Dans le n° 4-janvier 2011  -  Marie-Anne Montchamp  85

Solidarités et cohésion sociale : la nouvelle équation politique

Le secteur médico-social voit le retour de Marie-Anne Montchamp, cette fois secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale (Roselyne Bachelot-Narquin). Forte de son expérience dans le champ du handicap, Marie-Anne Montchamp prône la transversalité de la réflexion et de l'action. Des solidarités mises en oeuvre, entre autres dans la réforme de la dépendance, naîtra la cohésion sociale.

Bio express

Députée de la 7e circonscription du Val-de-Marne depuis 2002, Marie-Anne Montchamp a été secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées de mars 2004 à mai 2005.

Votre arrivée au Ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale est perçue très favorablement par les professionnels du grand âge. Comment votre expérience des problématiques des personnes handicapées va-t-elle vous aider dans ce nouveau poste ?

C'est très agréable d'entendre cela mais cela fait monter la pression ! Il va me falloir être à la hauteur de ces attentes. Le travail que j'ai réalisé pour la loi handicap m'a beaucoup marquée. Le point essentiel que je retire de cette expérience est qu'en matière de dépendance, il n'y a pas de dogme, pas de doctrine. Il y a juste un vide entre la puissance publique et un corps social. D'un côté la puissance publique qui oriente, et ce dans tous les sens du terme y compris celui du financement, de l'autre un corps social qui perçoit, ressent, des choses intimes paradoxales, et souvent douloureuses. Je viens de lire Grandir, le livre de Sophie Fontanel (NDLR : journaliste à Elle, qui relate sa relation avec sa mère dépendante). Son livre n'est pas normatif ou moralisateur. C'est l'expression sensible de paradoxes. Comment aimer et choisir ? Comment épargner la souffrance à la personne qu'on aime ? Comment préserver sa propre vie ? Grandir, c'est trouver des chemins pour être en paix quand la personne partira. Ce départ provoque des sentiments douloureux sur ce que l'on a fait, pas fait ou abandonné... Je sais mes compatriotes partagés : il y a de belles histoires mais aussi des histoires tristes. Pour revenir au vide dont je parlais, la question peut se résumer ainsi : comment le collectif peut-il aider le personnel ? Le sujet est immense.

Existe-t-il d'autres parallèles ?

Je me souviens avoir négocié avec les associations du secteur du handicap. Quand les responsables rentraient chez eux, ils changeaient de monde et devaient faire face à des situations concrètes, non plus à des chiffres. Ce sera la même chose pour les personnes âgées. Enfin, j'établis un autre parallèle entre le handicap et le grand âge, celui de la logique d'un projet de vie au jour le jour. Pour les personnes handicapées, l'échelle du temps est resserrée, il en va de même pour les personnes âgées. On peut imaginer la fin de vie comme le bord d'une falaise, et il faut tout faire pour que les personnes en haut de la falaise vivent bien.

Comment voyez-vous votre mission ?

L'idée d'être placée auprès de Madame Bachelot sur l'ensemble d'un périmètre dédié aux solidarités et à la cohésion sociale m'a beaucoup plu. La puissance publique est un éclaireur de possibles. Le " et " qui relie solidarités et cohésion sociale n'est pas celui de l'inventaire mais celui de la logique : les solidarités vont déboucher sur la cohésion sociale. De fait la transversalité du domaine de la dépendance fait l'objet d'une gouvernance commune. Cela explique qu'il n'y ait pas de secrétariat d'état dédié soit aux personnes âgées, soit au handicap, soit à la famille. La personne âgée dépend de la famille, de la santé, du handicap, des droits des femmes,... Les regards croisés sont nécessaires et ils seront fructueux. Nous allons travailler sur des problématiques très fines, il y a une multitude de réalités et des questions, qui pour les personnes âgées ou les personnes exclues, ne peuvent souvent pas attendre 48 heures. Ce n'est donc pas doctrinal, c'est attentif et cela devrait faire cohésion sociale. En acceptant cette mission, je m'engage non seulement dans le service public, mais pour la cohésion sociale.

Le plus gros dossier du Ministère est la dépendance...

Au-delà de ce qu'on peut apporter dans chaque domaine, ce dossier doit faire la démonstration de la cohésion sociale. Le débat citoyen se met déjà en place. Le vieillissement et ses conséquences restent à définir aussi nous allons avoir d'hypothèses, de la contribution des " sachants " : économistes, démographes, bref de ceux qui peuvent qualifier le risque. Nous aurons besoin également de la contribution des accompagnants professionnels, de celle des bénévoles, des aidants familiaux. Vieillir à domicile, c'est bien mais cela peut être maltraitant : parfois on peut faire moins bien qu'en établissement. Si nos politiques de santé et de cohésion sociale sont efficaces, nous agirons sur le nombre des personnes âgées dépendantes dans notre pays. La solitude, l'isolement, sont des facteurs aggravants et l'absence de prévention est préjudiciable. Le progrès scientifique va nous aider même si, aujourd'hui, il est difficile à prendre en compte. Je tiens à rassurer les Français : nous ne sommes pas résignés ! La politique Dépendance sera mise en oeuvre et elle conduira à une amélioration de la situation.

La convergence entre le handicap et le grand âge va s'accentuer. A ce jour, rares sont les solutions qui intègrent cette convergence.

J'ai toujours été choquée par le fait qu'une personne handicapée avait le droit d'être enfant et adulte... mais c'est tout. Ainsi on construit des projets pour les adolescents, on favorise l'intégration professionnelle des adultes handicapés, leur intégration sociale par le biais d'appartement indépendant. Qu'en est-il de la vieillesse ? La citoyenneté, c'est le droit à tous les âges de sa vie.

Il y a une différence entre être une personne handicapée âgée et une personne âgée qui est atteinte d'un handicap. Les deux ne sont pas vieilles au même âge. Les trisomiques 21 gagnent certes des années mais perdent leurs parents. A 60 ans, ils sont âgés mais on ne peut pas les intégrer dans les EHPAD. Il y a un vrai problème : la cohabitation entre les personnes âgées handicapées et les personnes âgées non handicapées. Il faut donc créer des structures ouvertes, qui intègrent le vieillissement familial. Tout cela ne se règlera pas par décret. C'est donc à nous, politiques, professionnels, familles, bénévoles,... d'imaginer des modèles de vie différents pour des parcours différents. Il n'y a pas de modèle unique et je sais que le secteur est foisonnant d'expériences.

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