Dans la chronique précédente, nous montrions combien il y a 1 000 façons de vivre son avancée en âge. Notre hypothèse, c'est qu'après l'émergence d'une culture spécifique des jeunes, qui a influencé le pays à partir du milieu des années 1960, le phénomène se reproduit depuis les années 2015 avec les seniors... Une des raisons de cette inversion tient dans le fait que l'âge a rajeuni.
Société de la longévité : démographie et sociologie sont dans le même bateau
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la rue, les écrans, les quais de gare... Avoir 65 ans aujourd'hui, c'est comme en avoir 45, il y a 50 ans. Le senior a l'expérience des années et des capacités physiques et cognitives d'un jeunot de 45 ans. Plutôt que de compter le nombre d'années écoulées depuis la naissance, comptons en termes d'années restant à vivre !
L'âge a rajeuni. Ainsi, si au mitan des années 1960, on entrait en moyenne à 74 ans en Ehpad, aujourd'hui, c'est à plus de 85 ans...
Certes, l'âge a rajeuni, mais à partir de 2031, la France connaîtra en moins de 30 ans un doublement du nombre des plus de 85 ans, qui représenteront 5 millions de personnes, contre 600 000 en 1980. Ces cohortes du grand âge ne ressembleront guère aux générations silencieuses que nous avons connues. Les premières générations « j'ai droit » vont remplacer la génération « je dois »... Après le silence, le bruit.
L'âge a rajeuni, mais le regard que la société porte sur les seniors a vieilli. La vision de nombreux décideurs est décalée.
Par rapport aux pays nordiques, les pays du Sud ont un rapport plus compliqué avec l'âge. Ils sont en retard sur la représentation, mais aussi sur la prévention, notamment physique. En Scandinavie, par exemple, une femme de 75 ans en short qui joue au basket, ça ne gêne personne. Leur vision des seniors dans le monde du travail valorise l'expérience.
Sur le plan pratique, des mesures pour favoriser l'adaptation des villes et des logements sont nécessaires. Pour permettre aux seniors de rester chez eux le plus longtemps possible, comme ils le souhaitent, il faut non seulement améliorer les conditions salariales et le quotidien des professionnels du soin, pas assez nombreux, mais aussi valoriser ces métiers auprès des enseignants et des jeunes.
Reste un lieu où les seniors ne sont guère à la mode : l'entreprise. Les recruteurs résistent vaillamment à la vague grise. Trouver un emploi ou exercer son métier après 50 ans reste une gageure dans la France de 2024. Quel gâchis ! Mais sur un marché du recrutement en tension, où les jeunes qualifiés sont en nombre insuffisant et ont un rapport au travail plus distancié, les entreprises sont contraintes de faire appel aux seniors et découvrent leurs qualités : plus à l'écoute, plus perfectionnistes, plus fidèles que les jeunes. Et surtout, cela permet aux entreprises d'avoir une pyramide des âges qui colle mieux à celle de leur marché. L'expérience finira aussi par être tendance !