L'Élysée a gardé, le 21 février, portes closes devant l'intersyndicale et l'AD-PA venues porter 30 000 cartes pétition et 600 motions. A défaut d'un rendez-vous à la présidence de la République et « de réelles négociations sur leurs revendications », les dix syndicats pourraient appeler - à l'instar du 30 janvier et du 15 mars 2018 - à la grève nationale.
Un an après les grèves, « rien n'a changé »
L'intersyndicale du secteur des personnes âgées (FO, CGT, CFDT, CFTC, Unsa, CFE-CGC, FA-FP, FSU, SUD et Ufas) et l'AD-PA avaient prévu, le 21 février, de remettre à l'Élysée, 30 000 cartes pétition « signées par des salariés, des familles, des personnes âgées elles-mêmes », et 600 motions issues des réunions et assemblées générales initiées, durant le mois de janvier, dans les établissements et services à domicile. Mais le palais présidentiel a gardé portes closes, en raison de la présence des médias. « Cette fin de non-recevoir est l'expression d'un mépris vis-à-vis des salariés qui, au quotidien, accompagnent les personnes âgées », ont critiqué les dix syndicats et l'AD-PA dans un communiqué en date du 21 février. Déterminés à se faire entendre, ils promettent de se rendre à nouveau à l'Élysée et de « tout mettre en oeuvre pour obtenir un rendez-vous » avec le cabinet du président de la République.
Obtenir « des réponses immédiates »
Lors d'un point de presse organisé, dès 10 heures le 21 février, Place Chassaigne Goyon, dans le VIIIe arrondissement parisien, proche de l'Élysée, les représentants des organisations de salariés et l'AD-PA ont martelé leur volonté d'obtenir « des réponses immédiates ». Plus d'un an après les mouvements de grève du 30 janvier et du 15 mars 2018, ils considèrent que « « rien n'a changé ». « On nous dit qu'il pourrait y avoir un projet de loi [Grand âge] qui serait voté en fin d'année ou début de l'année prochaine et qui donnerait des effets dans deux ans. Cela, ce n'est pas possible. Qu'il faille des plans pluriannuels, pourquoi pas, mais il y a des choses qui doivent concrètement changer dès maintenant dans les établissements et les services à domicile », a insisté Pascal Champvert, président de l'AD-PA. [lire interview page XX]
Portées en commun depuis octobre 2017, les revendications restent les mêmes : un renforcement des effectifs pour atteindre le ratio d'un professionnel pour un résident dans les établissements, la sécurisation des contrats aidés, l'amélioration des rémunérations dans le cadre des statuts et des conventions collectives, l'abrogation des décrets réformant la tarification des EHPAD. « Aujourd'hui la situation est dramatique comme le 30 janvier 2018 quand les personnels sont descendus dans la rue et elle est en train de se dégrader dans le secteur public comme dans le secteur privé. La crise sociale se fait sentir par les "gilets jaunes" mais les soignants sont aussi en crise sociale. On demande à Monsieur Macron de mettre en place des moyens nécessaires pour la dignité de nos personnes âgées », a exigé Malika Belarbi, aide-soignante dans un EHPAD public d'Ile-de-France et représentante du collectif des personnes âgées - Fédération CGT santé et action sociale.
10 milliards d'euros par an
Pour les syndicats, si la neutralisation temporaire de la convergence tarifaire des EHPAD a pu éviter de nouvelles suppressions de postes, elle ne répond pas aux attentes immédiates des personnels. « Le gouvernement a travers la loi de financement de la sécurité sociale de 2019 a été obligé d'accélérer la convergence sur le forfait soins. C'est un ballon d'oxygène, mais au quotidien cela n'a rien changé », a protesté Luc Delrue, infirmier et secrétaire fédéral FO Santé. Et de considérer les annonces faites par Agnès Buzyn dans la feuille de route « Grand âge et autonomie », « 50 millions par-ci, 20 millions par-là, 40 millions pour des infirmières de nuit dans les EHPAD et 300 millions jusqu'en 2021 pour renforcer les effectifs » comme insuffisantes. Pour Romain Gilzome, directeur de l'AD-PA, « c'est un engagement de 10 milliards d'euros par an qui est attendu. Premièrement, le budget de la sécurité sociale est de l'ordre de 450 milliards, c'est donc absorbable. Par ailleurs, c'est de l'investissement social. Dès lors que l'on investit un euro dans ce secteur, c'est pour créer de l'emploi », tout en rappelant que l'AD-PA est partisane de la création d'une prestation universelle autonomie reposant sur la solidarité nationale.
Ultimatum et menace de grève
Luc Delrue a rappelé que si le secteur sanitaire a obtenu, fin 2018, le dégel de la réserve prudentielle, 152 millions mis en réserve au début de la campagne budgétaire 2018 n'ont pas été redistribués au secteur médico-social. « C'est un très mauvais signe donné par le gouvernement à ce secteur qui n'en peut plus », a-t-il commenté. « De plus en plus de professionnels du secteur public qui arrivent à l'âge de 50 ans sont mises à la retraite d'invalidité avec en moyenne 500 euros de pension. Dans le privé, les ordonnances Macron sont utilisées à tout va par les directions. Quand une aide-soignante est en inaptitude médicale, on lui propose une reconversion professionnelle à des centaines de kilomètres de son domicile et qu'elle ne peut donc pas accepter et cela conduit à des licenciements », a condamné Malika Belarbi.
Les syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires ont appelé le personnel des EHPAD et services à domicile à se joindre à la mobilisation interprofessionnelle, prévue le 19 mars. L'ultimatum a été lancé : à défaut d'obtenir un rendez-vous avec la présidence de la République, l'intersyndicale des EHPAD et du domicile menace d'un nouveau mouvement de grève nationale.