Il ne s'agit pas, dans les colonnes de cette revue, d'alimenter un débat sur le travail du dimanche pour un domaine d'activité qui, depuis longtemps, a l'habitude de la permanence du soin. Il s'agit plutôt d'évoquer quelques difficultés concernant les contrats de travail.
Travail le dimanche et contrat de travail
La discussion récurrente sur le travail le dimanche avait été traitée, on s'en souvient peut-être en 2009, par un texte de compromis qui avait rappelé que dans l'intérêt des salariés le repos hebdomadaire était donné le dimanche.
De même que le refus d'un demandeur d'emploi d'accepter une offre d'emploi impliquant de travailler le dimanche ne constituait pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d'emploi.
Le secteur médico-social a toujours bénéficié de la dérogation, domaine qui est reconnu par l'article R. 3132-5 qui comporte bien entendu les établissements de santé et établissements sociaux et médico-sociaux...
Les conventions collectives, dans des annexes spécifiques au personnel affecté à la permanence du soin, ont prévu l'organisation, par roulement, du travail, avec des compensations financières.
Restent cependant quelques difficultés concernant les contrats de travail, les modifications de ceux-ci, notamment pour le personnel qui n'est pas particulièrement rattaché aux soins.
La Cour de cassation a rendu une décision le 5 juin 2013 qui reprécise les éléments.
1. La modification unilatérale des horaires
Dans cette décision du 5 juin 2013, il est rappelé que l'établissement d'accueil médicalisé pour personnes âgées avait engagé une salariée en qualité d'agent de secrétariat accueil au sein de l'établissement, avec un horaire de travail de 35 heures par semaine avec, pour jours de repos hebdomadaire, les samedis et dimanche.
Le contrat comprenait cependant une clause selon laquelle la salariée devait se conformer au planning affiché dans le service et répondre à l'impérieuse nécessité d'assurer un accueil permanent des visiteurs.
L'employeur, en invoquant cette clause contractuelle, a modifié unilatéralement le planning de la salariée et, en utilisant la notion d'accueil permanent des visiteurs, a tenté d'imposer un travail le samedi et le dimanche, un week-end sur deux.
Le refus de la salariée d'effectuer ces nouveaux horaires de travail a entraîné un licenciement qui a été contesté devant le Conseil de prud'hommes, puis la Cour d'appel d'Aix en Provence.
La salariée n'a pas eu gain de cause devant la Cour d'appel qui a considéré que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse au motif que le changement des horaires de travail était conforme aux stipulations du contrat de travail selon lesquelles, en ce qui concerne le rythme de travail, la salariée devait se conformer au planning...
La Cour de cassation cependant, le 5 juin 2013, a infirmé la décision de la Cour d'appel d'Aix en Provence en rappelant que la nouvelle répartition de l'horaire de travail imposée par l'employeur avait pour effet de priver la salariée du repos dominical, ce qui constituait une modification de son contrat de travail, et qu'elle était en droit de refuser.
Plusieurs enseignements peuvent enrichir la réflexion.
2. Les enseignements de l'arrêt
On pourra considérer tout d'abord que, quel que soit le domaine d'activité, y compris donc en EHPAD, le dimanche reste pour l'instant, en application de l'article L. 3132-3, le jour de repos classique.
Faute de modification législative, y compris dans les établissements médico-sociaux, priorité est donnée à ce jour de congé.
Le deuxième enseignement repose sur l'analyse elle-même du contrat de travail.
Même si la Cour d'appel d'Aix en Provence avait considéré que le contrat est la loi des parties en visant l'article 1134 du Code civil, la Cour de cassation rappelle que des clauses contenues dans les contrats ne peuvent trouver automatiquement application de façon unilatérale.
Il en est ainsi des clauses de mobilité, de révision de rémunération ou de changement d'horaires.
La Cour de cassation rappelle que la modification du contrat est soumise, lorsqu'il s'agit d'un élément important du contrat (on parlait d'élément substantiel, voire d'élément essentiel, en tout état de cause d'élément fondamental), il y aura nécessité de l'accord du salarié.
S'agissant d'une hôtesse d'accueil d'EHPAD, quelles que soient les mentions du contrat de travail, on a pu considérer que la libre disposition du week-end comme jours de congé pouvait constituer un élément essentiel qui avait déterminé l'embauche, et donc le consentement de la salariée.
Dès lors, toute modification d'un élément considéré comme essentiel du contrat, ne peut se faire qu'avec l'accord de la salariée.
Faute d'accord, selon un processus de proposition et de délai de réflexion d'un mois, l'employeur doit, soit abandonner le projet, soit procéder à un licenciement qui s'apparente à un licenciement économique dans la mesure où il peut justifier de l'intérêt de l'entreprise à procéder à la modification.
En l'espèce, il apparaît clairement que l'employeur n'aurait pas dû modifier unilatéralement les horaires de la salariée.
S'agit-il d'un revirement définitif et constant de la Cour de cassation? Ce n'est pas totalement certain.
Dans une décision un peu plus ancienne, la Cour de cassation n'avait pas donné gain de cause à la salariée qui était engagée en qualité d'aide à domicile par la Fédération d'Aide à Domicile en Milieu Rural, et qui avait imposé à la salariée un travail le dimanche comprenant non seulement du ménage, mais également du soin.
La salariée qui avait refusé de travailler le dimanche n'avait donc pas eu gain de cause. (Cassation 22 septembre 2011)
Dans ces différences de traitement, on peut mettre en avant également les différences de fonctions, administratives pour l'hôtesse d'accueil, et aide à domicile pour la salariée qui aurait dû accepter le travail du dimanche...
La jurisprudence de la Cour de la Cour de cassation sur la modification des éléments contractuels, nécessitant ou non l'accord express du salarié, est cependant en permanente évolution; la distinction entre le pouvoir de direction de l'employeur qui autorise les modifications sans accord du salarié, et les éléments essentiels du contrat qui doivent faire l'objet de l'accord express, sont parfois difficiles à déterminer.
Les textes:
Article L.3132-1: Il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.
Article L. 3132-2: Le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er.
Article L. 3132-3: Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
Article L. 3132-3-1 : le refus d'un demandeur d'emploi d'accepter une offre d'emploi impliquant de travailler le dimanche ne constitue pas un motif de radiation de la liste des demandeurs d'emploi.
Cour de cassation, chambres sociales, audience publique du 22 septembre 2011, n° pourvoi 10-15628, Légifrance, aff. Mme X c/ Association locale ADMR de la Haute-Meurthe et du Taintroué.
Cour de cassation, chambres sociales, audience publique du mercredi 5 juin 2013, n° pourvoi 12-12953, Légifrance, aff. Mme X c/ Société CASTEL ROSERAIE