Dans le n° 32-mai 2013  -  Juridique  1495

Souffrance au travail et discrimination

Depuis de nombreuses années, le thème de la souffrance au travail s'est imposé dans les rapports sociaux, démontrant par là une meilleure prise en considération des conditions de travail des salariés. Dans le même temps, la dégradation du niveau de l'emploi a incontestablement pesé sur la productivité au travail, la pression se faisant de plus en plus forte sur les salariés afin d'améliorer, tant leur compétitivité que leur flexibilité.

1. Sur la prise en compte des souffrances liées à l'activité salariée

Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leurs activités professionnelles les rendent vulnérables à plusieurs types de souffrance. Il y a d'une part les atteintes individuelles et, d'autre part, des atteintes collectives.
Sur le plan des atteintes individuelles, on peut relever notamment les faits de type harcèlement sexuel réprimés par les articles L. 1153-1 et suivants du Code du travail qui prohibent "les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers".
Depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, la réglementation a été complétée par la définition du harcèlement moral. L'article 1152-1 du Code du travail prohibe "les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir personnel".
Ces deux types de harcèlement au travail, de nature différente bien entendu, peuvent avoir pour auteur aussi bien l'employeur, qu'un supérieur hiérarchique, voire un collègue. Il appartient en tout état de cause à l'employeur de veiller à ce qu'aucun de ses salariés ne subisse des faits de harcèlement moral ou sexuel. C'est au final sur l'employeur que pèse la responsabilité de la protection des salariés dans ces deux domaines.
Il existe, dans un second temps, des souffrances collectives liées à l'appartenance à un groupe identifié.
On peut notamment relever les discriminations fondées sur l'appartenance syndicale qui sont également réprimées par le Code du travail, les discriminations liées à l'appartenance ethnique (que ce soit au moment de l'embauche ou au cours de la carrière) ou les discriminations liées au sexe (notamment les inégalités salariales entre hommes et femmes).
Dans ce cas de figure, c'est l'appartenance du salarié à un groupe qui engendre une souffrance.

2. Les moyens de défense du salarié

A l'exception des moyens de défense judiciaire où le salarié s'oppose frontalement à son employeur, bien souvent, dans le cadre d'un licenciement, il existe des réponses collectives et des moyens de défense institutionnalisés à l'intérieur de l'entreprise.
Les représentants du personnel, qu'ils soient délégués du personnel ou délégués syndicaux, ont toute autorité pour recueillir les confidences de salariés subissant des faits de harcèlement moral ou sexuel.
Les faits de harcèlement, dénoncés à l'employeur, soit par le salarié lui-même, soit par ses représentants, doivent conduire à une enquête.
Le salarié peut également saisir le CHSCT, Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail qui dispose de prérogatives propres permettant de mener une enquête impartiale.
Ces deux types de harcèlement, moral et sexuel, constituent également des infractions pénales autonomes susceptibles d'être poursuivies par le Procureur de la République. Dans les cas les plus difficiles, ou lorsque les institutions représentatives du personnel sont impuissantes à obtenir une réaction de l'employeur, la saisine du Procureur, par le biais d'une plainte pénale, peut permettre de sanctionner les infractions les plus graves. La difficulté, toutefois, réside dans le fait que l'enclenchement d'une procédure pénale rend difficile la poursuite du lien contractuel entre le salarié et son employeur et provoque, de facto, la mise entre parenthèses de la relation de travail.
Ces dernières années, le législateur a renforcé les dispositions légales permettant au salarié de se défendre collectivement des souffrances nées de l'appartenance à un groupe déterminé.
La création de la HALDE, puis son remplacement par le défenseur des droits, ont permis à des groupes de salariés d'obtenir des enquêtes impartiales concernant les discriminations à l'embauche ou des discriminations entravant leur carrière, en raison de l'appartenance, soit à un syndicat, soit à une communauté identifiée.
Il est également à noter que ces discriminations constituent, là encore, des infractions pénales qui peuvent justifier le dépôt d'une plainte devant le Procureur de la République.
L'égalité salariale entre les hommes et les femmes a également été renforcée par plusieurs dispositions, et notamment l'obligation de négocier, conformément aux dispositions des articles L.2242-5 et suivants du Code du travail.
Le Ministère vient de faire 135 mises en demeure et deux entreprises de taille moyenne viennent d'être condamnées, pour l'une à 5 000 Euros par mois jusqu'à la mise en conformité, pour l'autre à 8 500 Euros. Il s'agit des deux premières condamnations en France.
L'employeur doit désormais procéder à une négociation avec les organisations et prévoir un plan d'identification des discriminations et de rétablissement de l'égalité salariale.
Ces accords peuvent s'étaler sur plusieurs années.
L'Administration, par l'intermédiaire de l'Inspecteur du travail dispose également du pouvoir d'injonction en cas de manquements de l'employeur ou d'insuffisance du plan de correction des discriminations.
La question est plus difficile concernant les entreprises de toute petite taille ou de taille intermédiaire (jusqu'à 50 salariés) où il n'existe pas bien souvent d'institutions représentatives du personnel ou d'obligation de négocier.

Le risque est donc grand de voir se creuser un fossé entre les salariés appartenant à des groupes de taille moyenne ou supérieur et les salariés des toutes petites entreprises constituant l'essentiel de la main d'oeuvre.
Les condamnations récentes montrent cependant qu'aucune entreprise ne sera exclue du dispositif.

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