La Fehap et La Mutualité française soutiennent la réforme mais face aux grandes difficultés rencontrées sur le terrain par les services de soins infirmiers à domicile en proposent des correctifs réglementaires.
Service autonomie à domicile : une réforme dans l'impasse ?
Une réforme mal ficelée ? La marche vers les guichets uniques services/soins des services autonomie à domicile (SAD) prévue par l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 rencontre des difficultés du côté des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) qui agitent le secteur.
C'est d'abord un amendement de la sénatrice Corinne Imbert à la proposition de loi (PPL) Bien Vieillir qui, adopté en séance plénière (art. 8 ter), a créé la surprise : il laisse la possibilité aux services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) et aux Ssiad de fusionner en une unique entité, mais « sans pour autant rendre la fusion de leur activité obligatoire ». La raison ? Un rapprochement aujourd'hui « très difficile à mettre en oeuvre ».
Huit importantes fédérations du domicile se sont insurgées contre cet amendement qui « remet en cause la réforme des SAD », dont la Fehap et la Mutualité française... La première, pas forcément suivie par ses troupes, un courrier des lecteurs de Géroscopie en atteste.
La commission mixte paritaire est appelée à trancher le 12 mars sur cet article 8 ter de la PPL Bien vieillir et de nombreux autres articles, avec, reconnaissons-le, peu de chance d'aboutir à un texte consensuel entre députés et sénateurs... Le (proche) avenir le dira.
Asymétrie d'obligations
La Fehap et la Mutualité française qui, à elles deux, regroupent près de 500 Ssiad, plus d'une trentaine de Spasad et 55 Saad, ont alerté, par courrier, la ministre déléguée chargée des Personnes handicapées et des Personnes âgées, Fadila Khattabi, sur les difficultés rencontrées par les Ssiad sur le terrain, d'ordre statutaire, financier et opérationnel « mettant en risque à la fois l'atteinte des objectifs de cette réforme mais surtout le maintien d'une offre d'accompagnement solide sur les territoires ».
Pour les signataires, « cela vient en grande partie du fait qu'il existe une asymétrie d'obligations entre les Saad et les Ssiad ». Pour les SAD mixtes, la réforme prévoit que les activités d'aide et d'accompagnement et les activités de soins soient réalisées obligatoirement par une entité juridique unique. Ce qui implique, pour un certain nombre de gestionnaires, de transférer ou regrouper leurs autorisations au sein d'un service unique. Seules les autorisations de Ssiad sont menacées à court terme s'ils ne trouvent pas de solution pour s'adjoindre une activité d'aide et d'accompagnement. Dès lors, des gestionnaires uniques de Ssiad seront contraints de « perdre » leur autorisation dans le cadre d'un groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) ou bien de fusionner avec des structures qui sont aujourd'hui en grande difficulté économique. C'est pourquoi les gestionnaires de Ssiad, sollicitent la possibilité de créer une « activité aide » leur permettant ainsi de proposer une offre intégrée et maitrisée. Or, cette possibilité se heurte, aujourd'hui, à des refus de principe d'un grand nombre de conseils départementaux, « sans même qu'un dialogue puisse se mettre en place ».
Des leviers
Dans ce contexte, les deux Fédérations proposent des leviers « à mettre en oeuvre rapidement sur les territoires » :
- Faciliter la création « ex nihilo » d'activité d'aide pour les Ssiad « secs » (non gestionnaires de Saad) via une mobilisation des autorités de tarification et une analyse territoire par territoire des situations ;
- Faciliter le déploiement des SAD par GCSMS en supprimant l'obligation que ce dernier soit uniquement détenteur de l'autorisation via une modification du décret et du cahier des charges autorisant explicitement la gestion d'un SAD par un GCSMS exploitant ;
- Autoriser des mesures pérennes et non transitoires contribuant à élargir les modalités de coopération, permettant d'aller vers un guichet unique sans toutefois obligation de créer une entité juridique unique, telle que les GCSMS de moyens, les conventionnements, les groupements d'associations.
« Nous considérons qu'il en va de l'avenir de nos Ssiad mais aussi du succès de cette réforme de trouver des solutions concrètes aux freins opérationnels et financiers que les gestionnaires rencontrent aujourd'hui », concluent la Fehap et la Mutualité française.
Dans un contexte d'activité réglementaire quasi au point mort depuis deux mois, il faudrait donc que les tutelles remettent le dossier sur le haut de la pile et apportent des correctifs au décret du 13 juillet 2023 relatif aux services autonomie à domicile...