Réunis devant Élysée, l'intersyndicale 1 et l'association AD-PA demandaient à être reçues par Emmanuel Macron ce jeudi 21 février 2019. Les portes sont restées closes. Le point avec Pascal Champvert sur l'état du secteur.
Si le président de la République ne veut pas parler avec nous, c'est extrêmement dommage. Mais nous, nous voulons parler avec lui.
Que s'est-il passé en ce jeudi matin ? Il semble que vous n'ayez pas été reçus par le président de la République ?
P. Champvert : Une fois de plus, les portes ne se sont pas ouvertes. Non seulement nous n'avons pas été reçus par le président ou un de ses conseillers, mais nous n'avons même pas été autorisés à venir déposer les cartes pétitions et les motions adoptées dans les établissements et les services à domicile. Nous sommes dans une situation ubuesque où le président dit vouloir dialoguer avec les français mais ne nous reçoit pas. Nous réitérons donc notre demande de rendez-vous auprès du Président et nous espérons être entendus dans les semaines qui viennent.
Quelles échéances vous donnez-vous ?
P. Champvert : Nous allons reprendre contact avec le cabinet du président de la République. Si le président ne veut pas parler avec nous, c'est extrêmement dommage, mais nous, nous voulons parler avec lui. Nous pensons que dans une société démocratique, seul le dialogue permet de sortir d'une crise comme celle que nous vivons dans le secteur de l'aide aux personnes âgées. Le président, avec la crise des gilets jaunes, a manifesté son souhait de renouer le contact avec les Français et les corps intermédiaires. Il s'agit ici des syndicats et des associations. Nous attendons donc un signe fort.
Le grand public et les associations ont d'ailleurs largement participé à la consultation « Comment prendre soin de nos aînés » ?
P. Champvert : Oui. Cette consultation a bien fonctionné. Le nombre de personnes ayant participé est très important. Agnès Buzyn a engagé cette concertation, suite aux mouvements de l'an dernier et nous avons toujours dit que c'était un élément positif. D'ailleurs la consultation fait ressortir les points que nous portions l'an dernier : le manque de temps des professionnels pour s'occuper des personnes âgées à domicile ou en établissement, et l'absence de valorisation des métiers. Les salaires étant scandaleusement bas, ces métiers sont de moins en moins attractifs. Il faut bien répondre à ces questions.
Nous n'avons pas encore le résultat officiel de ces ateliers...
P. Champvert : Non. Les conclusions devraient être rendues mi-mars... Nous sommes engagés dans un processus de discussion. C'est quand même très étonnant, dans cette période d'échange et de dialogue, que l'Élysée ne nous reçoive pas. Avec l'intersyndicale, nous voulons faire remonter les pétitions, les motions débattues dans les services à domicile et les établissements, et on nous dit « On ne veut pas vous voir ».
Quant aux débats, la consultation grand public s'est déroulée de manière correcte. On voit bien, compte tenu de notre connaissance du terrain, que ce qui remonte est conforme à ce qu'expriment les personnes âgées, les familles, les professionnels. Il n'y a pas de volonté de travestir la réalité. C'est un élément très positif.
Concernant les groupes de travail, Dominique Libault est un homme de dialogue, ouvert. Notre interrogation concerne davantage les conclusions. Les propositions consisteront-elles à dire « On fera une loi l'an prochain, puis vous attendrez encore un an ou deux, et vous verrez la suite avec nos successeurs... Ou des propositions concrètes et immédiates seront-elles émises ? Dans les groupes de travail, nous avons quand même entendu des responsables s'exprimer sur le fait que tout cela était très bien, mais que les financements seraient trouvés en 2023, 2024, 2025... En attendant, il faudrait être un peu responsable et patienter. Nous, ce que nous disons, c'est que la responsabilité, est de rappeler aux pouvoirs publics que la Caisse Nationale d'Assurance Maladie est particulièrement inquiète car les accidents du travail et les maladies professionnelles ne cessent d'augmenter dans notre secteur. C'est ça la responsabilité ! Voir la réalité telle qu'elle est et ne pas essayer de la travestir.
Surtout que les accidents du travail baissent partout ailleurs...
P. Champvert : Absolument. Partout dans l'économie française, les accidents du travail et les maladies professionnelles diminuent. Dans notre secteur, ils ne cessent d'augmenter. On est aujourd'hui au double du BTP. Ce n'est pas acceptable. Nous sommes tous d'accord pour dire que ni Emmanuel Macron ni Agnès Buzyn ni Edouard Philippe n'est responsable de cette situation. Le président et son équipe doivent répondre à cette situation. S'ils ne sont pas responsables du problème, ils le sont des réponses. Mais nous avons accumulé du retard depuis 30 ans par rapport à nos voisins européens.
Dans un des ateliers, une association a émis l'hypothèse d'un service civique obligatoire pour les retraités, une manière peut-être de recruter des bénévoles...
P. Champvert : Favoriser le bénévolat est utile à domicile comme en établissement mais il ne saurait être question que les bénévoles soient la réponse au financement insuffisant de l'aide aux personnes âgées. Il faut surtout revaloriser les métiers du grand âge. Pendant longtemps l'Etat a voulu cacher la réalité. Aujourd'hui ce secteur fonctionne mal. Pour que les jeunes aient envie de venir y travailler, il faut arrêter de proposer des salaires pour les aides à domicile inférieurs au SMIC, parce qu'on les contraint à du temps partiel dont elles ne veulent pas. A la fin du mois, elles ne touchent pas le SMIC. C'est insupportable. Or tout le système de l'aide aux personnes âgées fonctionne là-dessus.
Par ailleurs, on ne donne pas suffisamment de moyens aux établissements et globalement aux services à domicile, ce qui engendre des conditions de travail pénibles. Après cela, il ne faut pas s'étonner que les jeunes aient des réticences à s'engager dans ce secteur, alors que c'est un secteur porteur d'avenir, de sens et qui va créer des centaines de milliers d'emplois. Mais nous sommes en France dans une situation intenable. Le président doit s'engager dans un plan pluriannuel et dès à présent donner des signes forts.
Dominique de Villepin, lorsqu'il était 1er ministre, avait indiqué qu'il devrait y avoir en 2012 dans les établissements 8 professionnels pour 10 résidents. En 2019, on est à moins de 6 pour 10. L'État n'a pas respecté ses engagements, dans un secteur en développement, porteur et créateur d'emplois. Nous demandons au président Macron de respecter les engagements de ses prédécesseurs.