Pour plus d'un tiers des Ehpad, la sécurisation du circuit du médicament passe par la préparation des doses à administrer effectuée par leur pharmacie de proximité.
Sécurité du circuit du médicament : l'objectif des 5 B
La iatrogénie médicamenteuse représente près de 20 % des hospitalisations chez les octogénaires. La sécurisation et la traçabilité du circuit du médicament en Ehpad sont donc des enjeux majeurs de santé publique.
Polypathologie, polymédication, polymodes d'administration... Le Guide pour la préparation des doses à administrer (PDA) en Ehpad de l'agence régionale de santé (ARS) PACA souligne la complexité du processus à mettre en oeuvre pour satisfaire à la règle d'or dite des 5 B : le Bon patient, le Bon médicament, à la Bonne dose, sur la Bonne voie, au Bon moment.
Les personnes âgées en Ehpad prennent en moyenne quotidiennement 10 unités médicamenteuses, la Bonne PDA est donc une étape-clé.
En dehors des établissements disposant de pharmacie à usage intérieur ou des membres d'un groupement de coopération sanitaire ou médico-sociale, on estime à 5 100 le nombre d'Ehpad approvisionnés en médicaments par 3 500 pharmacies d'officine dont 2 500 pratiqueraient la PDA pour eux - il resterait donc 1 000 Ehpad effectuant la PDA manuellement par le personnel infirmier.
La tendance à la sous-traitance s'accentue pour libérer du temps infirmier devenu précieux auprès des résidents... et surtout pour diminuer les risques d'erreur humaine souvent pour cause d'interruption de tâches. « La PDA améliorerait l'observance en Ehpad, car les comprimés sont présentés en sachets multidoses par patient, par moments de prise », note l'Académie nationale de Pharmacie dans un rapport d'avril 2021. Avec un maillon faible : seules les formes solides (comprimés et gélules) sont concernées, les autres formes étant distribuées séparément.
Mais le Guide de mise en place du partenariat Ehpad-pharmacien(s) d'officine de l'ARS Pays de la Loire souligne : « la PDA ne peut constituer la seule garantie de qualité et de sécurité de la prise en charge médicamenteuse des résidents qui reste de la responsabilité de l'Ehpad ». En clair, elle n'est pas l'alpha et l'oméga du processus.
Des conventions à géométrie variable
Bruno Maleine, président de la section A de l'Ordre national des pharmaciens (officines) l'explique : « Les Ehpad et les pharmacies signent des conventions à géométrie variable qui portent sur l'étape d'avant la remise en mains propres des médicaments à un personnel désigné, mais il n'existe toujours pas de convention-type opposable telle que pourtant prévue par l'article L.5126-10 du CSP (Code de la Santé publique). » Les Ehpad doivent la transmettre à l'ARS, et le pharmacien, à son conseil régional de l'Ordre.
Il souligne également l'importance des missions du pharmacien référent, évoquées dans l'article L.5126-6-1, mais « qui restent à préciser » : selon le CSP, il « concourt à la bonne gestion et au bon usage des médicaments destinés aux résidents. Il collabore également, avec les médecins traitants, à l'élaboration, par le médecin coordonnateur de la liste des médicaments à utiliser préférentiellement dans chaque classe pharmaco-thérapeutique ».
Enfin, le responsable ordinal tient à souligner aussi « au nom de l'éthique et de la déontologie » que les résidents conservent la liberté de choix de leur pharmacien, ce que doivent leur signifier les Ehpad à leur entrée, « même si c'est rare dans les faits ».
La pharmacie robotisée au service des Ehpad
Parmi les premières professions de santé à s'être efficacement informatisées, les pharmaciens pratiquent depuis des années une PDA 2.0. Environ 500 officines se seraient même aujourd'hui équipées de robots PDA, dans le cadre de partenariats avec des Ehpad situés à proximité. Les robots actuels sont approvisionnés à partir de conditionnements commercialisés en France (10, 28, 30 unités) ou de boîtes et/ou flacons renfermant en vrac le même nombre d'unités et proposés par des laboratoires génériqueurs. En outre, la PDA automatisée dite PDA-A peut être proposée à quelques patients ambulatoires, à titre exceptionnel, à la demande du prescripteur ou le plus souvent pour rendre service aux patients. Pour le pionnier Robotik Technology, éditeur de logiciels et concepteur de robots (y compris « mini »), « la PDA-A est un vrai gage de sécurité : pour chaque sachet-dose préparé, toutes les informations nécessaires à la traçabilité sont imprimées dessus : nom du patient, service, posologie, date et heure d'administration ».
La compatibilité des automates du marché avec la plupart des logiciels officinaux ou d'Ehpad permet à tout moment de réaliser le suivi et le contrôle.
Mais, même dans le cas d'une sous-traitance contractualisée avec un prestataire automatisé, les Ehpad ne doivent pas moins être préparés, en sécurisant les systèmes d'information gérant la prescription, en prévoyant un circuit de signalement des erreurs, et surtout en formant leurs équipes.
Attendue depuis plusieurs années par les pharmaciens - avec rémunération à la clef autre que celle classique sur la vente de médicaments -, la réglementation de la PDA aura aussi à tenir dompte de cette nouvelle donne technologique.