Le rapport de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale, publié en février 2022, est sans appel. Les Ehpad sont dans une situation catastrophique en matière d'accidents de travail ou de maladies professionnelles. On fait le point.
TMS : les Ehpad toujours dans le rouge, vif
Le rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale met chaque année en lumière une thématique spécifique. En 2022, il a examiné la sinistralité en matière d'accidents du travail, jugée « hors norme » dans le médico-social, et en particulier dans les Ehpad.
Pour mémoire, le secteur médico-social accompagne près de 1,1 million de personnes âgées ou handicapées, en établissement ou à domicile. Il employait en 2020 près de 730 000 salariés. Les Ehpad y sont majoritaires, avec une capacité d'accueil de plus de 600 000 lits, soit 55 % des capacités et 61 % des effectifs de l'ensemble du secteur.
3,5 millions de journées perdues en 2019
Selon les données de l'Anap, les accidents de travail ou maladies professionnelles (AT-MP) ont conduit en 2019 à plus de 2,2 millions de journées d'absence dans les ESMS privés et à 1,2 million dans les ESMS publics, soit pas moins de 3,5 millions de journées perdues. La hausse est globalement de 41 % depuis 2016. Ce qui correspond à 17 000 postes équivalents temps plein (ETP) par an, alors que les salariés du secteur médico-social sont, pour l'essentiel, des personnels paramédicaux (infirmiers, aides-soignants, psychomotriciens, ergothérapeutes) ou socio-éducatifs (éducateurs, aides médico-psychologiques).
Le secteur privé plus touché
C'est dans les structures du secteur privé commercial que le nombre de jours d'absence et la progression entre 2016 et 2019 sont les plus élevés : 9,9 jours d'absence par ETP avec une évolution de + 46 %. Et ce même si les données de la Cour sont incomplètes. La Caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers (Cnracl) dispose de données concernant ses affiliés si leur durée du travail est supérieure à 28 heures hebdomadaires. Mais contrairement au privé, les employeurs publics ne sont pas tenus de déclarer les accidents à la Cnracl. Seuls 24 % des employeurs de la FPH et 48 % des employeurs de la FPT déclarent ainsi les accidents et les maladies d'origine professionnelle.
Par ailleurs, la Cnracl n'identifie dans sa base de données que le quart des ESMS publics. Les ESMS rattachés aux établissements publics de santé n'y sont pas identifiés de manière spécifique. Or ils représentent la moitié des activités médico-sociales portées par la FPH.
Des ESMS inégalement sinistrés
Les Ehpad, MAS, Ssiad et Spasad connaissent eux-mêmes une sinistralité trois fois supérieure à celle des autres ESMS (dont le secteur hospitalier, les entreprises de propreté et les sociétés d'intérim). Elle frappe particulièrement les aides-soignants.
En Ehpad, la Cour souligne un lien statistique clair entre la fréquence des AT-MP et le taux d'encadrement. Ce constat réitère une fois de plus l'impact du manque de personnels qualifiés, qui nuit à la qualité et la continuité de l'accompagnement apporté aux personnes âgées, au soutien de leurs proches aidants, mais aussi à la santé des agents et à l'organisation des activités des établissements et services médico-sociaux.
La Cour constate également que les établissements réunis dans un regroupement public ou privé d'ESMS subissent moins d'AT-MP.
C'est cet impact qualitatif de la sinistralité AT-MP que la Cour a souhaité éclairer, au-delà des seuls enjeux financiers qu'elle situe dans une fourchette de 360 à 800 millions d'euros, au vu des données de l'Assurance maladie ou à travers une valorisation des journées perdues.
Des axes de prévention
La Cour souligne la nécessité de revoir l'organisation du travail pour renforcer les effectifs et réduire le turnover.
Elle insiste sur l'importance d'investir dans le matériel, comme les rails de transfert ou d'autres équipements adaptés, mais aussi de soutenir individuellement les personnels, par la mise à disposition de chaussures adaptées plutôt que l'usage très répandu de chaussures ouvertes, sabots ou sandales, qui augmentent les risques de chutes et leurs conséquences.
La formation des salariés est un autre axe de prévention à développer, en proposant des séances régulières avec un ergothérapeute, pour rappeler les gestes et postures en situation de travail, ou à l'occasion de l'entretien avec le médecin du travail, lors de la visite de reprise après chaque arrêt de travail au titre des risques professionnels.