Grande cause nationale 2025, la santé mentale présente des spécificités chez les personnes âgées principalement concernées par des troubles anxieux et dépressifs.
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Santé mentale des personnes âgées : attention aux atypicités
La psychiatrie de la personne âgée est une surspécialité récente dans le secteur médical puisqu'elle date de 2017. « Depuis sa reconnaissance, la structuration des soins est meilleure car elle tient compte des particularités des patients âgés », explique le Dr Alexis Lepetit, psychiatre, gériatre et médecin coordonnateur en Ehpad au sein du groupe ACPPA.
Les différents types de troubles chez les personnes âgées
« Les troubles anxieux et les troubles dépressifs sont les plus courants observés chez les personnes âgées notamment lors de leur entrée en institution », indique le Dr Alexis Lepetit.
L'anxiété
L'anxiété représente un symptôme particulièrement présent dans de nombreuses pathologies psychiatriques, notamment dans la famille des troubles anxieux. Parmi ces troubles :
- Le trouble anxieux généralisé est l'un des plus fréquents. « Il consiste en un souci excessif et constant, des pensées qui tournent en permanence dans la tête avec un retentissement socio-affectif », souligne le Dr Lepetit. L'état d'inquiétude, difficilement contrôlable, est durable (plus de six mois) et concerne au moins deux thèmes différents (travail, argent, santé, avenir, etc.). Il est généralement disproportionné par rapport à la réalité des risques. La personne âgée se trouve alors dans un état de vigilance extrême vis-à-vis de son entourage et de son environnement. Elle peut aussi avoir différents symptômes physiques type maux de tête, douleurs musculaires, fatigue, insomnies ;
- Le trouble panique concerne les personnes souffrant d'épisodes de crises d'angoisse aiguë (ou attaques de panique), qui se réitèrent pendant un mois ou plus, avec la crainte perpétuelle d'en vivre un nouveau. Ces crises surviennent spontanément ou sont déclenchées par divers facteurs (stress, dépression).
Les épisodes dépressifs caractérisés
La dépression chez la personne âgée ne se manifeste pas toujours, au premier abord, par les symptômes cardinaux de la dépression à savoir la tristesse de l'humeur, l'aboulie (perte ou diminution de la volonté), l'anhédonie (perte de capacité à ressentir le plaisir) et le ralentissement psychomoteur. « Même si ces symptômes sont bien présents, ils sont parfois voire souvent occultés par d'autres symptômes regroupés sous le concept de masques dépressifs », fait savoir le Dr Lepetit. Parmi eux :
- Le masque hostile dont l'irritabilité est le maître symptôme. Il se caractérise par une rupture complète avec l'état antérieur du patient, qui devient irritable donc hostile voire agressif ;
- Le masque somatique : les symptômes prédominants sont des plaintes physiques (gastro-intestinales ou cardiothoraciques) ;
- Le masque délirant : le patient peut présenter des symptômes délirants en adéquation avec son humeur dépressive. « Ce sont généralement des délires de thématiques négatives, telles que la culpabilité, la persécution, la jalousie », précise le Dr Lepetit ;
- Le masque anxieux : la dépression se manifeste par de l'angoisse au premier plan ;
- Le masque hypocondriaque : il s'agit d'une crainte excessive et disproportionnée d'être atteint d'une maladie ou du dysfonctionnement d'un organe alors que les examens ne révèlent rien.
L'ensemble de ces masques entraîne généralement un retard de diagnostic, donc de prise en soin.
Les facteurs favorisants
L'anxiété et les épisodes dépressifs caractérisés sont liés à des éléments à la fois endogènes et exogènes. « Notre patrimoine génétique nous attribue des prédispositions et certaines maladies mentales présentent des hauts niveaux de transmission tels que les troubles du spectre autistique, le TDAH ou encore la schizophrénie », indique le Dr Lepetit.
Il existe également des éléments exogènes, des stresseurs, notamment des éléments d'adversité, survenus dans l'enfance, qui augmentent la survenue de troubles mentaux chez la personne âgée. Par exemple, des violences sexuelles. « Il n'y a jamais un seul stresseur responsable », ajoute-t-il.
Parmi ceux pouvant déclencher des troubles anxieux et dépressifs chez la personne âgée :
- L'isolement socio-affectif dans le cadre d'un deuil, d'un éloignement géographique, d'une distanciation des liens familiaux, d'une entrée en institution ;
- L'exposition à certains médicaments ;
Le handicap avec les limitations physiques.
Le repérage des troubles
Pour optimiser le repérage de l'anxiété ou d'une éventuelle dépression, il est important que les équipes aient connaissance de leurs caractéristiques « car les atypicités sont fréquentes chez les personnes âgées », insiste le Dr Lepetit.
Certaines échelles d'évaluation peuvent également être utilisées, notamment l'Echelle de dépression gériatrique (GDS). « Deux limites sont cependant à souligner, pointe le Dr Lepetit. Cette échelle a tout d'abord été conçue comme un auto-questionnaire. Le fait de poser les questions à la personne âgée peut donc modifier sa validité. Par ailleurs, cette échelle ne questionne pas les idées suicidaires pourtant fréquentes chez le sujet âgé. » Pour les troubles anxieux, une seule échelle validée existe en langue française : Geriatric Anxiety Inventory (GAI).
Les actions préventives et curatives
« Il n'existe pas de fatalité aux troubles anxieux et dépressifs, assure le Dr Lepetit. Certes, une surprévalence est notable chez les personnes âgées, mais ces troubles ne sont pas systématiques. » A titre d'exemple, la dépression touche 7,2 %1 de personnes parmi les plus de 75 ans. En Ehpad, les chiffres montent à 27 %2 selon une étude récente.
Pour agir en prévention, le gériatre invite à réaliser systématiquement une évaluation lors de l'entrée en institution ou après quelques mois de séjour. Il faut ensuite lutter contre les facteurs de risques évitables à commencer par l'isolement « en favorisant les contacts sociaux », conseille-t-il. L'activité physique adaptée peut également être prescrite afin d'améliorer l'état neuropsychiatrique. Enfin, il est nécessaire de respecter le rythme physiologique des personnes, une démarche parfois plus difficile en structure.
Face à un diagnostic de trouble dépressif, l'équipe peut agir. Le médecin généraliste, s'il se pense compétent, peut installer un traitement antidépresseur, « auquel il faut adjoindre d'autres prises en charge, comme la psychothérapie et encore une fois l'activité physique adaptée », indique le Dr Lepetit. Un point d'attention toutefois concernant les psychothérapies : elles sont plus difficiles à mettre en place chez les personnes âgées faute de professionnels formés accessibles et des préjugés négatifs des patients âgés face à ce type de prise en soin.