personne. » Enfin, la dernière étape repose sur la promotion de l'APA et de la kinésithérapie, pour travailler l'équilibre statique et dynamique, les réactions parachutes et effectuer du renforcement musculaire. « Impliquer les professionnels de l'APA et les kinésithérapeutes permet de proposer des exercices adaptés aux résidents pour éviter les chutes », insiste le Pr Blain. Les professionnels de la rééducation et les ergothérapeutes jouent également un rôle crucial dans l'adaptation des aides techniques (canne, déambulateur, fauteuil roulant), et participent à l'apprentissage de leur usage pour éviter les chutes.
L'objectif est aussi d'organiser l'espace de vie pour faciliter la déambulation (couloirs désencombrés et, présence de rampes, arêtes des murs protégées).
La mobilisation du personnel
« L'implication de tous les soignants par la mobilisation régulière des personnes âgées dans la journée, en particulier en les accompagnant aux toilettes, et l'utilisation de lits abaissés pour éviter les chutes la nuit, visent à limiter l'usage de contentions, explique le Pr Blain. En raison des problèmes éthiques qu'elles posent, leur recours doit être anticipé le plus possible, et ce d'autant qu'elles induisent inconfort, agitation et chutes. »
Pour les cas plus difficiles, les professionnels de l'Ehpad peuvent solliciter l'avis d'une équipe spécialisée gériatrique (équipes mobiles externes, consultations, hôpital de jour) dédiée aux patients à risque élevé de chute. « La chute est psychologiquement impactante, rappelle le Pr Blain. Aussi, il faut tout mettre en oeuvre pour l'éviter et y apporter une réponse globale à savoir médicale, psychologique, environnementale et sociale. »