Le 18 avril 2018, le Conseil des Ministres dévoilera le détail du projet de loi portant transformation de la formation professionnelle. En consolidant l'accord entre les partenaires sociaux du 22 février et l'intervention de la Ministre, Muriel Penicaud le 6 mars, on peut déjà esquisser un portrait assez juste de ce que sera cette réforme.
Transformation de la formation professionnelle
La philosophie : le salarié devient co-acteur réel
Le tiers des ressources de la formation (contributions obligatoires) sera dans la main du salarié par l'intermédiaire du nouveau CPF. Ce dispositif lui donnera accès à un plus grand nombre de formations (tout le catalogue du répertoire des certifications professionnelles) ainsi qu'au bilan de compétences, à la VAE au CPF de transition (nouvelle forme de CIF) et quelquefois au permis de conduire. Pour être un réel co-acteur, il disposera du droit de choisir sa formation et même de la payer directement via une application que lui aura fournie la Caisse des Dépôts. La France sera ainsi le 2e pays après l'Italie à créer des « chèques formation », sauf qu'en France, ils seront dématérialisés. Si le salarié veut un traitement particulier, comme pouvoir se former durant son temps de travail, ou obtenir un abondement financier de son entreprise, il devra alors passer un accord avec son employeur s'il n'existe pas déjà d'accord d'entreprise.
Le CPF devient une monnaie
On ne parle plus d'heures de CPF mais de budget. Chaque salarié à plein temps ou à temps partiel verra son compte crédité de 500 €/an s'il est qualifié et 800 €/an s'il n'est pas assez qualifié (diplôme inférieur à BAC + 2 ou à BAC PRO). Ces sommes vont se cumuler pendant 10 ans et le plafond atteindra ainsi 5 000 et 8 000 € respectivement. Pour les CDD, le montant sera calculé au prorata du temps travaillé. Bien entendu, de nombreux abondements pourront compléter ce solde, en provenance des OPCA, de la caisse d'Assurance maladie pour les salariés ayant des critères de pénibilité, de l'AGEFIPH, de l'Etat ou... du salarié lui-même.
L'alternance se simplifie
Les deux contrats actuels ; contrat d'apprentissage et contrat de professionnalisation vont se ressembler et se différencier mieux. Ces deux contrat seront déclarés grâce à un même document CERFA, les rémunérations et exonérations de charge seront les mêmes. En revanche les finalités seront différentes : le contrat d'apprentissage sera à destination des formations diplômantes alors que les contrats PRO, plus souples pourront, sur des durées plus courtes, viser des certifications ou qualifications. L'alternance sera placée sous la responsabilité des OPCA.
L'OPCA change de métier
L'OPCA Organisme paritaire Collecteur Agréé, devient l'OPCO Opérateur des compétences. Il a une double mission totalement opérationnelle : 1/. Gérer le plan de formation des entreprises de 1 à 10 salariés 2/. Gérer l'alternance, c'est-à-dire les contrats d'apprentissage et les contrats de professionnalisation. Les 5000 salariés des OPCO pourront se consacrer à leur nouveau métier de conseil puisqu'ils n'auront plus à s'occuper de la collecte des contributions. Cette collecte sera assurée par l'URSSAF et les fonds seront conservés par la Caisse des Dépôts et consignations.
Les financements changent
Un certain nombre de dispositifs changent de propriétaires comme le CPF qui rend obsolète l'action des FONGECIF et qui rendent le salarié autonome. D'autres disparaissent comme la période de professionnalisation qui n'a plus de financement. Les actions collectives sont réservées aux entreprises de 1 à 10 salariés qui bénéficient même d'une solidarité des entreprises entre 11 et 299 salariés. Il reste donc un espace très restreint aux financements externes et l'entreprise devra donc calculer le ROI d'une action de formation avant de l'engager.
Les contributions obligatoires changent mais n'augmentent pas
Le total, formation professionnelle + apprentissage, reste à 1.23% pour les entreprises de 1 à 10 salariés et à 1.68% pour toutes les autres, cf tableau en encadré.
Comment se préparer à la réforme Attention, le planning de cette réforme est long :
- 18 avril 2018 Présentation du projet de loi en Conseil des Ministres
- Juin/Juillet 2018 vote de la loi
- Septembre 2018 à Févier 2019 parution des décrets
- Janvier 2020 changement de rôle des OPCA (OPCO)
C'est la raison pour laquelle, il ne faut pas se précipiter mais se préparer de façon raisonnable aux changements profonds qui vont avoir lieu :
- Profiter au maximum des offres des OPCA en 2018
- Inciter un maximum de salariés à ouvrir un compte CPF à la Caisse des Dépôts et Consignations ( moncompteformation.gouv.fr )
- Préparer un projet d'accord collectif ou individuel concernant le CPF afin d'alléger le poids de la formation sur le plan de formation. En choisissant les formations dont la finalité est gagnant/gagnant entre l'entreprise et ses salariés
- Se préparer à utiliser le plus souvent possible le contrat de professionnalisation dans le recrutement de nouveaux salariés (avantages financiers importants)
- Se renseigner sur les prestations gratuites offertes par les CEP Conseils en Evolution Professionnelle) pour pouvoir orienter vos salariés dans leurs projets
Alain-Frédéric Fernandez
Expert en ingénieries de la formation professionnelle (droit, financement, pédagogie, dialogue social, communication). Il accompagne de nombreuses entreprises et intervient à Sciences PO Paris et à l'université PARIS 1 Panthéon Sorbonne.