
Santé orale : l'importance d'une dynamique collective
La 24e Journée de santé publique dentaire, organisée par la Société française des Acteurs de la santé publique bucco-dentaire (ASPBD) s'est déroulée le 10 janvier sur le thème « Au-devant de la vulnérabilité, vers une approche sociale de la prévention orale et des soins primaires ». Marion Ribeyre, orthophoniste et Nicolas Dritsch, chirurgien-dentiste, y ont présenté une réflexion autour de l'intégration des enjeux de santé orale dans les Ehpad à partir d'une intervention conduite au sein d'un établissement ardéchois. Un territoire marqué par une offre de soins limitée et une population vieillissante. L'étude s'est déroulée de 2020 à 2023 (avec un rythme perturbé par la pandémie de Covid-19). L'équipe a adopté une méthode de recherche-action-formation.
Contexte et méthodologie
Marion Ribeyre a décrit l'approche systémique adoptée pour répondre à des constats partagés : un soin trop cloisonné et des entraves organisationnelles. La méthodologie a commencé par des dépistages de troubles de déglutition et bucco-dentaires, des évaluations nutritionnelles et des audits des pratiques professionnelles. Les formations, conçues en concertation transdisciplinaire, ont combiné des aspects théoriques et pratiques. Elles ont été animées par une équipe regroupant des dentistes, orthophonistes et diététiciens. Les groupes hétérogènes de participants, issus de métiers variés (médecins, soignants, cuisiniers), ont permis d'encourager le dialogue entre disciplines.
Résultats et freins identifiés
L'étude a mis en évidence une population avec des niveaux de santé bucco-dentaire variés, et a révélé plusieurs obstacles majeurs :
- Un décalage entre les demandes des résidents, souvent centrées sur des enjeux alimentaires, et les besoins de soins bucco-dentaires identifiés par les soignants ;
- Une conscience des enjeux de santé orale parmi le personnel, limitée par des contraintes de temps, des lacunes dans la formation et des problèmes de communication internes ;
- Des liens insuffisants entre l'Ehpad et les autres acteurs du système de santé, notamment en cas d'hospitalisation ou d'absence de médecin traitant.
Leviers d'action et enseignements
L'équipe a souligné que la dynamique collective, tant au niveau des résidents que des professionnels, joue un rôle clé pour surmonter ces obstacles. Les résidents sont plus enclins à prendre soin de leur santé orale lorsqu'ils se sentent impliqués dans une démarche globale, et les soignants trouvent davantage de motivation dans un cadre collaboratif. Un autre levier important est l'acceptation des contradictions et des contraintes comme inhérentes à la complexité des soins en Ehpad. Plutôt que de chercher des solutions standardisées, les formations ont permis de valoriser une culture du travail en réseau et des approches flexibles. Nicolas Dritsch a conclu en insistant sur la nécessité de réduire les asymétries systémiques et de reconnaître la responsabilité partagée des institutions, des soignants et des décideurs politiques. Il a appelé à une réflexion éthique sur les déterminants structurels qui influencent la santé des résidents, afin d'éviter que les Ehpad ne deviennent des lieux d'oubli.