Retrouvez ici notre classement des groupes privés commerciaux. Le groupe Medicharme a sombré, mais Clariane et Emeis, les deux leaders du marché, côtés en bourse, sont en train de réaliser ou achever leur aggiornamento financier.
Tenir la barre face à la tourmente financière.
La liquidation judiciaire de Medicharme a été un coup de tonnerre. Une première en France pour un opérateur de cette taille : 43 établissements, dont 34 Ehpad, 2011 lits, 1230 salariés. Créé en 2015, le groupe a connu une expansion spectaculaire jusqu'à faire partie du Top Ten des groupes français. Mais son développement était basé sur un modèle économique exclusif : la location non meublée professionnelle (LNMP). « Un modèle en bout de course, le groupe a été étranglé il a accumulé 150 millions d'euros de dette », commente Raoul Tachon, consultant spécialiste du médico-social qui cite la hausse des taux d'intérêt, l'inflation, la baisse des taux d'occupation et donc la diminution des recettes, mais « surtout, le poids des loyers à payer aux 1 100 propriétaires bailleurs, sans compter les contraintes de rentabilité du fonds d'investissement anglais qui l'avait racheté en 2018 ».
Tous les établissements de Medicharme, vendus un euro, ont trouvé repreneurs, le 4 avril, sauf l'Ehpad d'Aiffres dans les Deux-Sèvres (une CGT trop remuante, avancent certains observateurs) : le tribunal de commerce de Nanterre a validé les offres déposées par un consortium réunissant le groupe Domidep (principal repreneur avec 17 Ehpad et 5 résidences services senior), la holding familiale Jestia/Pavonis santé, Sedna et Edenis. Les repreneurs étant autorisés à baisser le montant de leurs loyers...
Clariane : un nouvel actionnaire à la rescousse
Clariane, le deuxième groupe du classement de Géroscopie, n'était pas candidat, il l'a fait savoir tout de suite. Sophie Boissard sa directrice générale a évoqué dans Le Monde, un modèle économique « absurde » qui devrait « être encadré » .
Il faut dire aussi que le groupe qu'elle dirige est dans une autre logique ! Le plan de refinancement de 1,5 milliard d'euros qu'il a annoncé le 14 novembre 2023 afin de faire face aux difficultés de liquidité prévoit notamment la réalisation d'une augmentation de capital de 300 millions d'euros et des cessions d'actifs opérationnels et immobiliers à hauteur d'un milliard d'euros. Ce plan de renflouement soutenu par le premier actionnaire, Crédit Agricole Assurances, est destiné à réduire son endettement et ramener son levier financier en deçà de 3 x d'ici fin 2025 (voir note page 16).
Lors de sa conférence de presse du 29 février dernier sur ses résultats 2023, le groupe a confirmé la cession de ses activités au Royaume-Uni (réseau Berkley Care) pour 243 millions d'euros et aux Pays-Bas (6 actifs immobiliers) pour 25 millions d'euros.
En 2023, le chiffre d'affaires du groupe a atteint 5,05 milliards d'euros, en croissance organique de 8,4 %. L'excédent brut d'exploitation (Ebitda), avant impact de la norme comptable IFRS 16, a progressé de 1,1 %, à 614 millions d'euros. Enfin le groupe a accusé une perte nette de 63 millions d'euros, contre un bénéfice de 52 millions d'euros en 2022 en raison notamment de dépréciations d'actifs liées aux cessions réalisées. Le ratio de levier étant supérieur à 3,5 x au 31 décembre 2023, le Groupe ne versera pas de dividende au titre de l'exercice 2023. Côté cessions en France, le 6 mai, le groupe a annoncé officiellement la future vente à la Fondation Santé Service de l'ensemble de ses activités d'hospitalisation à domicile (HAD) et services de soins infirmiers à domicile. Avec cette opération, qui viendrait s'ajouter aux opérations déjà finalisées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, le Groupe réaliserait un peu plus de 40 % de son programme total de cessions.
Enfin, côté capital, une importante information a été annoncée le 17 mai : Clariane a engagé les opérations d'augmentation pour un montant total maximum d'environ 328 millions d'euros, et va faire entrer un deuxième actionnaire de référence aux côtés de Crédit Agricole Assurances : le groupe de capital-investissement HLD Europe, à hauteur de 20 %. Ce dernier se présente comme assemblant un actionnariat composé d'une trentaine de familles, « dont la plupart sont à l'origine du succès de grandes entreprises en Europe et dans le monde ».
Emeis : poursuivre le redressement
Emeis (ex-Orpea), le numéro 1 du classement de Géroscopie, a achevé en 2023 une restructuration financière d'ampleur inédite entamée après le scandale de 2022.
En difficultés financières et étranglé par sa dette, le groupe est passé en décembre dernier sous le contrôle d'un groupement mené par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dans le cadre d'une procédure visant à lui permettre de retrouver l'équilibre financier. Avec la Maif, CNP et MACSF, le bras financier de l'État a pris 50,2 % du capital d'Emeis via des augmentations de capital à hauteur de 1,55 milliard d'euros. Le plan prévoyait aussi d'effacer 3,8 milliards d'euros de dettes non sécurisées, sur un total de 9,7 milliards, en les convertissant en capital. De quoi réduire la dette du groupe de 60 % au total.
« L'arrivée de nos nouveaux actionnaires nous permet d'accélérer notre transformation », a déclaré Laurent Guillot, son directeur général (DG), le 17 avril, lors de la présentation des résultats annuels 2023 consolidés. « Dans le même temps, le groupe a poursuivi la déclinaison opérationnelle de son plan de refondation avec des avancées significatives. »
Le groupe a annoncé un chiffre d'affaires de 5,2 milliards d'euros en 2023, en progression de 11 % sur un an, et organique de 9,5 %. Le résultat net part du groupe, qui emploie 76 000 salariés dont 28 000 en France, s'est pour sa part élevé à 1,3 milliards d'euros en 2023 contre 4 milliards de pertes en 2022, mais il intègre des « éléments exceptionnels » qui « n'ont rien d'opérationnels », a pondéré le DG (il s'agit du produit comptable exceptionnel de 2 850 millions d'euros consécutif à la capitalisation de la dette mise en oeuvre dans le cadre de la restructuration financière) « ce qui signifie que nous avons encore énormément de travail devant nous pour poursuivre le redressement de l'entreprise ».
La performance financière a été affectée en 2023 par une pression inflationniste sur les coûts et par un taux d'occupation de ses 227 établissements en France restant éloigné des attentes, 83,6 % contre 85,6 % en 2022.
Pour 2024 ? Il anticipe un Ebitdar 2024 compris entre 800 et 835 millions d'euros, soit une progression comprise entre + 15 % et + 20 % comparée à la performance enregistrée en 2023. Mais il note que cet exercice d'anticipation intègre les hypothèses et estimations les plus raisonnables à date, dont le constat au 1er trimestre 2024 d'un taux d'occupation moyen groupe de 85,1%, mais de 83,1 % sur les maisons de retraite en France. Il reste le talon d'Achille du groupe.